« Nous, c’est pas pareil » ou la schizophrénie de gôôche
Notre Président de la République, conscience altière garante d’une justice exemplaire, capable d’une hauteur de vue qui force le respect et l’admiration par ces envolées anaphoriques dont il a dérobé le secret à François Mitterrand, auquel il a d'ailleurs également emprunté sa diction, faite d'un ton à la fois détaché et bonhomme, ponctué d'arrêts fréquents en plein milieu de ses propositions pour bien tenir son auditeur en haleine en lui faisant croire qu'il pense profondément ce qu'il dit, ce qui produit un discours de type "omnibus de la pensée" avec arrêt tous les 5 mots, et qui lui a si bien réussi avec son "moi, Président". Lui, président, en effet, mais lui schizophrène également, comme nous allons le voir.
Voici une magnifique anaphore hollandienne du passé, qui a été judicieusement remise au goût du jour par BFM (étonnant, d'ailleurs, cette lèse-majesté d'un service censé être aux ordres...) :
"Le 49.3 est une brutalité,
Le 49.3 est un déni de démocratie
Le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire"
(François Hollande, en 2006)
Ça, c'est envoyé ! Mais ça, c'est ce qu'il disait, vous l'avez compris, lorsqu'il n'était pas au pouvoir. Une fois qu'il y est, il voit les choses différemment.
Pourquoi ?
Parce que "Nous, c'est pas pareil". Cette petite phrase commode qui résonne dans la pensée des gens de gôôche quand un éclair de lucidité vient déranger leur conscience tapissée d'autosatisfaction. Ainsi, ils méprisent ouvertement "ceux qui gagnent de l'argent en dormant" (dixit Mitterrand) mais ils ne voient aucun inconvénient à se goberger avec l'argent public.
S'ils votent une loi pour augmenter les impôts des riches, ils estiment que tant de justice rendue au petit peuple (qui n'est pourtant pas le destinataire de cet impôt accru) mérite bien une grasse augmentation de leurs indemnités d'élus.
Ils fustigent ceux qui planquent leur argent à l'étranger, mais ils ne permettront jamais que les substantielles "indemnités" assorties à leurs charges électives puissent un jour être imposables.
"Nous ,c'est pas pareil" : Ils s’indignent quand un quidam se prend 100 € d’amende pour avoir traité Sarkozy de « pauvre con » lorsque ce dernier était pourtant Président en exercice, mais ils trouvent normal qu’une jeune femme soit condamnée à 9 mois de prison ferme et 30 000€ d’amende pour avoir comparé Taubira à un singe, alors que ce type de comparaison de l'homme à l'animal fait partie de la culture française depuis le Moyen-Age, dans le « Roman de Renart », par exemple, et plus tard dans les Fables de La Fontaine, plus tard encore dans les caricatures de la presse du XIXe siècle, puis au XXe siècle dans le Canard Enchaîné ou dans le Bébête Show.
"Nous, c'est pas pareil" : Ils s'étranglèrent de rage, par Nouvel Obs interposé, quand Giscard reçut de Bokassa un étui plein de petites chutes de diamants dont la valeur globale devait avoisiner les 3 000 €, ce qui, ramené aux revenus dudit Giscard, représentait si peu de chose qu'il faudrait une belle couche de mauvaise foi pour en conclure qu'il s'était fait acheter, en revanche ils ne voyaient aucun inconvénient à ce que la République payât le substantiel loyer de la fille naturelle de Tartuffe (je ne suis pas sûr du nom)en plein Paris, soit l'équivalent de 20 000€ par an au bas mot, ni à ce que ce même Tartuffe fît nommer d'anciennes maîtresses à des postes lucratifs pour lesquels elles n'avaient aucune compétence particulière, utilisant donc la République comme un duc de l'Ancien Régime utilisait ses droits et privilèges pour pensionner ses maîtresses.
Et puis, il y a les idées. Ils sont tellement sûrs d'avoir raison (mais ils ne peuvent admettre qu'il en aille jamais de même de leurs adversaires) qu'ils se persuadent de la véracité de la maxime suivante : "Un fasciste, c'est quelqu'un qui ne pense pas comme moi". Ainsi, ils s'indignent de la moindre velléité de censure venant de leur droite, mais ils s'autorisent pour leur part à voter des lois d'opinion dont le principe même est une violation flagrante du fondement de la démocratie qu'est la liberté d'expression, à laisser tabasser leurs adversaires par des nervis "antifascistes" aussi hargneux qu'écervelés, ou à les ruiner par des amendes colossales pour délit d'opinion (Soral et Dieudonné, entre autres) ou par la pratique bien sournoise du contrôle fiscal (il est un fait assez connu que le professeur Lejeune, médecin chercheur ayant découvert la trisomie 21, mais conscience résolument opposée à l'avortement, avait subi quatorze contrôles fiscaux !).
