Nouveau gouvernement : chant du cygne pour le bloc central ?
Hier, le nouveau gouvernement a été enfin annoncé, 76 jours après le second tour des élections législatives anticipées, 15 jours après la nomination de Michel Barnier à Matignon. Tant de temps pour des choix aussi prévisibles et conformistes, alors même que le fiasco budgétaire de l’équipe sortante imposait une mise en marche rapide. Et si nous assistions à l’agonie du cercle de la (dé)raison ?
Calculs cyniques et egos mal placés en gris
Deux mois et demi pour tirer les leçons des élections législatives ! Emmanuel Macron oscille décidément entre l’extrême précipitation (la dissolution) et l’extrême lenteur… Cette séquence beaucoup trop longue (qui contraste avec l’excessive brièveté de la campagne) ne va pas laisser le bloc central indemne. On a envie de dire « tout ça pour ça » ! Pourquoi a-t-il fallu 76 jours pour aboutir à une équipe dont la composition était déjà prévisible au lendemain de l’élection ? Si encore il y avait eu une surprise, avec l’entrée du PS et de LR dans l’exécutif ou une grande coalition Macron / NFP, ce long délai aurait pu être justifié par les négociations difficiles que cela aurait supposé. Mais là, l’équipe se distingue difficilement des équipes précédentes. Un LR à Matignon et place Beauvau, ce n’est pas nouveau…
Sur le fond, si le temps pris pour y arriver me révolte, d’autant plus que Macron s’est exhibé à faire des choses bien moins urgentes, l’issue ne me surprend pas et ne me semble pas du tout être un coup d’état. Au NFP qui s’indigne, on peut rappeler que l’alliance entre LR et la macronie rassemble plus de députés et de voix qu’eux. Pourquoi aurait-il fallu qu’ils obtiennent le pouvoir avec à peine plus de 30% des sièges, et sans avoir entamé la moindre négociation permettant d’obtenir une vraie majorité ? Ce faisant, le NFP et LFI se sont à nouveau discrédités, comme l’indiquent les derniers sondages. Le PS ne ressort pas grandi, entre ses contradictions et ses divisions. Et le bal des ambitieux qui ne pensent qu’à leur nombril a été affligeant : Laurent Wauquiez a eu l’inélégance extrême d’annoncer qu’il aurait refusé Bercy.
De même, que penser de la mini crise de nerfs de Darmanin et Attal, froissés par l’évocation d’une plus grande justice fiscale par Michel Barnier. D’abord, venant d’un ancien commissaire européen qui s’est déporté à droite, autant dire que cette déclaration tient sans doute principalement de la posture destinée à rendre un peu plus acceptable un budget d’austérité. Il ne s’interdit pas une hausse du PFU, qui ne taxe qu’à 12,8% les revenus du capital des milliardaires (avec les 17,2% de prélèvements sociaux), un choix modéré et logique. Mais voir l’ancien locataire de Beauvau, qui prétend incarner une aile populaire de la macronie (un pur concept) et l’ancien adhérent du PS, qui a précédé Barnier, en faire un casus belli, est absolument ridicule et montre bien que le bloc central est hostile au progressisme fiscal.
En fait, ce bloc central ne réfléchit plus aux politiques qu’il faudrait mener, et se contente d’adopter le prêt à penser oligarchiste, pourtant dans une impasse. Ne subsistent que les petites ambitions individuelles ou d’un petit groupe, mais jamais un grand dessein pour la France. Nous avons donc eu droit aux états d’âme du Modem et du parti présidentiel, qui aurait été insatisfaits par leur représentation au gouvernement. Et pour couronner le tout, il semblerait que tous les ambitieux pour 2027 et le nouveau Premier ministre ont tout fait pour rendre ce gouvernement le plus gris possible, pour ne pas ajouter à la liste trop longue des ambitions. D’où une équipe où les poids les plus lourds, médiatiquement, sont Retailleau et Dati, tous les autres n’étant que des nains politiques à l’influence extrêmement limitée.
Mais ce faisant, la conclusion, outre le fait d’être assez logique, peut avoir des mérites. Le bloc central va donc devoir assumer les conséquences de ces choix et n’a pas pu confier la France au NFP ou RN. Il sera donc pleinement comptable des choix qu’il fait depuis des décennies. Et comme il est passé de 500 à 290 députés de 2017 à 2024, on peut penser que la prochaine élection le mettra enfin en minorité.
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