Le pire des dangers pour une personne politique dont les connaissances en économie sont limitées c'est que, quand ses experts en la matière disent de grosses inepties… elle est dans l'incapacité de les corriger. Et c'est le peuple qui, in fine, en paie l'ardoise !
Notre maxime s'adresse surtout aux avocats de métier qui, sans une once économique, font de la politique dans le dur, tels : Christine
Lagarde (*) nouveau chef du FMI −
en fait ministre mondiale de l'économie et des finances −, Nicolas
Sarkozy chef de la France, Jean-François
Copé chef du parti qui gouverne le pays… et bien d'autres politiques encore comme Marine
Le Pen.
Arrêtons-nous aujourd'hui sur Le Pen, elle aussi avocate de métier, car son cas est à notre sens extraordinairement exemplaire. Une vraie symbolique du sujet traité ici !
En effet, quand Marine Le Pen − sans aucun bagage économique, bien que disposant d'éléments de langage bien supérieurs à ceux de son père… − prône une relance du pays grâce notamment au retour victorieux du Franc suivi d'une dévaluation… elle croit ses experts qui prétendent que cela créera massivement de l'emploi et réduira le chômage. Pour crédibiliser idées et choix devant leur chef politique, les mêmes experts lui disent s'être appuyés sur les écrits et les dires d'un prestigieux prix Nobel, celui de 1988, notre illustre compatriote Maurice Allais (1911-2010) !
Mensonge ou incompétence ? Les deux mêlés d'esprit spécieux et démagogique !
Apportons ici les preuves formelles des contre-vérités avancées par les experts de Marine Le Pen. Et démontrons que l'étoile montante de la droite nationale extrême continue ainsi de s'enfoncer dans l'incrédibilité mêlée d'ignorances profondes en matière économique, sociale et monétaire.
Les faits ?
1° Marine Le Pen nous dit : après la sortie de l'Euro, la dévaluation du Franc créera des emplois !
Cela est FAUX !
Le Pen ment à son électorat. La preuve de cette ineptie nous est donnée par Maurice Allais lui-même.
Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous du Nobel d'économie, aucune des 5 dernières dévaluations faites par la France, et analysée par lui, n'a créé des emplois. Au contraire, elles ont chacune fait augmenter le chômage :
Année
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Chômage BIT
(en milliers)
|
Sous-emploi total
(en milliers)
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Dévaluation
(*)
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Taux de chômage BIT
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…
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1958
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209
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209
|
29.1% (décembre 58)
|
1.05%
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1959
|
299
|
299
|
|
1.50%
|
…
|
|
|
|
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1969
|
484
|
484
|
11.1% (octobre 69)
|
2.29%
|
1970
|
530
|
530
|
|
2.47%
|
…
|
|
|
|
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1981
|
1 761
|
2 596
|
3% (octobre 81)
|
7.44%
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1982
|
1 929
|
2 934
|
5.75% (janvier 82)
|
8.07%
|
1983
|
2 019
|
3 154
|
2.5% (mars 83)
|
8.42%
|
1984
|
2 357
|
3 533
|
|
9.77%
|
Extrait des tableaux pages 338 et 339 de l'ouvrage du Nobel 88 : "La mondialisation…" (Ed : Clément Juglar, juin 2007). (*) Source Banque de France.
Ce tableau montre de manière totalement irréfragable que, alors que les contextes sont pourtant très différents (années 50, 60 et 80), les dévaluations n'ont jamais fait baisser le chômage. Bien au contraire, toutes l'ont fait progresser sensiblement (celle de 58 l'a même augmenté de presque 50 %) comme le montre les tableaux du Nobel d'économie, Maurice Allais :
- de 1.05 % à 1.50 % entre 1958 et 1959 ;
- de 2.29% à 2.47% entre 1969 et 1970 ;
- de 7.44% à 9.77% entre 1981 et 1984.
No comment ! Cela serait superflu, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Pourquoi les dévaluations ne créent pas d'emploi ?
Le premier élément, c'est que la dévaluation n'est pas un instrument de la politique de l'emploi !
La dévaluation est un outil de politique monétaire et plus spécialement de politique de change. Cette dernière vise, dans un système de taux de change fixes ou concertés, à arrêter ou à éviter à la Banque centrale de vider ses réserves de devises fortes pour soutenir obligatoirement le cours de sa monnaie qui fuit, car elle vendue, attaquée sur les marchés des capitaux…
Nous voulons aussi rappeler aux experts de Marine Le Pen, que dans un système de taux de change flottants, le terme de dévaluation n'existe pas, par construction. Le bon terme, pour un vrai économiste, est en l'espèce celui de dépréciation ou d'appréciation… Bref, c'est un point de détail, bien que cela confirme encore l'absence de rigueur du programme frontiste et de sa patronne, Marine Le Pen.