"Nous, c'est pas pareil". Car la sournoiserie, ils ne la voient pas quand elle est en eux-mêmes. C'est très commode. Leur psychologie est ainsi faite qu'ils ne peuvent supporter le miroir mental, c'est à dire qu'ils n'ont pas de sur-moi : Peut-être même cette absence de sur-moi est-elle la condition sine qua non pour être un grand homme de gôôche, car ainsi, le pédophile, par exemple, s'il est de gôôche, ne voit aucun inconvénient à se rendre sur un plateau de télévision pour y donner des leçons de morale, avant de s'envoler pour Marrakech afin d'y aller se reposer du si lourd fardeau de sa si haute conscience universelle auprès d'un jeune éphèbe à la peau dorée. Pas de sur-moi...
"Nous, c'est pas pareil". C'est ainsi que Sartre, étoile de première grandeur parmi les hommes de gôôche, confessait lui-même, dans son autobiographie "Les Mots", qu'un psychanalyste lui avait affirmé qu'il n'avait pas de sur-moi. Sartre rapporte cela non sans une certaine fierté, semble-t-il. Mais cet aveu confirme l'authenticité du costume que lui a taillé Michel Onfray, philosophe semblant parfois un peu trop audacieux dans ses jugements, mais homme indéniablement travailleur, courageux et honnête, dont la lucidité semble toujours croissante, parce que sa gauche à lui, finalement, n'est pas tout à fait la même que la gôôche du pouvoir.
"Nous, c'est pas pareil". Voilà la caution de l'absence de sur-moi : Il n'y a de mal que chez l'adversaire, tandis que chez nous, s'il y a corruption, escroquerie, forfaiture ou mensonge, ce n'est rien de plus à nos yeux qu'une petite grivèlerie sans importance. Mais si l'adversaire commet le moindre écart, on le traîne sans hésiter devant la justice, parce qu'on ne plaisante pas avec la République, Monsieur !
"Nous, c'est pas pareil". Voilà pourquoi ce sont toujours les gouvernements de gôôche qui prennent les plus sales mesures, celles que la droite n'oserait même pas imaginer : Les gens de droite manquent parfois de générosité, mais c'est peut-être parce qu'ils sont finalement plus conscients de ce qu'ils disent, donc ils sont moins lyriques à chanter une justice idéale dont ils se savent incapables, tandis que, sans sur-moi, c'est merveilleux, on peut tout dire, tout réclamer, tout promettre et dire : "Avec moi, vous allez voir, ça va changer".
Et en effet, la législation du travail s'apprête aujourd'hui à changer radicalement. Est-ce le type de changement auquel croyaient s'attendre ses électeurs quand François Hollande leur promettait plus de justice sociale ? Pas sûr...
Mais il faut le comprendre, notre Président : Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il fait voter des lois iniques. Non, bien sûr, c’est seulement qu’il a reçu l’ordre de faire voter ces lois. Alors tant pis pour le petit peuple. Il aimerait bien lui plaire, au petit peuple, se faire acclamer dès qu’il prend un bain de foule. Mais que voulez-vous... Dans les hautes sphères, on a le sens des responsabilités, c’est la première des qualités requises pour qui veut réussir une carrière.
D’ailleurs, on n’a pas le choix ! Les ordres, ce sont les ordres, et ce n’est pas toujours une partie de plaisir d’y obéir, mais, comme le dit François Hollande lui-même : « Si l’on croit, et c’est mon cas, dans la République, à un moment il faut passer par la franc-maçonnerie ». (video sur You-Tube)
Et le programme actuel est désormais visible à l'oeil nu : Il faut paupériser les classes moyennes pour les rendre corvéables à merci et les priver de toute conscience de groupe, conscience nationale en premier lieu, qu'on s'empressera de faire dénigrer quotidiennement par la presse aux ordres afin de bien préparer les mentalités à la gouvernance mondiale. C’est dur, mais c’est comme ça.
Et le programme, Président de la République ou pas, c’est une autorité à laquelle il n’est pas permis de se soustraire. Alors, le 49.3, voyez-vous, eh bien s’il faut en passer par là, passons-en par là. Ça vaut mieux que de se faire suicider sous les lambris dorés d’un palais présidentiel, non ?
Nous, par contre, anonymes et populaires, c'est pareil : nous pouvons, nous aussi, quoique non de gôôche, faire des anaphores...
Michel Brasparts.
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