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Accueil du site > Actualités > Politique > Rétention de sécurité : la justice à l’épreuve

Rétention de sécurité : la justice à l’épreuve

Ancien avocat, Nicolas Sarkozy ne doit pas ignorer quelques principes qui fondent le droit, notamment, le principe de non-rétroactivité.

Il savait donc d’avance que le Conseil constitutionnel censurerait « sa » loi sur la rétention de sûreté.

Le Conseil constitutionnel a donc jugé que, comme toute loi, la rétention de sûreté « ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi » ou « pour des faits commis antérieurement » à cette publication.

Gardien de la Constitution, Sarkozy ne peut pas davantage en ignorer l’article 62 : « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours » et « s’imposent aux pouvoirs publics et à tout autre autorité administrative et juridictionnelle », président et Cour de cassation compris...

« Il peut arriver qu’un gouvernement n’approuve pas les décisions du Conseil constitutionnel, commente Frédéric Rolin, professeur de droit public à Paris X - Nanterre. Mais c’est la première fois qu’on saisit officiellement une autorité pour lui enjoindre : Trouvez-moi un moyen de dire exactement le contraire de ce que vient de dire le Conseil constitutionnel. »

"Compassion légiférante" au nom des victimes

Une émotion vous saisit ? Alors, vite, une nouvelle loi ! Immédiatement ! Et les codes enflent de jour en jour dans la fébrilité.

Dire qu’on va faire des lois pour répondre à l’émotion du moment évite d’avoir à mener une réflexion sur la politique pénale !

Et d’aggraver les peines sur les récidives, sans donner les moyens au juge de suivre l’application des peines !

Et, enfin, de créer la rétention de sécurité : désormais, une personne pourra donc être enfermée, non plus pour les faits qu’elle a commis, mais pour ceux qu’elle pourrait commettre !

Fidèle à lui-même, le chef de l’Etat joue sur l’émotion.

Il a voulu ce texte après des faits divers dramatiques, dont le viol d’un petit garçon par un pédophile récidiviste en juillet 2007.

Pourtant, il existait déjà un arsenal juridique permettant de surveiller ce type de délinquants. La loi Guigou de 1998 sur le suivi socio-judiciaire prévoyait d’astreindre une personne ayant purgé sa peine à des soins et des contrôles très stricts. La loi Clément de 2005 sur la surveillance judiciaire permettait d’astreindre une personne bénéficiant d’un aménagement de peine à des contrôles et à des soins ainsi qu’au port d’un bracelet électronique. Seulement, les décrets d’application de la loi Clément n’ont été publiés qu’en août 2007 ! Seulement les moyens nécessaires n’ont pas été dégagés !

Mais Sarkozy persiste dans la voie de la démagogie : « Ce qui est important pour moi, c’est qu’on ne laisse pas des monstres en liberté après qu’ils ont effectué leur peine ».

Qui ne voudrait être du côté des victimes ?

Au nom de la loi...

Les juges du Conseil ont, de fait, classé la rétention de sûreté dans la catégorie des peines. Les arguments des conseillers du président n’y changeront rien.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel qui repousse à quinze ans l’application de la loi, la rend, en l’état actuel des choses, presque inapplicable.

En effet, pour qu’elle puisse produire ses effets, celui qui aura effectué ses quinze années d’emprisonnement suite à un jugement intervenu après le 26 février 2008 devra avoir fait l’objet de soins. Donnera-t-on au système judiciaire les moyens matériels et humains de la mettre en oeuvre aujourd’hui ?

Les gesticulations du président ou de sa garde des Sceaux pour tenter de sauver la face et récupérer le "bonus" populiste qu’ils recherchent à tout prix ne peuvent rien changer à l’application de règles de droit.

Le premier président de la Cour de cassation, appelé à la rescousse, a très logiquement indiqué qu’il ne saurait suggérer des solutions allant à l’encontre de la décision du Conseil constitutionnel.

C’est tout à son honneur.

Ce n’est pas - en revanche - à l’honneur du président de la République de ne pas reconnaître sa faute et de tenter de contourner, par une dernière manoeuvre, une décision sans équivoque.

Se poser en victime...

Alors pourquoi avoir monté avec l’éclat qu’on a vu une telle opération qui ne pouvait qu’échouer ?

Sarkozy s’est livré à une manoeuvre d’intoxication. Parfaitement conscient des risques de censure, il a persévéré, sachant qu’avec des commentaires de médias télévisés complaisants il pourrait endosser le rôle d’un président soucieux de la protection des victimes et se poser à son tour en victime de... juristes intransigeants.

« Il y a eu des heures de gloire pour la justice : la fin de la torture, du bagne, l’abolition de la peine de mort, la possibilité pour un citoyen français de faire un recours à la Cour européenne des droits de l’homme. Aujourd’hui, nous sommes dans une période sombre pour notre justice. » (Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel).


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17 réactions à cet article    


  • vendek1 13 mars 2008 15:57

    >Sarkosy s’est livré à une manoeuvre d’intoxication.

     

     

     __________________________

     

    Ah bon ? C’est curieux...

     C’est pas le genre, pourtant.


    • vendek1 13 mars 2008 15:58

      SarkoZy, of course.


    • ASINUS 13 mars 2008 16:02

      avocat oui mais avocat d affaires


      • kabreras kabreras 13 mars 2008 16:23

        Il y a quand meme des principes de base...


