Pour en finir avec François Bayrou
Cette semaine aura été pour les Centristes, la semaine François Bayrou.
L’homme qui se prend tout seul les pieds dans le tapis et qui saute dans des bassins vides, a encore frappé.
Son malaise m’a fait songer à celui dont Jean-Louis Bourlanges avait été victime dans les conditions que beaucoup d’entre nous n’ont pas oublié.
Ensuite, il fallait se pencher sur la Toile pour voir à quels points François Bayrou déclenche des passions totalement irrationnelles chez celles et ceux qui le suivent à la trace. L’homme n’est pas chaleureux, distant et très peu peuvent se targuer d’avoir échangé des moments de complicité avec lui, il est pourtant vu comme un bienfaiteur par celles et ceux qui lui portent une affection débordante.
Il est bon orateur mais est-ce que cela suffit pour en faire un personnage messianique ?
Il est seul, il part seul et veut vaincre seul. Il y a forcément une parabole christique dans sa démarche dans laquelle bon nombre de militants Modem aiment à jouer la partition du pèlerin. Beaucoup de son électorat est issu d’une classe moyenne supérieure, soit catholique pratiquante, ou ayant reçu une éducation chrétienne. Une transposition entre le parcours de Bayrou et la passion du Christ est toujours possible, allez savoir !
Une société en manque de repère est une société en manque de patriarche et ces militants veulent le voir incarner ce symbole lui qui, paradoxalement, ne veut pas entendre parler de filiation pour ce qui le concerne.
Et lorsqu’on observe la construction de ce mouvement, on est obligé de constater qu’on est dans quelque chose qui se situe entre la recherche du père et celui du messie rédempteur. Et j’en aurais fini avec la parabole christique.
Mais je crains malheureusement que François Bayrou ne soit ni l’un, nu l’autre. De façon beaucoup plus pragmatique, je le situe pour ma part dans le sillage d’un Jean Lecanuet qui, en décembre 1965, quelques jours après l’élection présidentielle, lançait un nouveau parti, le Centre démocrate, regroupant notamment le MRP et des personnalités non MRP (René Pleven, Jacques Duhamel).
Sauf qu’entre temps, c’est-à-dire entre son discours d’ouverture de 2007 et en cette fin de 2010, l’homme s’est totalement perdu de vue lui-même.
Souvenons-nous plutôt ce que Bayrou préconisait dans son discours d’intronisation lorsqu’il rappelait sa volonté de permettre « de traverser les frontières du passé pour faire naître des coalitions, des rencontres, des alliances qui permettent, dans notre pays, de regarder les problèmes et non plus de regarder les étiquettes », « pour travailler ensemble sur de grands objectifs nationaux et locaux »
Ses passages télés sont déroutants et incontrôlés et on découvre toujours.
Il aura beau expliquer sur Europe 1 qu'il y a derrière tout cela (au moins, le concernant) des forces obscures qui n'acceptent pas la troisième voie politique qu’il incarnerait, parce que celle-ci dénonce les puissants,.. les militants MODEM pourront toujours se faire écho de la bonne parole prêchée (les militants sont fait pour cela) et dénoncer le manichéisme de certain format d’émission Gand Publique, cela ne convaincra pas grand monde.
Le message politique de François Bayrou n'est pas compris de 90% des Français et il n'y pas de raison que cela change.
François Bayrou montre par l'exemple, qu'il se positionne définitivement dans une phraséologie de troisième type, celle d'un monde parallèle à la politique, dans une rhétorique de défense (et non pas d'attaque) ; où il serait la principale victime de poursuivants imaginaires, entre paranoïa et théorie du complot.
Hors en politique, lorsqu'on prétend vouloir incarner la France, le pouvoir exécutif, lorsqu'on souhaite devenir Chef de l'État, c'est un mode combatif assez curieux !
Il est urgent que François Bayrou comprenne lui-même qu'il n'apparaît pas non plus aux yeux des observateurs et des français comme un homme politique solide.
Canal+ caricature un défaut, appuie là où ça fait mal. Lorsque c'est gros "comme le nez au milieu du visage".
