PS : l’élection du croque-mort
« Si nous ne montrons pas que nous pouvons à nouveau changer la vie [des Français], alors les Français se détourneront définitivement de nous. » (Olivier Faure, le 6 janvier 2023 sur franceinfo).
Va-t-on enterrer le parti socialiste cette année ? La question se pose depuis au moins cinq ou six ans, depuis le quinquennat désastreux du dernier Président socialistes, François Hollande. Le résultat du premier tour de l'élection présidentielle de 2022 sonne comme un couperet : 1,7% des suffrages exprimés !
Il est loin le temps où le parti socialiste (PS) et le parti Les Républicains (LR, auparavant, l'UMP) se partageaient les gouvernements entre 1958 et 2017. Les deux partis sont devenus des groupuscules, l'un est parvenu à préserver son indépendance, LR, avec un groupe charnière à l'Assemblée Nationale, un peu l'équivalent des groupes centristes sous la Quatrième République (un comble pour le descendant du parti gaulliste !) ; l'autre n'est plus qu'un fantôme, un supplétif du populisme mélenchonien en état de mort cérébral placé sous assistance artificielle.
Malgré cette situation électorale désastreuse pour ces partis, il existe encore un semblant de démocratie interne qui continue à vivre, probablement par déni de deuil, avec une surprise : le poste de chef de parti est convoité, pour l'un et pour l'autre, par trois candidats. Mais ces trois candidats, très peu connus du grand public, voire de leurs propres sympathisants, sont, c'est un euphémisme, loin d'être des pointures dans la classe politique : ils sont partis les Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, etc. ou Lionel Jospin, Laurent Fabius, etc. Place non pas aux seconds couteaux mais aux quatrièmes ou cinquièmes couteaux (en plastique pour ne pas se blesser).
Pour LR, l'affaire a été réglée avant la fin de l'année dernière : Éric Ciotti, désormais, est le président de LR, c'est-à-dire (car il faut quand même s'en rendre compte), le successeur de Jacques Chirac, d'Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy...
Pour le PS, c'est en cours. Un congrès est organisé du 27 au 29 janvier 2023 à Marseille pour finaliser la chose. Deux conseils nationaux ont eu lieu pour le préparer, les 8 et 26 novembre 2022 pour le dépôt des contributions générales et des textes d'orientation. C'est du jardon socialiste qu'il me paraît désormais inutile d'expliquer, vu son audience électorale (après tout, personne n'explique en détails les statuts du parti écologiste EELV ou des groupuscules trotskistes). Le 12 janvier 2023 aura lieu le vote sur les textes d'orientation. Du 13 au 15 janvier 2023, chaque fédération départementale sera amenée à organiser son congrès départemental. Le 19 janvier 2023 aura lieu le vote du prochain premier secrétaire du PS (du chef !). Ainsi, le congrès se tiendra avec la connaissance de ces votes.
Précisons que les candidats pour être premier secrétaire sont les premiers signataires de chaque texte d'orientation politique qui constitue ainsi une "motion" caractérisant le poids politique du courant associé chez les militants mais aussi son essence philosophique. Ne croyez pas que c'était moins compliqué du temps de François Mitterrand ; au contraire, ce dernier a excellé entre 1971 et 1981 à unifier des courants totalement divergents afin de constituer une majorité interne (la plupart du temps au détriment de son principal rival historique, Michel Rocard).
L'actuel premier secrétaire est Olivier Faure, à ce poste depuis le 29 mars 2018, élu au congrès d'Aubervilliers, et renouvelé le 18 septembre 2021 au congrès de Villeurbanne avec 73,5% des voix face à Hélène Geoffroy, 26,5%. Il est candidat à sa propre succession.
Comme écrit plus haut, trois personnalités sont candidates pour ce poste. Face à Olivier Faure (motion 2), soutenu par Boris Vallaud (président du groupe PS à l'Assemblée Nationale), Laurent Baumel (ex-député), Johanna Rolland (maire de Nantes), etc., deux grands élus locaux se sont présentés : Hélène Geoffroy (motion 1), soutenue par Stéphane Le Foll (maire du Mans et ancien ministre), Rachid Temal (sénateur), Jean-Christophe Cambadélis (ancien premier secrétaire), etc. et Nicolas Mayer-Rossignol (motion 3), soutenu par Anne Hidalgo (maire de Paris et candidate très malheureuse à l'élection présidentielle), Michaël Delafosse (maire de Montpellier), etc.