      • Fergus fergus 13 mars 2008 16:22

        Très bonne analyse. Sarkozy a, dans cette affaire, une nouvelle fois fait preuve de démagogie et de populisme en flattant les instincts répressifs des Français et non leur raison. C’est lamentable et scandaleux ! 


        • throne 13 mars 2008 17:24

          et quand je pense qu’il ne saute pas sur l’occasion de modifier la loi sur l’euthanasie... enfin que dis-je, dans un pays où la peine de mort est interdite, c’est une petite porte ouverte à n’importe quel despote, une fois bien detournée... t’enferme quelqu’un, tu le rend psychotique façon gantanamo, et tu l’euthanasie pour abrégé ses souffrance... je sais pas, peut-etre un dissident politique ? bon ok je vais trop loin.


          • faxtronic faxtronic 13 mars 2008 23:26

            non non tu ne vas pas trop loin. C’est bien le but de Sarkozy et sa clique.


          • La Taverne des Poètes 13 mars 2008 17:30

            Je ne suis pas d’acord avec Badinter : nous sommes entrés dans une période sombre pour un tas de choses et la justice n’est qu’un aspect. Que monsieur Badinter regarde autour de lui : dans la rue, qu’il sorte de ses bouquins poussiéreux et regarde les gens, la vie autour !

            Sinon, je rappelle que le principe de non rétroactivité n’a rien d’un principe absolu. Il a valeur constitutionnelle (donc supérieure à la loi) en matière pénale seulement (pour les nouvelles peines ou les peines plus renforcées). Mazeaud, l’ancien président du Conseil constitutionnel vient de le rappeler. Dans d’autres domaines du Droit, il a valeur de principe général du Droit. Et dans d’autres cas, il n’a que valeur législative. Le fait qu’il soit codifié à l’article 2 du Code civil ne lui confère aucune valeur supérieure de ce simple fait. Un code n’est qu’une compilation de textes qui ne leur attribue pas plus de valeurs (fantasme français sur la valeur des choses écrites et des livres ?). Bref, une loi peut déroger à l’article 2 du code civil.

            Le principe constitutionnel de non rétroactivité n’est pas remis en cause en France. Le Conseil constitutionnel a joué son rôle de gardien des principes et le recours au premier magistrat de France est aussi un gage de respect de l’Etat de droit. Tout le reste est pur fantasme. Bien que je méfie de Sarkozy...s’il pouvait...Mais bon : IL NE PEUT PAS ! C’est bien cela qu’il faut comprendre.

             


            • 5A3N5D 13 mars 2008 18:05

              Au poète,

              "Bref, une loi peut déroger à l’article 2 du code civil."

              Oui, mais pas à la constitution. D’ailleurs, personne ne peut changer cette constitution, sauf le PEUPLE. Dans le cas contraire, nous ne serions plus en démocratie.


            • Dolores 25 mars 2008 18:05

              On échappe très bien à la constitution : Il suffit de convoquer le Congres et "nos représentants" votent pour n’importe quoi, les doigts sur la couture du pantalon.

              Rappelez-vous la signature du Traité de Lisbonne dont 55% des citoyens ne voulaient pas en mai 2005.


            • MagicBuster 13 mars 2008 17:50

              Sarko a été mauvais comme ministre de l’intérieur, mauvais comme ministre des finances, mauvais comme maire, mauvais comme mari . . . Vous n’allez pas me dire qu’on a un président Nul quand même ?

               smiley  smiley



              • ASINUS 13 mars 2008 19:31

                s agissant d une democratie je m attends a ce que la couleur politique du president

                puisse ne pas me convenir il reste le President

                n ayant que les connaissances du citoyen lambda en matiere de loi je m attend

                a ce que le president a défaut d avoir mes idées defende la constitution , je ne remet donc pas en

                cause son droit a changer les lois mais le voir tenter de contourner l ultime barrage mis en place

                pour proteger le citoyen ,la collectivité ,le pays et sa constitution lui as fait perdre tout credit tout droit

                a mon respect ça n est plus, ça n est pas mon président en remettant en cause la legitimité du conseil

                constitutionnel il a perdu mon respect donc sa legitimité morale a défaut de la légale


                • adeline 13 mars 2008 20:13

                  Ns est un avocat : ok acceptont l’image

                  Il exercé : j’en doute

                  par contre sur l’affaire monsanto il a fait fort................ clamer haut et fort que le 810 est bloqué pour un an

                  demander une analyse qui ne viendra jamais

                  puis ouvrir grand les vannes à Monsanto

                  ouala


                  • foufouille foufouille 14 mars 2008 13:31

                    ca va etre comme le fichage ADN, etendu a tout sauf la finance et les politiques

                    bientot l’arracheur d’OGM servira d’esclave aux prisons bouyghe pour la vie


                    • petitcurieux 26 mars 2008 16:06

                      Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ...

                      http://filsdejuge.tripod.com

                      Etonnant, non ?

                      Et j’y suis allé : étonnant, le mot est faible ...
                       


                      • petitcurieux 26 mars 2008 16:10

                        Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ...
                        http://filsdejuge.tripod.com

                        Etonnant, non ?

                        Et j’y suis allé : étonnant, le mot est faible ...
                         

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