Notre Dame des Landes : « Ici, on n’est pas désespérés »
Près de 40000 personnes ont convergé toute la journée vers la zone de reconstruction sur le site de Notre Dame des Landes. Une démonstration de force qui remet l’Utopie à sa place : à cet endroit-là au moins, quand on rêve la société de demain, ce n’est pas Vinci qui la construit.
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« Ici, on n’est pas désespérés ». C’est par ces mots que les représentants de la coordination contre le projet d’aéroport du Grand Ouest prévu à Notre Dame des Landes, ont tenu à saluer la foule piétinant dans la boue. Et si on n’est pas désespérés, c’est parce que chaque jour, dans ce lieu désormais emblématique de la résistance au capitalisme triomphant, à la mégalomanie de décideurs cyniques, à un pouvoir autiste et aujourd’hui répressif, on a l’occasion d’éprouver la solidarité dans sa réalité, de constater la vigueur de la lutte collective, de tremper sa confiance dans la joie de l’engagement individuel…
Là-bas, il y a ceux qui, accrochés aux arbres de la forêt de Roanne, défient les bûcherons en grimpant dans les branches, y semant des cabanes : à cet endroit, c’est la biodiversité d’une zone humide omise par un projet vieux de 50 ans qui est en jeu. Là-bas, encore, il y a ceux qui dressent les barricades autour de la ferme des Rosiers, lieu symbole des expulsions en cours : là, les cordons de tracteurs rappellent qu’il faudra bien choisir entre un monde construit de mégapoles (comme celle qui doit relier Nantes à Saint-Nazaire), suréquipées en infrastructures dispendieuses et inutiles, dévoreuses d’environnement et un monde qui a besoin surtout de se nourrir et de vivre à une échelle seulement humaine. Là-bas, enfin, il y a ceux qui obstinément reconstruisent où les bulldozers de Vinci dévorent la campagne, soulignant à grands coups de marteaux et de pelle qu’il y aura toujours quelqu’un pour reprendre un combat quand celui-ci est juste.
Convergence des luttes
Aujourd’hui, en ce samedi de Novembre, tous ceux-là, « ceux de la ZAD » rebaptisée Zone à Défendre, ont pu rencontrer tous les autres : ceux qui, venus de tous les coins de France mais aussi de l’Europe, ont pu contribuer à la définition d’une lutte dont personne ne peut nier désormais la portée. A Notre Dame des Landes, on défend le Val de Suse et toutes les vallées voisines menacées depuis 22 ans par un projet de liaison Lyon Turin pharaonique ; à Notre Dame des Landes, on vient protéger Millau et sa région de la menace toujours présente de l’extraction des gaz de schiste ; à Notre dame des Landes, encore, on vient dénoncer l’énorme incinérateur qui doit couvrir de sa fumée les monts d’Auvergne… Point d’équilibre des luttes écologiques d’aujourd’hui, le petit village à quelques kilomètres de Nantes est en passe de construire la proposition politique d’une société à la mesure de l’homme, fondée sur le besoin et montrant la voie d’une émancipation.
« C’est une utopie autrement plus réjouissante que celle proposée par Vinci et Ayrault » s’est réjoui un des orateurs de l’après-midi. Plus réjouissante que ce monde dépassé où le transport aérien serait destiné à se développer toujours davantage au mépris de son impact environnemental. Plus réjouissante que cette complicité toujours plus étroite entre les géants des travaux publics et des élus aveuglés par le rêve inhumain de Babels toujours plus élevées. Plus réjouissante que ces ponts d’or tendus pour quelques-uns au mépris de la plupart…
« Nous, les habitants, nous tenons à vous remercier de vous être approprié ce combat », ont déclaré les habitants des terres menacées en s’adressant à la foule des manifestants. Ils ont raison : l’énorme succès de la manifestation de ce week-end est porteur d’autant d’espoir qu’il est porteur de devoir. Le combat de Notre Dame des Landes appartient désormais à tous ceux qui veulent tourner la page du capitalisme conquérant.
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