En substance la chaîne raconte que Bayrou a peur des médias, a peur de ses adversaires ; que François Bayrou est un peureux sociologique compulsif.
Cela lui vaut donc, en boomerang, l'image d'un petit personnage peureux, naïf, le "ravi de la crèche" qui serait le souffre-douleur de sa "classe".
Quant à sa famille, véritable maison de Oui-Oui, elle serait reléguée à une famille un peu curieuse, un peu farfelue, qui vivrait à l'écart des autres, en autarcie dans son monde.
Mais l'évoquer reste tabou et va à l'encontre de toutes celles et ceux qui pensent que seul François Bayrou peut incarner le Centre et revêtir seul, un habit de présidentiable en 2012.
Mais il y a plus problématique. François Bayrou confisque pour lui seul, la possibilité à une famille politique de faire entendre sa voix sur l’échiquier national.
On sait qu’il n’y a pas de divergence idéologique entre lui et les autres composantes qui forment ce qu’on appelle la famille Centriste parce tout le monde sait, dans cette famille, que les grandes trajectoires économiques et politiques se décident à Bruxelles ou dans le jeu de la mondialisation ; et que le réalisme politique est de mise ici, plus qu’ailleurs.
La gestion qui serait la sienne ne serait pas différence de celle d’un Jean Arthuis.
Tiens en parlant de Jean Arthuis, rappelons que ce dernier n’aura eu de cesse de l’appeler, de le rencontrer, d'échanger avec lui pendant toute l’année 2010 afin qu'il reconsidère son positionnement à la marge, allant jusqu’à lui proposer de s’imposer dans le jeu de primaires qui auraient pu se constituer au Centre, dans lesquels il aurait regagner en légitimité, pu élargir son électorat, et eu de bonnes chances de l'emporter en misant sur sa seule notoriété.
On sait aussi que Jean Arthuis n’est ni intéressé par le « job », n'est ni dans le calcul de privilégier une chapelle centriste plutôt qu’une autre. Mais ce fut à l’évidence peine perdue et je me souviens de la déception de cette homme de bonne volonté et de ses longs soupirs qui suivaient chacune de leurs rencontres. Car nous sommes bien placés pour connaître l’égo démesuré de François Bayrou que certains aimeraient faire passer pour une homme politique uniquement préoccupé par le sort de ses concitoyens.
"Si le Centre ne se reconstitue pas de Bayrou à Morin en passant par Borloo, il n’aura aucune chance de gagner quel qu’élection que ce soit dans ce pays pendant longtemps et continuera de pratiquer son sport habituel : se vendre au plus offrant et enculer les mouches". Avais-je écrit de façon provoquante dans un article précédent. C’est bien la seul chose qui reste vraie à ce jour.
Au moment où une radicalisation du climat politique devrait rendre possible la victoire d’un Centriste, au moment où on constate une forte droitisation de la vie politique du pays, au moment où hormis DSK, aucun socialiste ne serait malgré tout certain de l’emporter contre Nicolas Sarkozy, c’est quand même incroyable qu’une victoire Centriste nous passe encore sous le nez.
Après 2012, sans doute y verra-t-on plus clair. Bien évidemment, Bayrou accouchera d’un score ridicule au premier tour de la présidentielle, un score qui ne lui permettra pas d’emporter le siège de l’Elysée, ni même de se positionner au second tour.
Il faudra bien à ce moment-ci qu’il tire lui-même les conséquences de cinq années d’une course vaine, qui auront été perdues pour la victoire, perdues pour lui-même (mais cela, on s’en fiche) et perdues pour les autres.
A l’issue du scrutin, je ne serais pas surpris pour ma part que Nicolas Sarkozy rempile pour cinq années supplémentaire.
François Bayrou aura pesé au Centre ce que Jean-Pierre Chevènement aura pesé dans la défaite de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002. Un tiers de son électorat se reportera sur le candidat de gauche, deux tiers sur le candidat de droite. Ceux qui s’abstiendront ne compteront pour rien.
Il sera alors temps qu’on en finisse avec lui et qu’on passe aux choses sérieuses.
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