Réforme de la Constitution : quel recours si Sarkozy pète les plombs ?
Arrivés au jour du vote ultime de la réforme de la Constitution, qui tient le peuple en haleine devant le suspense annoncé d’un résultat qui se joue à quelques voix près, je déplore que :
- seul le Mouvement Démocrate avec François Bayrou s’inquiètent encore du problème de représentativité des partis politiques à l’Assemblée nationale (le scrutin majoritaire empêche les partis minoritaires de s’exprimer, en atteste ce résultat en 2007 : l’UMP a obtenu 55 % des sièges alors que son score au premier tour était de 39,5 %, le PS 36,4 % des sièges pour un score proportionnel de 27,2 %, le MoDem 0,7 % des sièges (4 sièges sur 577) pour un score proportionnel de 7,5 %) ;
- seuls les partis de gauche, surtout le PS, s’insurgent contre la non-prise en compte de la mise à jour du découpage territorial de la carte électorale pour les élections sénatoriales depuis sa revue en 1986, malgré l’évolution démographique au profit des villes (qui rendrait la gauche gagnante, CQFD !), bien que le Conseil constitutionnel ait déjà recommandé cette mise à jour ;
- aucun parti n’a insisté pour que le non-cumul des mandats des parlementaires figure dans la Constitution.
On peut d’ailleurs s’interroger sur la logique vicieuse du système faisant voter par les députés en place une loi, fût-elle constitutionnelle, qui leur "tire une balle dans le pied". Ce type de décision ne devrait-il pas relever d’un Comité des sages, du Conseil constitutionnel transcendant tous les partis ?
Et je ne peux m’empêcher de penser à une question que tous les Français se posent en ce moment : « Que faire si Sarkozy pète les plombs ? »
Cette question mérite d’être posée alors que les Français s’inquiètent de plus en plus du comportement impulsif et agité de notre actuel vibrionnant Président de la République, Nicolas Sarkozy, ainsi que de sa prédisposition à un alignement atlantiste, alors qu’il a le pouvoir d’appuyer sur le bouton atomique, ainsi qu’une manie de passer outre la séparation des pouvoirs et intervenir en direct en faveur de ses amis, qu’ils soient parmi l’élite dirigeante du CAC40 ou de personnes bénéficiant d’une popularité permettant un trafic d’influence. Comme récemment le laissent supposer les décisions de l’Elysée relatives à l’audiovisuel, bénéficiant financièrement aux chaînes privées notamment à TF1, ainsi que les instructions qui auraient motivé la décision du tribunal arbitral en faveur de Bernard Tapie (voir article de Mediapart) au détriment des finances publiques et probablement l’annonce prochaine d’une intervention directe en vue de nommer un nouveau Directeur de la Caisse des Dépôts et Consignations (voir également l’article de Mediapart sur ce sujet) et de faire de l’institution publique un fonds souverain, ce qui lui permettrait à cette dernière sous des conseils « avisés » de se présenter acquéreuse de stock-options comme elle l’a fait déjà en faveur de Arnaud Lagardère sur les titres EADS (supportant ensuite l’énorme moins-value de 200 millions d’euros sur un investissement total de 600 millions d’euros) ou pour faire par exemple un portage de titres Areva pour ensuite les revendre à Bouygues (ce n’est qu’une hypothèse bien sûr…).
Reformulons la question en langage constitutionnel et non personnifié : « quel est le recours des citoyens et du Parlement si le Président de la République commet une faute relative à sa fonction ? Quelle peut-être l’exception d’immunité pénale du Président de la République ? Le Parlement a-t-il le pouvoir de destituer le Président de la République, à l’instar de la procédure d’empêchement (inpeachment) existant aux Etats-Unis ? »
Aujourd’hui, le Président de la République bénéficie d’une immunité pénale. Cette situation dérogatoire a été mise en place car le Chef de l’Etat est le garant de la continuité de l’État. S’il fait l’objet d’une instruction pénale, cette continuité serait remise en cause. De plus, offrir aux juridictions pénales la possibilité de condamner le Président de la République en exercice devant les juridictions pénales offrirait la possibilité pour celles-ci de s’immiscer dans l’exercice du pouvoir politique, ce qui est interdit par la Loi du 16-24 août 1790. Voici la dernière mise à jour concernant l’immunité pénale du Chef de l’Etat, que j’ai pu trouver et qui résume les articles concernés (Wikipedia) :
« LA HAUTE COUR « Art. 67. – Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. « Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. « Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions. « Art. 68. – Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. « La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l’autre qui se prononce dans les quinze jours. « La Haute Cour est présidée par le Président de l’Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d’un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d’effet immédiat. « Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution. « Une loi organique fixe les conditions d’application du présent article. » »
Tout dépend donc de l’interprétation de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », de la constitution de Parlement en Haute Cour et de son vote à la majorité de 2/3e, ainsi que des conditions d’application fixées par la loi organique. Voici ce que dit le site de l’Assemblée Nationale :
L’article 68 institue une procédure originale de destitution du Président de la République en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat, notion qui n’est définie ni par la nature, ni par la gravité du manquement mais par son caractère inconciliable avec la poursuite du mandat. Afin d’en souligner le caractère politique, la destitution est prononcée par le Parlement tout entier réuni en Haute Cour, instance qui remplace la Haute Cour de justice.
La procédure de saisine et de décision de la Haute Cour obéit à des règles particulièrement strictes et exigeantes. La Haute Cour doit être saisie par une résolution adoptée par chacune des deux assemblées. Une fois réunie, elle se prononce à bulletins secrets sur la destitution dans un délai d’un mois. Les décisions de réunion de la Haute Cour et de destitution doivent être prises à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour, sans délégation de vote, et seuls les votes favorables à la décision étant recensés. L’article 68-1 indique que les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis, qu’ils sont jugés par la Cour de justice de la République qui, à la différence de la Haute Cour de justice, est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu’elles résultent de la loi. Selon l’article 68-2, la Cour de justice de la République comprend quinze juges : douze parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et par le Sénat et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour. Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d’une commission des requêtes composée de magistrats. Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République. Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d’office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes. La loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 prévoit que la Cour de justice de la République vote, après la clôture des débats, sur chaque chef d’accusation à la majorité absolue par bulletins secrets puis sur l’application de la peine infligée à un accusé déclaré coupable. Son arrêt peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Si l’arrêt est cassé, la Cour de justice doit être entièrement recomposée avant de juger à nouveau l’affaire.
J’espère que toutes ces précisions auront rassuré les Français !
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