Remaniement, la valse des pantins
Il y a ceux qui arrivent, toujours les mêmes. Ceux qui restent et bougent peu. Et les autres, qui dégagent. Le nouveau gouvernement de Sarkozy n’a rien à envier à ceux du RPR de la plus belle époque. Bestiaire.
Seul président de région UMP de France après la branlée mémorable d’avril dernier, Philippe Richert est un rescapé du système sarkozyste. Fils d’ouvrier, enseignant, licencié en histoire, il était pourtant loin de posséder le profil idéal pour plaire à « Bling-Bling Premier ». N’en déplaise à Sarko, c’est certainement pour cette raison qu’il fut « le sauveur » in extremis de l’Alsace face au « péril vert » d’Europe Ecologie. Après le miracle de la Marne en 1914, Philippe Richert est récompensé pour celui de Strasbourg. Il deviendra « ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales ».
Repris de justice notoire condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris pour « abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux, et prise illégale d’intérêt », Alain Juppé opère un retour remarqué au gouvernement. Le maire UMP de Bordeaux, qui avait promis-juré en 2008 qu’il se consacrerait uniquement aux intérêts de sa ville et de ses administrés, a finalement décidé de défendre aussi ceux de Nicolas Sarkozy au sein du ministère de Défense. Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.
Thierry Mariani, pur produit RPR du Vaucluse, obtient le secrétariat d’Etat aux Transports. Ce spécialiste de l’immigration ferait passer Eric Besson pour un tendre en matière de répression. En 2007 cet humaniste présente plusieurs amendements célèbres au projet de loi sur l’immigration de Brice Hortefeux. Notamment ceux, fameux, en rapport avec les tests ADN sur les noirs et l’autorisation de statistiques raciales et ethniques destinés à mieux contrôler et surveiller les auvergnats. Tous rejetés car jugés inconstitutionnels et dangereux.
Xavier Bertrand, chamallow officiel de l’UMP, a été nommé ministre de l’Emploi, du Travail et de la Santé et retrouve le poste qu’il avait quitté lors du précédent remaniement. Toujours méchant avec les journalistes, l’opposition et les gens en général, il ne dit du bien que de Nicolas Sarkozy. Viré par l’ambitieux Copé -minisarko- à la tête de l’UMP, sa place était donc au gouvernement.
Avant d’être nommé ministre des Relations avec le Parlement Patrick Ollier, 66 ans, était uniquement connu pour être le petit copain de Michèle Alliot-Marie. Il sort avec elle depuis quelques dizaines d’années mais, grand timide, n’a jamais osé lui demander sa main. Il sera certainement heureux de partager un peu plus de temps avec sa copine au conseil de ministres. Folle jeunesse.
Ca y est, c’est fait. Frédéric Lefèbvre l’aboyeur hirsute de l’UMP, l’invectiveur de Neuilly, a enfin été nommé dans un gouvernement. Hosanna ! L’oeuvre d’une vie entièrement dédiée à la gloire de son ami d’enfance Nicolas Sarkozy est récompensée par un strapontin ministériel. Quelle émotion, on en boit le champagne jusqu’au siège du MEDEF. Celui qui, entre autres brillantes idées, voudrait forcer les salariés malades à travailler pendant leurs arrêts maladies et raccourcir les congés maternités pour cause de « modernité néolibérale », devient -accrochez-vous- « secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ». Reprenez votre respiration. Rarement un laquais n’aura été autant récompensé pour son zèle. A part peut-être chez Lilianne Bettencourt.
Si l’ouverture à gauche et au centre se termine lamentablement dans la confusion et le reniement, celle aux traîtres se poursuit. La député villepiniste Marie-Anne Montchamp, proche de Dominique de Villepin, a accepté sans hésiter d’être nommée secrétaire d’Etat aux Solidarités. Au diable les idées et les convictions, que ne ferait-on pas pour un maroquin ?
Jeannette Bougrab, devient secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sera chargée de la jeunesse et de la vie associative. Mais comme Sarkozy se fiche de la jeunesse et de la vie associative comme de sa première Rolex, on ne devrait pas trop la voir sur les écrans.
Nathalie Kosciusko-Morizet, la beauté diaphane de l’UMP, prend du galon en investissant le ministère de l’Environnement. La jeune rouquine ambitieuse, défenseresse acharnée de la loi Hadopi et amoureuse des robots humanoïdes, adresse un formidable coup de pied au cul à son prédécesseur et ennemi, Jean-Louis ColumBorloo. Le « défait » de Matignon aurait très mal pris la nomination de NKM, la jugeant « provocatrice ». Les deux « amoureux » s’étaient frités à l’époque du Grenelle de l’Environnement pour des raisons d’égo, se balançant des noms d’oiseaux en public et des confidences salées via le Canard Enchaîné.
Ceux qui restent
Elle porte toujours sur la tête un casque blanc des soldats de l’Empire de Star Wars, mais malgré cette faute de goût Christine Lagarde a été confirmée à Bercy au poste de sinistre des Finances. Avec Frédéric Mitterrand, également confirmé à son poste, Nicolas Sarkozy n’est pas a une excentricité près. La Marquise de La Garde devra mener les complexes négociations de la présidence française du G20. Une bonne idée, car à la différence de Sarko elle sait parler anglais sans sombrer dans le ridicule devant un parterre de journalistes hilares.
Michèle Alliot-Marie, elle sort avec Patrick Ollier. C’est son copain. Michèle, elle passe au ministère des Affaires étrangères parce qu’elle a des bonnes notes, mais elle sera pas dans la même classe que Patrick. Lui, il entre seulement aux « Relations avec le Parlement » à cause qu’il a redoublé à l’Assemblée Nationale. Et pi avoir son « mec » dans la même classe c’est pas cool. Ptdr, lol.
