Aujourd’hui plus que jamais, tandis que les idéologies d’antan s’effritent avec la « peoplisation » des hommes politiques et la dictature de l’Europe libérale, il importe, dans l’optique des futures échéances électorales, de dresser un tableau des tendances actuelles des différents partis politiques. Le flou et l’ambiguité caractéristiques de l’époque, notamment en ce qui concerne les divergences entre la droite et la gauche, rendent une mise au point nécessaire, qui prendra certes du temps, mais qui s’avérera très utile au moment où les Français devront choisir leur projet de société.
Pour ce premier article, nous nous intéresserons à la situation actuelle de la droite.
Nicolas Sarkozy et la droite libérale
Le mouvement de droite majoritaire est sans aucun doute celui que personnifie le président de la République Nicolas Sarkozy. Mais qu’est-ce que le sarkozysme ? Le parti dont il est issu, l’Union pour un Mouvement Populaire, se veut à la fois représentatif des gaullistes, des libéraux et des démocrates chrétiens, et reconnaît son affiliation au Parti Popuaire Européen, qui regroupe tous les grands partis de droite d’Europe (le Peuple de la liberté de Berlusconi, l’Union chrétienne-démocrate de Merkel...). Toutefois, dans la réalité, l’héritage purement gaulliste est souvent mis en parenthèses, notamment du fait d’un atlantisme patent, de la proximité avec les patrons plutôt qu’avec les salariés, en raison aussi de l’acceptation totale du libéralisme économique. Ainsi, Nicolas Sarkozy se distingue plus par son libéralisme que par ses héritages historiques supposés (il a de la sorte condamné le véritable parti libéral, Alternatives Libérales, à un score de moins de 1 % aux élections européennes de juin 2009) ; on lui trouve à la fois des inspirations légitimistes (mise en avant de la religion...), orlénistes (proximité avec la bourgeoisie d’affaires...), mais surtout des traits bonapartistes (stratégie d’occupation de l’espace médiatique, volonté de puissance inassouvie, appui sur une garde rapprochée -Hortefeux, Estrosi, Lellouche, Lefebvre- qui rappelle les hommes forts de Napoléon III : Billault, Morny, Walewski...). Pour résumer, le sarkozysme semble être un vaste amalgame des diverses tendances de droite, un "patchwork" idéologique qui explique sa force dans les urnes : personne n’y adhère complètement, mais tout le monde semble un peu s’y retrouver...
Les autres tendances
a/ la droite qui s’assume en tant que telle
La droite nationale d’influence légitimiste
C’est l’extrême droite traditionnelle qui correspond le mieux à cette sensibilité. Dominée depuis les années 1960 par la personnalité de Jean-Marie Le Pen, président du Front National, souvent taxée de racisme et de nostalgie pour le régime de Vichy, elle défend le patrimoine de la France et les Français en promouvant la préférence nationale, la limitation de l’immigration ou encore la souveraineté nationale vis-à-vis de l’Union européenne et des Etats-Unis. Se présentant comme le parti des "petits" contre la bourgeoisie d’affaires, le Front National rejoint partiellement le Parti Communiste, mais s’avère contradictoire au niveau idéologique en défendant la baisse des impôts et ainsi l’affaiblissement de l’Etat français, pourtant pilier de la nation à l’époque de la mondialisation. C’est sans doute cette prise de position démagogique, destinée à séduire l’électorat anticommuniste, qui explique que la doctrine frontiste n’ait jamais véritablement franchi les lignes politiques et soit resté un parti clairement ancré à droite dans l’imaginaire collectif.
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La droite nationale et gaulliste
Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, est aujourd’hui considéré comme le flotteur droit du président de la République. Se retrouvant en réalité sur de nombreux points avec Nicolas Sarkozy (notamment sur la question économique, où il soutient le libéralisme), il est en revanche surtout connu pour sa défense de la "vieille France" (il est lui-même vicomte) et particulièrement de la France rurale (il est élu local, président du Conseil général de Vendée), ce qui explique largement son alliance avec Frédéric Nihous, président de Chasse, Pêche, Nature et Traditions au sein du mouvement Libertas pour les élections européennes de juin 2009. Il souligne ainsi le rôle de l’autorité, de la famille, mais aussi la fierté d’être français (son rejet de "l’islamisation de la France" a été le point fort de son programme lors des présidentielles de 2007).
