Renouveau démocratique : Montebourg, la bonne personne au bon moment
Il paraît que les citoyens ordinaires se désintéressent de la politique et n’accordent plus aucun crédit à leurs élus. Mais quand il est question d’abstention et de « vote contestataire », ce sont les électeurs qui n'ont rien compris, et l’on se contente de changer de « pédagogie » tout en appliquant les mêmes sparadraps.
Pour couronner le tout, on les accuse de ne pas vouloir faire les efforts qui conviennent en temps de crise, ingrats qu'ils sont.
Et si c'étaient plutôt les politiques (et tous ceux qui font filtre entre eux et nous) qui passaient à côté de ce que le peuple leur adresse comme message ? Qui, parmi les candidats des primaires citoyennes, est capable de l'entendre et le comprendre ?
--- Une société violente
Quand le travail devient de plus en plus rare, on pressurise ceux qui en ont, traite de fainéants ceux qui en sont écartés, et on amoindrit le niveau de vie des retraités. Quand les fonctionnaires défendent une certaine idée du service public, on tente de les culpabiliser en les qualifiant de privilégiés. Quand les jeunes s'échauffent dans les banlieues, on pond un plan à deux balles et on met des caméras dans les rues des quartiers populaires, tout en réduisant la capacité d'action des associations ou de la police de proximité. Quand les incivilités croissent, on détourne la peur [1] des gens vers des boucs émissaires. Etc., etc.
La société nous renvoie chaque jour des images de plus en plus violentes. Contrairement à ce qui devrait être, l'accès à l'information ne produit pas des hommes plus libres [2] : seulement des citoyens plus aptes à mesurer les écarts entre leurs conditions de vie et celles d'une minorité privilégiée. Et malheureusement, l'accès aux médias de masse ne fabrique pas des hommes plus éclairés : seulement des citoyens démunis face aux misères du monde, pressés de se réfugier dans une rassurante course à la consommation [3].
Chaque jour qui passe nous confronte à une impuissance à peine soutenable.
Or, quelles sont les armes du peuple face au mépris des élites ? Hélas : la dépression ou la haine de l'autre !
Face à l'autisme des dirigeants ? Mince ! Le repli sur soi, la colère ou l'irrationalité.
Face à l'injustice et à la violence économique ? Aïe ! Le vote contestataire… ou la révolution !
Les signes sont là mais nos responsables font tout pour les ignorer [4].
--- Une démocratie fragile
Ce n'est peut-être pas pour aujourd'hui, mais cela couve tout de même. A chaque crise économique se développe une crise des valeurs, un risque de rupture du contrat social républicain [5]. Souvenons-nous que le fascisme avait fait son nid dans le désastre de la crise de 1929, même si en France le Front Populaire avait servi d'amortisseur, comparativement à l'Allemagne et à l'Italie.
Un siècle quasiment a passé, mais sommes-nous assurés d'être mieux protégés aujourd'hui ?
Quand trop de gens se trouvent écartés du niveau de vie et de protection qu'ils estiment légitime ? Quand ceux qui sont matériellement préservés craignent de les rejoindre dans le marasme, et soufrent déjà moralement ? Quand tout le monde prend conscience avec effroi de l'impact catastrophique de l'homme sur la planète ? Quand les enfants de 1968 constatent l'échec des rêves de paix, de tolérance, d'égalité et de liberté de leurs parents ?
Sommes-nous parfaitement assurés de la puissance de notre culture démocratique pour faire face aux défis d'aujourd'hui ?
Quand nous observons la manière dont la classe politique se sert de notre vote pour trahir les intérêts du peuple ? Quand nous subissons tous les jours via les médias l'appauvrissement du débat [6] sur notre monde et la manière de le gouverner ? Quand la culture [7], d'expression vivante de la nation, en vient à se réduire à deux propositions : l'art "marchandisé" pour l'élite, et le loisir de masse pour les autres ? Quand l'école elle-même est affaiblie dans son aptitude à former les citoyens de la République ?
--- Notre pouvoir
Nous pouvons encore faire comme si tout allait (assez) bien.
Oui, nous pouvons espérer que le luxe d'une Rolex mette à portée de main l'idée d'avoir réussi notre vie. Nous pouvons toujours faire comme si les inégalités à notre porte et l'injustice au sein de la nation étaient tolérables. Nous pouvons même imaginer que la science viendra nous sauver sans plus d'effort de notre part. Nous pouvons nous dire que la montée des extrémismes ne nous concerne pas. Nous pouvons continuer à nous laisser bercer par l'apologie quotidienne du libéralisme et croire en l'implacable nécessité des logiques financières. Nous pouvons encore et encore intérioriser les idéologies qu'une minorité impose à la majorité comme si elles allaient de soi. Nous pouvons nous joindre au réflexe pavloviens de la meute pour dé-légitimer toute tentative de remise en question du système [8].
Et puis attendre tranquillement de voir ce qui va se passer...
Mais le plus violent, ce n'est pas la chute : c'est l'atterrissage.
Alors, si nous ne voulons pas de ce monde, si nous avons pris conscience qu'il était temps d'agir dans le cadre démocratique, nous pouvons nous responsabiliser. Nous réapprorier la politique [9] en expurgeant les clivages politiciens qui masquent une incapacité généralisée à comprendre les vrais problèmes des "vrais gens" [10]. Nous pouvons renvoyer à la niche les fossoyeurs du bien public, les accompagnateurs d'un libéralisme oppressant, les défenseurs d'une vérité qui n'est pas la nôtre, les contempteurs d'idées malsaines, les appels à la violence. Nous pouvons nous mettre à écouter ceux qui ne se résignent pas et qui proposent, avec constance et vue d'ensemble, de "changer de logiciel". Nous pouvons choisir nos représentants en fonction d'un projet de société plutôt que d'une posture.