Le chiraquien Baroin continuera à ramer dans la galère sarkozyste. Un temps envisagé à la place de Fillon il a été reconduit au ministère du Budget tout en étant nommé porte-parole du gouvernement de Sarko. Les points Luc Chatel du « Petit Journal » de Yann Barthès vont nous manquer. Espérons que François Baroin sera à la hauteur de son illustre prédécesseur.
Sèchement condamné pour « injure raciale » par le tribunal correctionnel de Paris pour cause de « blague auvergnate », Brice Hortefeux est techniquement, d’un point de vue judiciaire, un « délinquant notoire ». Peu importe. Nicolas Sarkozy a de l’humour et possède un sens de l’amitié clanique que ne renierait pas Silvio Berlusconi ou Mouammar Kadhafi. Brice Hortefeux a donc été reconduit au ministère de l’Intérieur. Sous les applaudissements de la presse et les vivas de l’UMP. Vive la République, vive la France, vive Neuilly, vive les riches !
Un autre traître trouve les grâces de Sarkozy avec Eric Besson, et son profil à la Iago, qui sauve sa tête en troquant le défunt ministère de « l’Identité Nazionale » par le secrétariat d’Etat à l’Industrie à la place du peu regretté Christian Estrosi. Détesté à droite comme à gauche, Besson est néanmoins rétrogradé à un poste subalterne. Une nouvelle qui pourrait déplaire à la nouvelle Madame Besson, déjà habituée aux fastes de la République et des Palais Vénitiens.
L’insipide Laurent Wauquiez, ex-secrétaire d’État chargé de l’Emploi, a été nommé dans l’indifférence générale ministre des Affaires européennes la place du ténébreux Pierre Lellouche qui devient secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur. A part au Figaro, personne ne s’en émouvra.
Les sceptiques, les non-croyants et les agnostiques en prendront de la graine, car comment expliquer le nomination de Roselyne Bachelot au titre de ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale, sinon par un miracle ? Tel Lazare que Christ aurait ressuscité, l’ex-Ministre de la Santé et des Sports revient d’entre les morts politiques pour siéger à nouveau au gouvernement. Le supplice de la Coupe du Monde en Afrique du Sud, le martyre de la grippette A-H1N1 à deux milliards d’euros aux frais des contribuables n’y auront rien fait. Roselyne est bien vivante et elle va oeuvrer pour le bien commun, avec la même efficacité qu’avant. Seule une intervention divine peut expliquer ce prodige. A moins que ce ne soit celle de son ami François Fillon.
Bling-Bling médiatique oblige, Chantal Jouanno est nommée ministre des Sports du nouveau gouvernement Fillon. Il est vrai que la championne de France de karaté artistique passait régulièrement sur Stade 2. Pour Sarko on ne se prive pas d’un tel talent quand les sondages sont aussi mauvais.
Ceux qui dégagent
Très en colère, l’inspecteur Jean-Louis ColumBorloo a claqué la porte la porte du gouvernement en menaçant ouvertement de se présenter à la présidentielle de 2012, rien que ça. Vexé d’avoir été écarté de Matignon alors qu’il venait de prendre un bain et un rendez-vous chez le coiffeur dans le même mois, il s’est vengé dans un communiqué incendiaire adressé à Sarko et Fillon. Le désormais ex-ministre d’Etat a annoncé avoir « choisi de ne pas appartenir à la prochaine équipe, préférant retrouver (sa) liberté de proposition et de parole au service de (ses) valeurs au premier rang desquelles la cohésion sociale » qui n’est pas représentée au sommet de l’Etat. Et paf ! Il ne restera pas grand monde pour voter Sarkozy au premier tout de la prochaine présidentielle. Tant mieux.
Hervé Morin était membre du gouvernement à la tête d’un ministère régalien, mais peu de gens en France le savait. Avant de partir, lui aussi s’est montré menaçant envers Sarkozy et sa clique. « J’attendais de la composition du gouvernement un geste de rassemblement. Au lieu de ça j’ai vu apparaître une équipe de campagne électorale, UMP, je pourrais même dire proche du RPR », a-t-il fulminé, tout blême, devant un parterre de journalistes choqué par l’emploi du gros mot « RPR ».
Le « très honnête » Eric Woerth aura tant à faire avec les juges dans les mois qui viennent que Sarko a finalement consenti de s’en débarrasser. Et dire qu’avant l’éclatement de l’affaire qui porte son nom, Woerth, le porteur de la contre-réforme des retraites, envisageait sans rire d’entrer à Matignon... triste destin. Espérons maintenant pour notre bon « président du pouvoir d’achat » que le bougre ne sera pas trop bavard face aux flics de la brigade financière qui ne manqueront pas de le cuisiner afin de lui tirer les vers du nez.
Dominique Bussereau, Jean-Marie Bockel et Valérie Létard n’avaient aucune consistance médiatique. Un crime pour Sarko, le petit père des people, qui s’est chargé le leur rappeler les règles élémentaires de la bienséance par une mise à l’écart définitive.
Elle soutenait Borloo. Fadela Amara perd sa 607 de fonction, les motards qui vont avec, son titre de sous-ministre à la ville, et retourne dans son HLM de banlieue. Voilà ce qu’il en coûte à dire du mal de François Fillon, le « bourgeois de la Sarthe ».
La bavarde Rama Yade redevient conseillère municipale de Colombes. En attendant d’être courtisée par l’UMP de Copé, le PS et les écolos, elle pourra faire visiter sa ville à Bernard Kouchner, dont plus personne ne veut.
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