Revalorisation du Parlement : entre avancées et fausses bonnes mesures
Depuis 1962, aucune révision d’ampleur de notre loi fondamentale n’a été engagée, alors même que le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont été les vecteurs de mutations substantielles de l’esprit et de la pratique institutionnels. Entre 2002 et 2007, le président de la République a fait le choix de ne pas prendre en compte le basculement du régime hybride de la Ve République vers plus de présidentialisation. Le remaniement de nos institutions doit aujourd’hui mettre en accord la lettre avec l’esprit et la pratique avec les exigences démocratiques du XXIe siècle.
Assurément, le débat sur la réforme des institutions n’est pas celui qui intéresse le plus les citoyens. Les Français la perçoivent comme une donnée lointaine, technique, voire technocratique. Pourtant, c’est bien de notre Constitution que découle l’agencement institutionnel qui conditionne lui-même l’organisation politique de la France.
Le rééquilibrage du régime de la Ve République par la revalorisation du Parlement s’est imposé comme un leitmotiv de la réflexion sur la réforme et la modernisation des institutions conduite par le comité Balladur.
La plus grande maîtrise dans la fixation de l’ordre du jour, la limitation de l’article 49-3 aux projets de loi de finance et de financement de la Sécurité sociale, le renforcement des missions de contrôle et d’évaluation ou bien encore la faculté d’adopter des résolutions en matière de politique étrangère, sont autant de pistes qui vont dans le bon sens.
Je voudrais revenir ici sur 3 des 77 propositions déposées sur le bureau de l’Elysée.
1. L’introduction d’une dose de proportionnelle
L’introduction d’une dose de proportionnelle soulève une levée de boucliers du côté de la majorité. Résumer le débat sur les modes de scrutin au scrutin majoritaire d’un côté et à la représentation proportionnelle de l’autre est une erreur politique. Par manque d’audace le comité Balladur se contente de proposer l’introduction d’une dose de proportionnelle à hauteur de 5%. Un coup d’épée dans l’eau qui handicape la revalorisation du Parlement de l’un de des axes majeurs. La mise en place d’une Assemblée nationale pluraliste attendra.
Pendant les campagnes présidentielle et législative, Génération écologie a proposé la mise en place d’un scrutin mixte inspiré du modèle allemand, combinant représentation proportionnelle et scrutin majoritaire tempéré par un seuil d’éligibilité de 5%, afin d’assurer une meilleure représentativité du Parlement tout en garantissant une nécessaire stabilité gouvernementale.
2. Scrutins présidentiel et législatif
Au rang des propositions, le comité Balladur suggère également d’organiser le premier tour des élections législatives le même jour que le second tour de l’élection présidentielle. Une mesure qui laisse interrogatif. Peut-on sérieusement revaloriser l’Assemblée nationale en banalisant l’élection de ses membres ?
La logique de l’inversion du calendrier électoral combinée au quinquennat et au suffrage universel a déjà pour effet de faire du scrutin présidentiel la mère des élections. Est-il logique de relayer l’élection législative à un niveau encore un peu plus subalterne ?
3. Nomination des « Sages »
Autre sujet de polémique : l’encadrement du pouvoir de nomination de l’exécutif, et notamment des membres du Conseil constitutionnel. Le comité Balladur propose ainsi que les hauts postes de la République soient pourvus après un processus de nomination complexe associant l’exécutif et le législatif. L’hypothèse a été balayée du revers de la main par Dominique de Villepin qui l’a qualifiée d’ « ineptie ».
Il faut selon moi avoir une appréciation plus nuancée que celle de M. de Villepin.
Attention, en effet, à ne pas dépolitiser d’un côté pour repolitiser à outrance de l’autre. Certains plaident pour que les membres du Conseil constitutionnel soient élus à la proportionnelle ou à la majorité qualifiée par les assemblées. Dans un tel schéma, la désignation des « Sages » serait inévitablement soumise à des tractations partisanes - hypothèse à mon sens périlleuse -, sous couvert d’assurer un pluralisme politique qu’il conviendrait plutôt d’assurer au sein même des assemblées via l’instauration d’une version amendée de représentation proportionnelle. D’ailleurs, le président de la République et les présidents de chacune des assemblées n’ont pas péché dans la nomination des membres du Conseil. Suite au dernier renouvellement en février, l’enceinte de la rue de Montpensier a ainsi vu s’installer entre ses murs deux éminents juristes (Renaud Denoix de Saint-Marc et Guy Canivet) et un ancien président du Perchoir, Jean Louis Debré, reconnu pour ses compétences en matière de droit constitutionnel.
A l’opposé, une solution intermédiaire s’inspirant des « hearings » américains, à savoir que la nomination des membres du Conseil reste de la compétence du président de la République et des présidents des deux chambres mais après sollicitation de l’approbation du Parlement, ou au moins de l’une des deux chambres (ce qui pourrait être une piste de réforme pour le Sénat...), est une mesure intéressante dans une vision plus globale de revalorisation du rôle du Parlement.
Crédit photo : Assemblée nationale
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