La droite gaulliste
Debout La République, le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne, est le véritable parti héritier du gaullisme. Dans la droite filiation du général de Gaulle, Dupont-Aignan se veut le représentant de la souveraineté nationale (contre l’OTAN et l’Europe supranationale), de l’identité française (opposition au port de la burqa...), de l’union nationale en voulant "redonner aux Français le goût de vivre ensemble" et en défendant les services publics, notamment l’hôpital. Au niveau économique, Nicolas Dupont-Aignan souhaite mettre en place la "troisième voie" dont de Gaulle avait parlé (une association capital-travail) ; ainsi, il refuse "le libre échange déloyal qui entraîne les délocalisations et la baisse des salaires" en proposant par exemple "l’obligation pour les entreprises de réserver 15% de leur capital à leurs salariés".
Cette doctrine originale rejoint ce qu’il est convenu d’appeler le gaullisme social, une certaine conception de la politique dans laquelle Dominique de Villepin pourrait se reconnaître. Comme le soulignait le site Mediapart le 2 août, les deux homme s’entendraient très bien, et discuteraient actuellement d’une alliance en vue des régionales de 2010 avec... François Bayrou. Il est d’ailleurs temps de passer à la droite qui prétend ne pas l’être.
b/ La droite qui ne s’assume pas en tant que telle
La droite humaniste
Le courant humaniste, catholico-compatible, de François Bayrou (MoDem), continuation du parti de centre droit, le Mouvement Républicain Populaire issu de la Résistance, est clairement identifié à droite. D’inspiration quasiment messianique, il met certes en avant les "petites gens" et les campagnes (il jouit d’une grande sympathie chez les agriculteurs), ce qui pourrait le rapprocher du populisme de gauche, mais son affiliation au Parti Libéral Européen ne laisse guère de doutes sur ses motivations réelles, d’autant plus qu’entre 2002 et 2007, il a la plupart du temps voté à l’Assemblée nationale avec la majorité présidentielle de droite. Avançant toutefois comme principal argument pour son antisarkozysme le fait qu’il ne considère pas l’argent comme la valeur suprême, il apparaît plus proche du peuple, plus humain, si ce n’est que sa culture classique en fait plus un patricien qu’un plébéien...
La droite socialiste
L’oxymore utilisé comme appellation de la dernière catégorie pourrait faire sourire ; elle est bien plutôt le signe d’une perte de sens idéologique. L’aile droite du Parti Socialiste (Strauss-Kahn, Valls...) appartient sans le moindre doute à ce qu’il est convenu de rattacher à la tradition de droite.
Dominique Strauss-Kahn se distingue ainsi par son acceptation du libéralisme économique (en tant que ministre de l’économie sous le gouvernement Jospin, il a privatisé de nombreuses entreprises d’Etat) et de la mondialisation. Le plus social-démocrate des socialistes, aujourd’hui directeur du Fonds Monétaire National, organisme qui conditionne son aide aux pays les plus pauvres au passage à une économie extravertie, apparaît même comme le complice de la politique actuelle menée par son bienfaiteur Nicolas Sarkozy, qui a proposé sa candidature au FMI...
Manuel Valls, qui veut « aider à concilier la gauche avec la pensée libérale » (Libération du 24 avril 2009), se veut également le défenseur de la sécurité et de l’union nationale, dans un amalgame entre un certain conservatisme identitaire et l’insistance sur le droit aux différences et le règne de l’individu, typique du Parti Socialiste et de l’idéologie droit-de-l’hommiste.
En conclusion, on peut se demander si la force de la droite en France, et sa faiblesse, ne résident pas dans la personnalisation à outrance de ses responsables. Entre Jean-Marie Le Pen et Dominique de Villepin, en passant par le président de la République, Nicolas Sarkozy, c’est d’abord grâce au talent d’un homme que les partis de droite sont si populaires, mais aussi parfois si décriés (Le Pen accusé d’être fasciste, Sarkozy d’avoir des pulsions d’autoritarisme...).
Au contraire, la gauche française se caractérise par l’insipidité de ses dirigeants (Martine Aubry, Cécile Duflot, Marie-George Buffet ou Laurent Fabius n’ont rien de commun avec les grands rhéteurs de droite).
C’est sans doute que la volonté de puissance des hommes de droite, les ambitions personnelles de ces grands tribuns, sont plus motivantes que les projets de société défendus vaille que vaille, souvent médiocrement, par les dirigeants de gauche...
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