Au concours de celui qui a la plus grosse (je veux dire, la plus grosse motion, bien sûr), Olivier Faure, qui fait partie des meubles (en préfabriqués), a récolté le plus de signatures, 4 000, suivi de Nicolas Mayer-Rossignol, 2 000 signatures, et d'Hélène Geoffroy, 1 200.
Mine de rien, malgré l'absence générale de charisme, cette confrontation a trois révèle toutefois un réel clivage politique qui donnera une indication sur l'avenir du PS (quel cimetière choisir). Mais avant la signification politique, intéressons-nous rapidement aux trois personnalités en présence.
Olivier Faure (54 ans) : né à Grenoble, il est un apparatchik du PS, responsable des jeunes rocardiens (succédant à Manuel Valls en 1991), étudiant partageant sa piaule avec... Benoît Hamon. Ensuite, il a bossé pour des hiérarques du PS : Gérard Gouzes, Martine Aubry, François Hollande, Jean-Marc Ayrault. Battu aux législatives en juin 2007, il a été élu député dans le même département, la Seine-et-Marne, en juin 2012, réélu en juin 2017 et juin 2022. À l'origine, proche de François Hollande et ami de Christophe Castaner, il a vite gravi les marches de l'ambition : porte-parole du PS en août 2014, président du groupe PS en décembre 2016 réélu en juin 2017, et premier secrétaire du PS en mars 2018. Au micro de France Inter le 17 janvier 2021, Olivier Faure a reconnu avoir eu des tentations macronistes en 2016 (pour un ancien jeune rocardien, c'était logique) ; il a en effet rencontré Emmanuel Macron pour négocier son ralliement qui, finalement, n'a pas eu lieu en raison de ses doutes qui « se sont approfondis ».
Hélène Geoffroy (52 ans) : d'une formation de docteure en mécanique dans un laboratoire de Polytechnique, elle est actuellement maire de Vaulx-en-Velin depuis avril 2014 et vice-présidente de la communauté urbaine puis de la métropole de Lyon depuis juillet 2014. Elle a commencé par se faire élire conseillère municipale de Vaulx-en-Velin en mars 2001, puis conseillère générale du Rhône de 2004 à 2012, puis députée du Rhône de juin 2012 à février 2016 dans l'ancienne circonscription de Jean-Jack Queyranne (elle n'a pas cherché à se faire réélire en juin 2017 comme beaucoup de proches de François Hollande). Elle a été nommée Secrétaire d'État chargée de la politique de la ville du 11 février 2016 au 17 mai 2017, mais n'a pas marqué de son empreinte ce ministère hautement symbolique dans cette banlieue lyonnaise.
Nicolas Mayer-Rossignol (45 ans) : normalien, ingénieur des Mines et agrégé des sciences de la vie et de la terre, il a travaillé pour la Commission Européenne dans le secteur pharmaceutique. Proche de Laurent Fabius à Rouen et au Quai d'Orsay, ancien militant d'Attac, il a été élu conseiller régional de Haute-Normandie et de Normandie de mars 2010 à juin 2021, président du conseil régional de Haute-Normandie d'octobre 2013 à janvier 2016, conseiller municipal de Rouen depuis 2014. Il est maire de Rouen depuis juin 2020 et président de la Métropole de Rouen depuis juillet 2020.
Le clivage politique entre ces trois candidats est assez clair et l'enjeu est donc clairement résumé par cette question : le PS restera-t-il dans la Nupes ? Pour Olivier Faure, initiateur de cette alliance contre-nature et très mal négociée avec Jean-Luc Mélenchon, contraire à toutes les valeurs du PS depuis une bonne trentaine d'années, il faut garder cette alliance (l'union faisant la force) avec cette espérance folle (et vaine) de devenir le remplaçant sinon l'héritier politique de Jean-Luc Mélenchon et d'être un jour le candidat de la Nupes (de la gauche unie) à l'élection présidentielle. Au contraire, Hélène Geoffroy, soutenue par tous les éléphants du PS (enfin, ceux qui n'ont pas encore atterri au cimetière), en particulier François Hollande, a annoncé que dès son élection à la tête du PS, elle ferait sortir le PS de la Nupes qui n'a rien à voir avec ses valeurs. Quant à Nicolas Mayer-Rossignol, adepte du "en même temps", il est contre la Nupes tout en étant pour (si c'est efficace électoralement). Une telle position médiane, totalement inaudible politiquement (et surtout incompréhensible) laisse augurer un très faible score.