De fait, Marine Le Pen aura beau décider −
durant une nuit comme c'est l'usage dans de telles circonstances − de "fixer" le cours du Franc à – 25 % par rapport à l'Euro −
ou même beaucoup plus ou même beaucoup moins −
qu'importe…
la véritable valeur du Franc-le-pen (Cf. notre expression du 20 janvier 2011 (
ici))
s'établira sur le marché des changes dès la connaissance de sa création réelle.
Sa vraie valeur dépendra, comme toujours, de la qualité −
bonne ou mauvaise − de l'économie française et de ses perspectives
− bonnes ou mauvaises −, et, de la confiance qu'aura su ou que n'aura pas su inspirer les nouveaux dirigeants du pays, aux investisseurs nationaux et internationaux.
Le deuxième élément, c'est qu'une dévaluation booste rarement les exportations, car les effets de la courbe en "J" sont quasiment nuls dans la réalité pour une dévaluation inférieure à 40 %, comme cela a été le cas des 5 dernières dévaluations françaises. CQFD ! Les entreprises exportatrices profitant toujours de la modification du taux de change pour augmenter leurs prix et refaire leurs marges… après des années de vaches maigres.
Quant à l'augmentation du prix des importations, elle, elle est malheureusement immédiate − et pèse sur tous les coûts, in fine sur les facteurs de production, sur la demande, sur l'emploi, etc. −, comme le montre, là encore, les chiffres des tableaux de Allais (op. cit. , page 347 et 348. "I = Importations extracommunautaires de produits manufacturés (en millions de Francs)") :
Année de la dévaluation
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Année suivante
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Coût des Importations
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Variation (*)
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1958
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144.6
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1959
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165.9
|
+ 14.73 %
|
|
|
|
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1969
|
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1 624
|
|
|
1970
|
1 896
|
+ 16.75 %
|
|
|
|
|
1981
|
|
20 844
|
|
1982
|
1982
|
24 945
|
+ 19.67 %
|
1983
|
1983
|
27 398
|
+ 9.83 %
|
|
1984
|
30 782
|
+ 12.35 %
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(*) Calculs rajoutés par nos soins.
2° Marine Le Pen prétend que l'Euro est la source de la plupart des maux de la France !
Cela est encore Faux ! Et là, c'est encore Maurice Allais lui-même qui nous dit : "… oui l'Euro est un facteur de développement pour l'Europe…".
Le Nobel n'a jamais proposé de quitter la monnaie unique. Aucun de ses propos ou écrits n'a été contre l'Euro. Bien au contraire ! Le 18 mars 2009, il disait : "[...]
maintenant que l’Euro a été créé entre douze Etats membres de l’Union Européenne dans des conditions justifiées je ne vois que des avantages à ce qu’il soit maintenu et la politique de la Banque Centrale Européenne de réaliser une croissance annuelle moyenne des prix de 2 % me paraît entièrement fondée. [...]
Les difficultés que nous rencontrons ne proviennent pas de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne [...]". (
voir ici).
Jugement ?
Les chiffres et les faits historiques parlent d'eux-mêmes. Ils consacrent notre nouvelle maxime : "Sans bagage économique un(e) politique est malheureusement dans l'incapacité de s'opposer aux inepties de ses experts en économie !".
Si Marine Le Pen ne change pas d'équipe et remporte la présidentielle de 2012, la sortie de l'Euro sera une catastrophe pour notre pays et déclenchera effectivement une "dévaluation" du Franc − du montant que les marchés des capitaux auront calculé en termes de dépréciation −, mais aussi une hausse du chômage… et non le contraire (Cf. : tableau de Maurice Allais ci-dessus).
Alors, maintenir que l'Euro est la cause des maux de notre pays, c'est proprement scandaleux. Et, utiliser Maurice Allais pour valider cela est un acte quasi délictueux, voire une insulte à l'intelligence humaine.
Bref, le FN montre encore, via sa présidente, son incrédibilité dans beaucoup de domaines, notamment et surtout en matière économique, sociale et monétaire. Et cela est irrécupérable !
Pour finir, paraphrasons François Rabelais (1483-1553) : "L'ignorance est fille de la croyance et mère de tous les maux". Cela s'adresse à tout politique qui peu ou prou a à conduire ou à influencer les affaires d'un pays ou d'une institution supranationale telle que le FMI par exemple…
Crédits photos : Maurice Allais (Sipa), Le Pen (Wikipédia).