Quand Bruno Le Maire prophétisait le sursaut obamesque de l’Amérique
Dans son livre Le Ministre, paru en 2004, Bruno Le Maire décrit le quotidien de Dominique de Villepin au Quai d’Orsay. L’actualité est alors toujours placée sous le signe des retombées du 11 septembre 2001, dans lesquelles s’inscrivent les bruits d’une guerre en Irak que l’administration Bush s’efforce de rendre inévitable, mensonges diplomatiques à l’appui. Du sein de ce chaos diplomatique apparent, Bruno Le Maire prédit un sursaut démocratique qui ressemble fort à ce qui se déroula sous nos yeux lors des élections présidentielles américaines de 2008.
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« L’Amérique n’a pas péché par orgueil. L’orgueil est au contraire l’une de ses qualités principales, qui l’amène à construire haut, à frapper fort, à parler clair, à jouer loin. L’Amérique a péché par légèreté et négligence. Abuser pendant des mois les membres du Conseil de sécurité, suivre des méthodes aveugles pour démocratiser une région entière, parmi les plus complexes du monde, humilier ses alliés, humilier ses ennemis, croire dans la seule vertu de la force pour convertir les esprits : légèreté, négligence. Avec au bout un gâchis immense, qui laisse dans la bouche un goût de cendres. [...] La fierté : c’est ce que l’Amérique de Bush a oublié de rendre au monde. » (Grasset, p. 13)
Si la suite du livre s’attache plus à décrire le cheminement diplomatique du ministre dont il est alors le conseiller - notamment en ce qui concerne ses rapports tendus avec Colin Powell, secrétaire d’Etat -, Bruno Le Maire revient abondamment dans sa postface sur les fautes commises par l’administration Bush. Loin de lui trouver des circonstances atténuantes, c’est au manque de professionnalisme, de claivoyance, et même aux carences morales de l’exécutif américain qu’il s’en prend, non sans courage si l’on considère que ce dernier est toujours en place, sur le point d’être réélu :
« J’ai parlé de légèreté au début de ce livre. Il faudrait dire aussi : incompétence. L’administration américaine n’a pas réussi à constituer de dossier à charges crédible contre l’Iraq, alors sciemment, sur la base d’informations qu’elle connaissait, qu’elle était parfois la seule à connaître, elle a fabriqué un dossier, je ne dirais pas de toutes pièces, mais avec une bonne dose de mauvaise foi et de cynisme. Elle a cru pouvoir affirmer que le régime de Saddam Hussein était lié au terrorisme, parce que le terrorisme était l’ennemi à abattre, alors qu’aujourd’hui le terrorisme prospère sur les ruines d’un régime qui lui avait toujours été indifférent. » (Grasset, p. 260)
Pour autant, la sévérité de son regard sur l’administration Bush ne contamine pas l’estime qu’il porte aux Etats-Unis en tant que nation. Et lorsque vient le moment de conclure son analyse, c’est un message d’espoir étrangement prophétique que délivre Bruno Le Maire, dont la réalisation serait synonyme d’un séisme planétaire alors insoupçonnable :
« Nous pouvons avoir confiance : ce pays ne laisse jamais rien ni personne impuni, y compris lui-même. Il traque les fautes avec une méticulosité dont aucun autre pays n’offre l’exemple, parce qu’il croit dans l’existence de ce qu’il appelle le mal. […] Des fissures de plus en plus grandes courent le long des bâtiments de Washington et dans les consciences américaines. Les rouages de la démocratie se remettent en route. Ils accompliront le travail qu’ils ont toujours accompli depuis le premier jour de l’indépendance. » (Grasset, p. 265)
Près de cinq ans plus tard en effet, le 20 janvier 2009, Barack Hussein Obama, né d’un père kenyan et d’une mère américaine, prononçait son discours d’investiture à la Présidence des Etats-Unis d’Amérique. Et les mots qui ébranlèrent ce jour-là les "bâtiments de Washington" semblaient répondre mot pour mot aux attentes de Bruno Le Maire :
"Nous savons que notre héritage multiple est une force, pas une faiblesse. Nous sommes un pays de chrétiens et de musulmans, de juifs et d’hindous, et d’athées. Nous avons été formés par chaque langue et civilisation, venues de tous les coins de la Terre. Et parce que nous avons goûté à l’amertume d’une guerre de Sécession et de la ségrégation [raciale], et émergé de ce chapitre plus forts et plus unis, nous ne pouvons pas nous empêcher de croire que les vieilles haines vont un jour disparaître, que les frontières tribales vont se dissoudre, que pendant que le monde devient plus petit, notre humanité commune doit se révéler, et que les Etats-Unis doivent jouer leur rôle en donnant l’élan d’une nouvelle ère de paix."
Yes we can.
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