--- Décider !
Car, même si le 21 avril a retentit comme un cri d'alarme, nous savons que la menace est surtout dans la prolongation de cet autisme politique et cette violence économique - inextricablement liés - que nous subissons tous. Nous savons que, en votant FN, la masse de ses électeurs réclame à sa manière ce que, au fond, tout le monde est en droit d'attendre : protection culturelle, sociale et économique, identification à une nation forte et agissante, écoute et considération, vérité dans le discours comme dans les actes.
Les frontières politiques bougent, les repères ne se construisent plus selon les schémas classiques. Ayant trop longtemps assisté au jeu navrant des alliances de circonstances et de l'opportunisme carriériste, nous avons besoin d'un retour aux valeurs et aux idées. Nous aspirons à une prise de position claire, qui restaurera la confiance en l'avenir.
En cela les primaires citoyennes ont créé une rupture, en réintroduisant dignement la politique dans les médias et dans notre vie. Grâce à Internet, nous avons eu la capacité de nous affranchir des filtres habituels [11], et bénéficier d'un accès direct aux propositions des candidats, ou lire en détail les convictions sur les visages de ceux qui se portaient candidats. Nous avons compris que c'était plus subtil que ce à quoi nous étions habitués, mais plus simple de décider.
Décider quoi au juste ? Décider que nous étions en capacité de reprendre la main [12]. Décider de nous unir pour faire valoir notre exigence de citoyens : une société plus respectueuse, plus humaine, plus indépendante. Décider de nous choisir des représentants qui ne soient pas des marionnettes de l'économie. Décider d'ignorer les sondages [13] peu fiables, en écoutant le candidat qui a compris les deux besoins dont tout le reste découle :
- Premièrement, refuser d'être les victimes passives si ce n'est consentantes de la mondialisation financière.
- Deuxièmement, nous engager dans la construction d'un nouveau cycle démocratique.
VOILA LE SOCLE SUR LEQUEL NOUS ALLONS POUVOIR RECONSTRUIRE NOTRE CONTRAT SOCIAL !
--- Choisir
Arnaud Montebourg nous propose ce projet [14].
Comme tout homme, il n'est pas dénué de failles. Mais, depuis ses luttes contre la corruption en tant qu'avocat jusqu'à la mise en place de ces primaires citoyennes, en passant par 10 ans de travail sur le projet de la sixième république, il a fait la preuve des qualités première de la tâche : sens inébranlable de la justice, fermeté de convictions, ténacité à porter une cause dans la durée, en dépit des obstacles.
Comme tout homme, ses manières peuvent agacer, ses propos parfois se prendre au jeu de la lutte. Mais c'est avant tout ses valeurs et ses idées qui nous intéressent, et tant mieux s'il met de l'emphase face à l'enjeu, car celui-ci est effectivement sérieux.
Et, contrairement aux autres, c'est encore un homme neuf et crédible sur la scène politique.
Non pas que ce soit l'homme providentiel : c'est juste la bonne personne au bon moment. Celui qui s'élève de la cohue pour nous proposer de participer à "une société où l'on se donne la main, où l'on s'unit, on s'organise, on fait ensemble". C'est celui a le potentiel que nous attendons pour reprendre le pouvoir. Car il est temps : les difficultés sont encore devant nous, et il n'est pas certain qu'un quinquennat de plus ne mette pas définitivement au tapis la capacité de notre société à produire des politiques à l'écoute des citoyens, ni que ces derniers soient toujours en mesure de faire des choix éclairés.
"Le moment est venu de penser par nous-même et de bâtir une nouvelle France !", dit-il. Hé bien, allons-y, que diable !
See Mee, blogueuse et citoyenne
Article rédigé samedi 8 octobre, avant les résultats du premier tour des primaires citoyennes.
* * *
Quelques lectures qui aident à se forger une distance critique :
[1] Sur Non-fiction, à propos d'un livre de Paul Virilio, par Emmanuel Rivat : Politique de la peur. La démocratie impossible
[2] Sur Rhubarbe blog, Vincent Verschoore : Les dix stratégies de manipulation de masse – Noam Chomsky
[3] Sur Net et sans détour, Robin Canegie : La fabrique du mépris, ou faire pratiquement de tout une commodité
[4] Sur Tête de quenelle, Stan Jourdan : La démocratie hermétique
[5] Sur Etat critique, Patrick Mignard : Le capitalisme s'effondre... peut-être ! mais après ?
[6] Horizons, blog de Malakine : Les journalistes contre la démocratie
[7] Sur Le monde Diplomatique, Franck Lepage : De l’éducation populaire à la domestication par la « culture »
[8] Acrimed, Henri Maler : Une critique des médias paranoïaque et sacrilège ?
[9] Sur 2012 Même pas peur : Je ne veux plus qu'on me dise que je me désintéresse de la politique
[10] Sur Libération, Gaël Brustier : La primaire, voie de reconquête des classes populaires
[11] Sur Acrimed, par Pascal Durand : Comment se réapproprier démocratiquement l’information
[12] Sur Etat critique, Jean Dornac : Etre et rester insoumis (3)
[13] Sur Homme Moderne, Pierre Bourdieu : L’opinion publique n’existe pas
[14] Pour connaitre le projet de Arnaud Montebourg : http://www.arnaudmontebourg2012.fr, ainsi que ma revue d’articles sur Pearltrees : http://www.pearltrees.com/blogexperience/arnaud-montebourg/id3381823
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