Régionales 2010 : histoire de choux et de carottes
Depuis vingt-quatre heures, nous entendons de hauts responsables politiques et des journalistes-sondeurs analyser le résultat du premier tour des élections régionales, et avancer de curieuses tendances. Ainsi, le Front National est présenté comme faisant son grand retour, et le Parti socialiste être le grand vainqueur des élections. Il s’agit des deux contre-sens les plus couramment annoncés. Il y en a d’autres.
Reprenons les chiffres, et évoquons la difficulté : quels chiffres doivent servir de référence ? Alors que certains se hasardent à emprunter les chiffres des élections municipales ou européennes, au risque de prendre les choux pour des carottes, nous préférons envisager une analyse... rapportée aux élections régionales précédentes.
A l’extrême-gauche, les trois partis LO-LCR-PCF présentent en 2010 un nouveau visage. Alors que LO et LCR réalisaient 4,5% des voix en 2004, LO et le NPA n’en rassemblent plus que 3,5%, efficacement concurrencés par un Front de Gauche unitaire rassemblant le PCF, les déçus du PS, mais aussi d’anciens de la LCR (que la présence d’une candidate voilée sur les listes de NPA a pu décontenancer). Avec plus de 6% des voix, le Front de Gauche réussit son pari et grappille même un point au Parti socialiste et un autre au Front national.
Souvent présenté comme le grand vainqueur de ces régionales 2010, le Parti socialiste perd pourtant du terrain par rapport à son score de 2004 : de 33,5% des voix, il tombe à 29,4%.
Autre grande perdante, l’ancienne UDF, qui a connu une transformation considérable avec l’épisode des élections présidentielles et sa mutation en Modem, abandonnant au passage une partie de ses électeurs de centre-droit pour tenter de se créer un espace politique au centre-gauche. La remise en ordre de marche du PS et l’élargissement de l’assise des Verts avec la création d’Europe Ecologie, sonne le glas des ambitions régionales de François Bayrou : d’une UDF à 12,2% en 2004, il ne conserve que 4,2% en 2010.
Avec 12,5% des voix en 2010, Europe Ecologie signe le hold-up du moment (conformément à ce qu’avaient laissé penser les résultats des élections européennes précédentes), gagnant 10 points par rapport aux 2,5% des Verts en 2004. Si 5 à 6 points viennent sans coup férir d’anciens UDF déçus du Modem, Europe Ecologie prélève aussi 3 points au Parti socialiste.
L’UMP, que d’aucuns présentent sans recul comme la grande perdante des régionales 2010, voit son catastrophique résultat de 2004 se redresser de 21,6% des voix à 26,1%, à la faveur de listes d’union avec ses alliés. Ce gain de 4,5 points se fait essentiellement par l’apport d’une partie du vote UDF, mais aussi d’anciens électeurs frontistes. La thèse d’un retour au FN des déçus du sarkozisme ne repose sur rien.
Car contrairement à ce qui est unanimement présenté, le FN continue son déclin : 14,7% en 2004, et seulement 11,7% en 2010. La faiblesse de son score aux présidentielles 2007 et aux européennes 2009 ne doit en effet pas masquer un enracinement local, notamment en PACA et dans la Région Nord Pas de Calais, mais qui demeure sur une dynamique de reflux (en PACA : 26,8% des voix en 1998, 23% en 2004, 20% en 2010). Le FN ne peut d’ailleurs plus se maintenir au deuxième tour que dans 12 régions, contre 17 en 2004.
Au final, ces élections permettent à la gauche de maintenir leur leadership régional, tout en opérant une redistribution des cartes au bénéfice des partenaires du Parti socialiste, tandis que l’UMP progresse insuffisamment et reste à la recherche d’un élargissement de son assise locale, butant encore et toujours sur l’obstacle environnemental au centre, et empêché d’enclencher une dynamique de victoire par le maintien au deuxième tour d’un FN élevé.
Cette analyse présente une faiblesse qui n’est qu’apparente : faire comme si 2007 n’avait pas existé. Nicolas Sarkozy a été élu président de la République, certains pensent pouvoir lui tenir grief de toutes les victoires ou défaites suivantes. C’est oublier ce que nous rappellent ces mises en perspective chiffrées : les élections régionales sont avant tout des élections de courants, à travers lesquelles les électeurs donnent à voir de leurs préoccupations quotidiennes.
Si les présidentielles sont fortement personnalisées et ont pu susciter des attentes importantes, la population française demeure en 2010 inquiète de son avenir et dans l’expectative de résultats qu’elle ne voit pas venir, ou trop insuffisamment. Mais le Parti socialiste aurait tort de les considérer comme un gage pour 2012, sauf à oublier ce qui s’est produit trois ans après sa victoire de 2004.
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