Présidentielles : Et si Hollande faisait perdre la gauche ?
Dans nos vies, tout bascule toujours en un éclair. Une rencontre. Une perte. Il y a un avant et un après. Pourra-t-on dire la même chose de cette série d'événements tragiques qui sidèrent le pays au plus fort de la campagne présidentielle ? Alors qu'au moment où j'écris ces lignes, Mohamed Merah, le jeune homme suspecté des sept assassinats commis à Toulouse et Montauban, est toujours encerclé par la police qui souhaite l'intercepter vivant, sous l'oeil des caméras.
Tout était joué ... Jusqu'au lundi 19 mars : malgré des jeux de sondages, malgré des coups politiques, le chef de l'Etat semblait devoir être battu. Beaucoup s'y préparaient à droite. Le rejet du bilan d'un "président des riches" devait porter au pouvoir le candidat socialiste. Et celui-ci s'y préparait sans forcer son talent, porté par la vague antisarkozyste.Et les "marchés" s'y préparaient aussi !
Président des riches, mauvais président assurément qui rompit le contrat social avec brutalité ... mais redoutable stratège dans l'adversité. Maître dans l'art du récit dramatisé, élève zélé d'un G.W.Bush. Le voici en Président de la République, chef des armées, qui rend hommage aux soldats assassinés, seul, face aux cercueils. Scénarisant ce qui devient au fil des heures un psychodrame national, le Président sert par ricochets le candidat-président. Reléguant François Hollande, le "Président-bis", son infortuné rival, au loin, dans la foule des anonymes qui s'associent à l'hommage de la Nation.
Nous savons à présent à gauche que l'antisarkozysme ne suffira pas. Singer le Président, se glisser dans son ombre à Montauban est une faute politique de plus, de trop, qui risque d'être fatale à la gauche. Mais sur quoi d'autre pouvait s'appuyer François Hollande ? Quand le tout de sa campagne a été construit sur cette posture de l'antithèse à Sarkozy, du candidat anti-Fouquet's. Un programme ? 60 propositions dans le cadre contraignant de la rigueur européenne. Le peuple de gauche ? Celui-ci se méfie de lui depuis 2005 et défilait de Nation à Bastille le 18 mars pour une alternative politique.
Porteur des valeurs de la France du oui à Maastricht (1992) les "modernes" du camp socialiste n'ont pas compris le non de gauche en 2005 . A trop vouloir une "République du centre"qui ne signifie plus rien alors que des nuages lourds de menaces courent sur l'Europe libérale, François Hollande s'est droitisé au point de disparaître aujourd'hui dans le bleu marine des affiches de Sarkozy. Sa campagne-référendum, sans socle électoral aux frontières définies, montre aujourd'hui dans la tourmente, ses limites. Les "modernes" d'hier sont devenus les conservateurs d'aujourd'hui.
L'indignation socialiste ne suffira pas non plus face à l'offensive d'une droite aujourd'hui rassurée quant aux capacités de son champion. Les postures morales sont de peu de poids dans la joute terrible qui s'annonce.
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