Pays arabes : la démocratie ou l’islam ?
De nombreux européens pensent que les deux termes sont antinomiques. L’islam serait totalement indigeste pour la démocratie. A l’appui : la dimension trop politique de l’islam, perçue comme omniprésente même en dehors des républiques théocratiques comme l’Iran ; la mise en place de la loi religieuse en remplacement des lois laïques ; la place de la femme dans certaines sociétés musulmanes ; l’affirmation que l’islam est la seule vraie religion actuelle et sa prétention à détenir la vérité unique et ultime.
Ce dernier point conduirait les musulmans à refuser la relativité intellectuelle qui prévaut en démocratie. Cette relativité laisse place aux différences d’opinions, aux analyses contradictoire de la société, au libre choix de sa vie et de ses croyances. La démocratie ne peut être une religion. Elle est l’organisation de la cité. D’où l’importance de cette relativité intellectuelle qui permet la différence au sein d’un même ensemble d’humains.
La démocratie place les religions non plus dans la sphère du pouvoir politique mais dans le domaine des itinéraires personnels. C’est la meilleure place pour la croyance. Associée au pouvoir la religion se trouve inévitablement arbitre dans les tensions antagonistes de la société. En son nom on prend parti, lui faisant perdre son caractère d’universalité.
Le cerveau humain est fait et éduqué en vue de gérer les antagonismes en choisissant un aspect contre un autre. Par exemple : faut-il punir plus sévèrement les criminel pour les dissuader de recommencer, ou faut-il comprendre leurs actes pour les soigner d’un mal qui les a conduits à être criminels ? La gauche va dans le seconde direction, la droite dans la première. Impossible d’associer de manière égale les deux démarches tant le clivage est entretenu.
La religion donnera une seule réponse, morale. La loi laïque accepte la morale du bien et du mal, mais la circonstancie. Elle peut à la fois comprendre, soigner et sanctionner. La loi morale ne fait que sanctionner. C’est du moins la tendance que je retiens, même si la présentation que je fais est quelque peu schématique. C’est d’ailleurs parce que le système dominant de sanction morale ne fonctionnait pas correctement que les humains ont développé la psychologie, qui offre plus de moyens de comprendre et de soigner là où la sanction n’a pas sa place.
Au niveau personnel, avec suffisamment de répression mentale, le système de sanction peut marcher. Au niveau politique il est plus problématique de vouloir réprimer indéfiniment une partie de la société. La résignation ou la peur cèdent un jour le pas à la révolte.
La religion sera amenée tôt ou tard à se séparer du pouvoir. Soit la démocratie l’en chassera, soit elle le fait d’elle-même. En Europe il a fallu souvent l’en chasser. Mais l’on ne peut modifier d’un coup des ancrages collectifs qui durent depuis des siècles. Ainsi la démocratie-chrétienne a été très présente politiquement pendant des décennies, comme un lien entre un système et un autre.
Aujourd’hui la démocratie-chrétienne a perdu de l’influence politique mais les valeurs transmises par le christianisme restent présentes dans les lois. Par exemple, la responsabilité individuelle au civil comme au pénal, est déjà prônée par Jésus à plusieurs reprises - entre autre dans cette phrase qui condamnait la lapidation : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ».
Quel est le lien avec les pays arabes ? Et bien il n’est pas exclu que les nouvelles démocraties à venir soient fortement teintées d’islam politique. Les Frères musulmans sont en embuscade. Mais pour autant iront-ils vers des républiques islamiques de type iranien ? Cette question revient régulièrement dans les conversations dès que l’on parle de l’évolution du monde.
Et bien écoutons la parole arabe : les révolutions actuelles se font au nom de la liberté, pas au nom de l’islam. C’est la liberté, la misère, la fin de l’oppression qui fédèrent les insurgés. C’est cette référence qui se met en place. C’est elle qui sera rappelée, en cas de besoin, aux gouvernants à venir.
Il y aura peut-être des situations à la turque, avec des alternances au sein d’un système démocratique. Cela durera quelques décennies, puis les mentalités évolueront et la démocratie restera. Des étudiants arabes se plongent dans l’Histoire et l’évolution des démocraties européennes. Ils peuvent en tirer des enseignements utiles pour eux.
Ce que je retiens est cette immense aspiration à la liberté dans les pays qui se libèrent aujourd’hui. Et il est possible, peut-être probable, que c’est l’islam qui devra s’adapter à l’évolution des besoins et des mentalités. Si ce n’était pas le cas, cette religion pourrait subir, à terme, un rejet brutal.
De toutes façon, en douceur ou par la force, les religions sont condamnées à perdre de l’influence. D’une part parce qu’elle n’ont pas de réponse à la complexité grandissante du monde et de l’esprit humain. D’autre part parce que la période actuelle montre que l’aspiration à la liberté est au-dessus des croyances, et que trop souvent la croyance contraint sans ménagements la liberté de penser. Troisièmement parce que la multiplication des connaissances replace peu à peu la religion comme un objet parmi d’autres et lui fait perdre son caractère d’objet supérieur ou dominant.
Je me demande toujours pourquoi l'image d'un dieu est si violente, dominatrice, oppressante dasns les religions monothéistes. Pourquoi Dieu fait-il la guerre aux humains ? Je pense qu'une étude plus sociologique, un regard sur la religion en tant qu'objet, déserre l'éteau mental des religions.
Du moment où la religion devient un objet d’étude sociologique et non plus une vérité absolue, et dans la mesure où la croyance est affaire personnelle alors que l’organisation de la cité est l’affaire de tous, sa place change et diminue.
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