Assurément, Olivier Faure, qui est soutenu par la plupart des cadres actuels de son parti, est le favori de cette désignation, mais le score d'Hélène Geoffroy sera un indicateur de la volonté des adhérents à rester indépendants ou pas. Car si le PS, qui vaut 1,7% de l'électorat, continue à rester dans la Nupes, et en particulier, s'il y a une liste unique de la Nupes aux élections européennes de 2024, alors le PS sera totalement fini, achevé par sa propre mort (une sorte de suicide assisté) car totalement fondu dans la France insoumise électoralement bien plus importante. « Nous nous sommes dissous dans le bruit et la fureur de LFI ! » avait martelé Hélène Goeffroy quelques jours auparavant. Rappelons aussi que le PS en 2022 compterait 20 000 adhérents (ou 41 000 ?) tandis qu'en 2012, il comptait 200 000 adhérents !
Ce vendredi 6 janvier 2023 de 21 heures à 23 heures 40, la chaîne franceinfo a organisé l'unique débat entre les trois concurrents. Hélène Geoffroy, farouchement opposée à la Nupes, a répété son argumentaire : « Tant que nous n'aurons pas rassemblé les socialistes, alors nous ne pourrons pas dire comment nous faisons l'unité de la gauche. ». Alors qu'Olivier Faure préférait insister sur l'efficacité électorale (vu qu'il n'a aucune conviction) : « Quand la gauche est divisée, elle perd (…). C'est la seule façon d'être présent au second tour et d'avoir une chance de l'emporter. » (mais pour quoi faire ?). Nicolas Mayer-Rossignol s'est voulu plus nuancé : « La Nupes, c'est un cadre utile à l'Assemblée Nationale pour que les différents groupes se parlent. C'est un intergroupe : pas plus, pas moins (…). Mais, est-ce que ça suffit pour gagner demain ? On l'a vu, non ! ».
Ce débat télévisé a montré qu'il n'y avait pas que l'appartenance à la Nupes comme point de divergence. Sur les retraites, la position du PS n'est pas claire non plus : Hélène Geoffroy souhaite conserver l'âge de 62 ans, alors qu'Olivier Faure, fort démagogiquement mais aussi fort hypocritement, défend « personnellement » l'âge de 60 ans... avec 43 annuités de cotisation ! (Faites le compte, cela fait commencer à 17 ans... pour des diplômés bac+5, ça restera toujours... à 66 ans !).
Les deux adversaires d'Olivier Faure ont dressé un bilan désastreux de la direction du PS depuis quatre ans. Hélène Geoffroy : « Depuis cinq ans, le PS n'a pas travaillé sous la houlette d'Olivier Faure. ». Nicolas Mayer-Rossignol : « Est-ce que le Parti socialiste va bien ? Honnêtement non, et depuis très longtemps ! ».
Dans le choix des militants du PS, y aura-t-il une incertitude ? Il est sûr que sur la forme, Olivier Faure part avec une longueur d'avance, ne serait-ce que parce qu'il est le sortant, parce qu'il est un élu national et que malgré son faible charisme, il est celui qui est le plus connu des trois. Néanmoins, l'accord de la Nupes aux élections législatives de juin 2022, qui a empêché beaucoup de candidats socialistes de se présenter au profit d'un candidat mélenchoniste, a profondément irrité de nombreux militants sur le terrain qui pourraient se retourner contre Olivier Faure. Mais il est aussi probable que les plus en colère s'abstiennent voire aient déjà quitté ce PS qui ne représente plus rien à leurs yeux, ni une auberge à idées, ni des convictions, ni une écurie à candidats.
Dans un meeting à Paris le 5 janvier 2023, Nicolas Mayer-Rossignol donnait la clef du redressement : « L'objectif, c'est d'ensemble remettre le PS au cœur de la gauche et la gauche au cœur de la France. ». Pour l'heure, aucun des candidats ne semble en mesure d'atteindre cet ultime objectif...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (07 janvier 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
PS : l'élection du croque-mort.
Bertrand Kern.
Olivier Faure.
Roland Dumas.
Lionel Jospin.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Jean-Luc Mélenchon, ancien sénateur PS.
Jean-Yves Le Drian.
Richard Ferrand.
Olivier Véran.
Christophe Castaner.
Gérard Collomb.
Benjamin Griveaux.
Nicole Bricq.
Marisol Touraine.
Anne-Christine Lang.
Didier Guillaume.
Le Programme commun de l’union de la gauche.
Jacques Julliard dans "Marianne" le 6 mai 2022 : "Oui à l’union, non à Mélenchon".
François Hollande : si j’étais Président…
Sous la NUPES de Mélenchon.
François Mitterrand et le tournant de la rigueur.
Julie Gayet.
Valérie Trierweiler.
"Merci pour le moment".
Anne Hidalgo.
Le socialisme à Dunkerque.
Pierre Moscovici.
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