L’ancien Premier Ministre Alain Juppé, assez sévère dans son analyse, a parlé le 15 mars 2010 d’un « affaiblissement de l’UMP qui va devoir méditer la désaffection dont elle est objet ».
L’UMP en tête dans 9 régions
Les élections régionales du 14 mars 2010 n’auraient pourtant pas été un échec complet pour les listes de l’UMP. En effet, dans neuf régions, la majorité présidentielle serait en mesure de gagner face à ses adversaires socialistes et écologistes.
Opération du Saint-Esprit ? Non. C’est plutôt une réflexion de politique fiction du journaliste Gérard Courtois dans le journal "Le Monde" du 16 mars 2010. Ce dernier s’est amusé à appliquer le mode de scrutin prévu par le gouvernement au scrutin du 14 mars 2010.
Dans neuf régions, malgré son faible score, l’UMP est en tête de toutes les listes candidates : en Champagne-Ardenne (31,7%), en Alsace (34,9%), en Franche-Comté (32,1%), en Île-de-France (27,7%), dans la région Centre (29,0%), en Rhône-Alpes (26,3%), en Auvergne (28,7%), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (26,6%) et en Corse (21,3%).
Or, le projet de loi envisage l’élection par un scrutin de liste à un tour. La liste majoritaire (relativement) bénéficiant ainsi d’une "prime majoritaire".
En fait, le mode de scrutin proposé est un peu plus compliqué.
Nouveau mode de scrutin
La réforme gouvernementale est d’une bien plus grande ampleur puisqu’elle souhaite "fondre" les conseillers généraux (départements) et les conseillers régionaux (régions) dans un seul type d’élus, les conseillers territoriaux. C’est la raison pour laquelle les conseillers régionaux élus le 21 mars 2010 ne le seront que pour un mandat de quatre ans et pas de six ans. La réforme des collectivités territoriales devrait en effet s’appliquer à partir du 1er janvier 2014.
Ce mode de scrutin serait mixte et assez complexe.
Pour 80% des conseillers territoriaux, ils seraient élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le cadre traditionnel du canton.
Pour les 20% restants, issus de listes, est prévue une répartition proportionnelle au plus fort reste établie à partir des voix obtenues par les candidats au scrutin uninominal majoritaire.
Donc, évidemment, la transposition de ce scrutin à celui du 14 mars 2010 est un peu plus compliquée que d’imaginer la simple liste arrivée en tête dans chaque région. Il faudrait connaître la liste en tête dans chaque canton de la région pour déterminer la liste vainqueur dans cette région.
Mais dans tous les cas, le scrutin uninominal majoritaire à un tour a des effets rudement efficaces dans une répartition éclatée du paysage politique telle que nous pouvons l’observer dans le scrutin du 14 mars 2010.
Le scrutin majoritaire à un tour très contestable
Il a été adopté depuis longtemps en Grande-Bretagne.
En été 1958, Michel Debré, lors de la rédaction de la Constitution de la VeRépublique, l’avait proposé pour l’élection des députés mais le Général De Gaulle l’avait refusé pour adopter le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui permettait à la plupart des députés d’être élus par une majorité absolue de suffrages exprimés (seuls, les cas de triangulaires ou de quadrangulaires peuvent engendrer une élection à la majorité relative et pas absolue).
Ce mode de scrutin très complexe avait été aussi proposé dans le rapport du doyen Georges Vedel remis à François Mitterrand en février 1993. Selon lui, il permettait un mélange de proportionnel et de majoritaire avec un seul vote pour l’électeur.
Le projet gouvernemental du 21 octobre 2009 prévoit également l’abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500 habitants pour appliquer le scrutin de liste aux élections municipales.
Un scrutin pas vraiment simple ni juste
Reste à savoir si le gouvernement réussira à convaincre députés et sénateurs, très sensibles sur le sujet (la plupart sont aussi des élus locaux), et surtout, car c’est quand même l’essentiel, les citoyens de l’intérêt d’un tel mode de scrutin.
Son application aux régionales 2010 montrerait à l’évidence que la victoire de l’union des socialistes et des écologistes serait "volée" dans neuf régions. Certes, avec une règle du jeu différente, nul doute que les listes socialistes et écologistes se seraient présentées unies dès le premier tour, mais dans ce cas, comment équilibrer les rapports de force internes sans idée de leur "valeur" électorale ?
L’autre conséquence, c’est que les partis "à vocation minoritaire" comme le MoDem, le Front de Gauche (PCF et Jean-Luc Mélenchon), le FN, le NPA, LO etc. seraient laminés dans les Conseils régionaux et généraux.
Enfin, troisième inconvénient, majeur celui-ci, la complexité du mode de scrutin pour des élections où les électeurs participent déjà beaucoup trop peu serait, à mon sens, un véritable handicap. La démocratie représentative doit être claire pour tous les citoyens, même ceux qui n’ont pas fait Science Po !
Pour aller plus loin :