Pierre Péan : faux enquêteur, vrai fantassin de Sarkozy
Feinter la transgression et les révélations pour mieux endormir son audience... Avec son dernier livre, "La République des mallettes", Pierre Péan parvient à vendre un livre d'investigation sur les pratiques occultes du pouvoir... sans jamais mouiller Nicolas Sarkozy... et en chargeant au contraire de bien commodes "intermédiaires" issus des cercles villepinistes.
Doit-on y voir une coïncidence ? En l'espace de quelques jours, Dominique de Villepin a été relaxé dans l'affaire Clearstream... avant que Robert Bourgi ne sorte de sa boite pour lui renvoyer à la figure tous les maux de la Françafrique et que Pierre Péan ne publie un livre à charge notamment axé sur l'un de ses proches, Alexandre Djhouri.
L'enquêteur qui refuse de dévoiler les "vrais" secrets d'Etat
Un livre "d'investigation" qui préserve les vrais puissants et les vrais secrets tout en bâtissant des scénarios à la James Bond autour de personnages secondaires de la farce élyséenne. Il faut dire que "Les Mallettes de la République" reprend tous les clichés du style Péan, fait "d'insinuations, d'erreurs et d'omission", mais aussi de constructions "trop systématiques" dixit son ami Pascal Boniface.
C'est que Pierre Péan a développé une approche bien personnelle de l'enquête, qui s'oppose selon lui au "journalisme plénélien". En clair, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire et le journaliste a un devoir de réserve face aux "vrais secrets d'Etat". Une doctrine pour le moins étrange que Pierre Péan met en oeuvre depuis plusieurs années par sa bienveillance à l'égard des présidents successifs.
S'il ne dit jamais rien des turpitudes de ceux qui nous dirigent, le journaliste nhésite pas en revanche à expliquer l'essentiel de la politique de la France à travers l'influence occulte de sombres intermédiaires. Ou quand Pierre Péan invente le concept de théorie du complot visant à exonérer les vrais responsables, et en premier lieu le président de la République.
Alexandre Djhouri, Iago des temps modernes
Histoire de diluer la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans la gestion de la "zone grise" de la politique française, Pierre Péan a choisi d'ériger en Iago des temps modernes, un (gros) intermédiaire spéicalisé dans les contrats internationaux : Alexandre Djhouri. Par la magie de sa plume, le banlieusard devenu milliardaire (après un passage par la case pègre ?) se transforme en incontournable éminence grise, faisant et défaisant la politique de la France lors d'entretiens nocturnes.
Une construction pour journalistes en quête de scoops, qui ne tient pas la route. N'en déplaise aux théoriciens du complot c'est bien une horde d'énarques certains de leur supériorité qui prennent les décisions qui comptent à l'Elysée... et pas un banlieusard à forte gouaille.
Qu'Alexandre Djhouri ait joué et joue un rôle dans des négociations de grands contrats internationaux ne fait aucun doute. Que son parcours et ses méthodes laissent de larges zones d'ombre, c'est tout aussi évident. Que Nicolas Sarkozy, comme Jacques Chirac avant lui, le consultent à l'occasion, personne ne le nie. Mais les déductions que fait Pierre Péan à partir de ces faits largement connus depuis des années, est proprement farfelu.
Le pouvoir de l'imagination enrobé de faits épars
Petit florilège des constructions ésotériques de Pierre Péan... Alexandre Djhouri entretient de bonnes relations avec un certain nombre de patrons du CAC, dont Henri Proglio ; c'est donc lui qui a eu la peau d'Anne Lauvergeon, rivale honnie du PDG d'EDF. Comment ? Pourquoi ? Le lecteur en quête d'éléments tangibles restera sur sa faim... Comme il aura du mal à comprendre comment Alexandre Djhouri est parvenu faire libérer les infirmières bulgares grâce à son influence sans bornes. Ou le pouvoir de l'imagination enrobé de quelques faits.
Une puissance imaginative et un pouvoir d'insinuationqui qui trouve tout de même ses limites lorsqu'il s'agit d'expliquer comment l'un des plus proches amis de Dominique de Villepin (une amitié et des liens jamais reniés par les deux hommes) est devenu l'homme à tout faire de la Sarkozie... et comment Claude Guéant ne peut plus prendre une décision sans le consulter. Comprenne qui pourra !
En réalité, le dernier livre de Pierre Péan a cela de commun avec les précédents qu'il est fondamentalement basé sur les mêmes ressorts : faux-secrets, détails mis bouts à bouts arbitrairement et jugements tranchés qui ne sont jamais confrontés à la réalité. Et qu'en ressort-il in fine ? Une enquête sur les dessous du pouvoir qui évite soigneusement de parler du pouvoir pour se concentrer sur l'accessoire et sur des personnalités au mieux de deuxième classe.
Non seulement Alexandre Djhouri n'est pas une oie blanche, mais en le dépeignant en faiseur de roi occulte de la politique française, Pierre Péan a sans doute rendu à son business d'influence le plus fier des services... comme à Nicolas Sarkozy auquel il vient d'inventer un nouveau fusible.
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