Sarkozy ou la rencontre d’un homme, d’un peuple et d’une époque
La victoire de Nicolas Sarkozy est logique. Qu’on l’approuve ou qu’on la déplore. Il incarne l’acceptation du libéralisme mais aussi cet attachement à l’« identité nationale », qui a séduit tant d’électeurs...
L’élection de Nicolas Sarkozy s’est jouée sur deux choses, selon moi :
1) Approuver le libéralisme
Les Français ont fait le choix du libéralisme. Plus de libéralisme. C’est une nouveauté. En 95, Chirac l’avait emporté avec un programme axé sur la "fracture sociale", Balladur et son option plus libérale avaient été rejetés. En 2002, c’est plus l’échec de Jospin que la victoire de Chirac qui a fait l’élection.
Cette
fois, le choix a penché nettement en faveur de mesures libérales :
réduire le nombre de fonctionnaires, flexibiliser le marché du travail,
s’attaquer à la Sécu, etc. La France veut jouer son rôle dans la mondialisation.
Les médias anglo-saxons (et les éditorialistes français qui copient ces derniers) vont jubiler. La France, vilain petit canard, rentre dans le rang. Mais est-il vrai que notre pays a besoin de plus de libéralisme ? Sans oublier que Sarkozy n’est pas un pur libéral. Il est étatiste quand il le faut. Maintenant, son objectif est d’être réélu. Alors...
2) Identité nationale
Le débat sur l’identité nationale a été le "grand moment"de l’élection (mieux vaut en rire). Il a marqué le point de bascule à partir duquel Sarkozy a créé la différence avec Ségolène Royal et François Bayrou. On peut qualifier ce débat de "délire collectif", comme il s’en produit dans les colonies de phoques ou les troupeaux de boeufs. Et chez les peuples civilisés...
En
effet, les Français ont adhéré à cette exaltation douteuse de
patriotisme flirtant avec le nationalisme. Ils ont approuvé la création
d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, visant à
juguler les flux migratoires. Ils ont aussi dit oui à une politique
sécuritaire. Les électeurs du Front national se sont reconnus dans ce message, mais ils ne sont pas les seuls.
En apparence il y a une contradiction entre les deux points que je viens d’exposer : approbation du libéralisme et identité nationale. En apparence, seulement. En réalité, la mondialisation, on s’en aperçoit, exacerbe les nationalisme, par réaction. La nation (ou l’identité religieuse) devient un recours, un repère. Sinon, comment expliquer ces montées de nationalismes observées un peu partout en Europe ? Comment expliquer le bushisme, qui comporte aussi une part de patriotisme et de religiosité exacerbés ?
Enfin, j’ajouterai trois remarques pour finir :
- le rôle des médias
Les médias ont fait l’élection. Sans finesse, en martelant les arguments d’un candidat, en démultipliant son image, en dénigrant les autres candidats. Nicolas Sarkozy a bénéficié d’un soutien des grands médias inédit en France. Il serait temps de repenser le rôle de la presse et de l’audiovisuel dans notre pays. Mais, avec Nicolas Sarkozy au pouvoir, on imagine bien que ce ne sera pas possible. Comme le dit son slogan : "Ensemble, tout est pas possible, sauf..." (oui, il fallait le lire jusqu’à la fin)...
Internet n’a pas joué le rôle escompté. Les blogs ont beaucoup chauffé pendant six mois. Mais pour quel résultat ?
- le "religieux"
Le sarkozysme est un culte du chef. Ca aussi c’est nouveau en France. Nous étions restés avec l’idée que les Français sont des rebelles, des râleurs, des indomptables. Nous les découvrons capables d’aduler un personnage qui met en scène son propre pouvoir. Etrange. Inquiétant.
Le général de Gaulle était admiré car c’était un héros de la Résistance. Nicolas Sarkozy est admiré parce qu’il est Nicolas Sarkozy. Troublant. Chacun de ses meetings se transforme en grand-messe où on finit en transe. On l’a comparé à un télé-évangéliste. Certains se sont étonnés qu’il reçoive, il y a quelques mois au ministère de l’Economie, Tom Cruise, l’acteur américain représentant de l’église de scientologie. Enfin, ses discours font lourdement allusion à la religion.
Bref, le sarkozysme est-il une soupe new age facile à digérer ou une thérapie de groupe qui a mal tourné ? Ni l’un ni l’autre à mon avis. C’est tout juste une illusion qui se dissipera dans quelques mois quand ceux qui ont "cru" en Nicolas Sarkozy se retrouveront "cocus"...
- le marketing politique
Nicolas
Sarkozy a proposé aux électeurs ce qu’ils souhaitaient entendre.
Ségolène Royal, adepte elle aussi du marketing, a suivi la voie de
l’antimarketing (vidéo dans le style amateur, affiche bricolée, choix
de médias plus ou moins alternatifs, etc.) Marketing ou antimarketing,
ça revient au même : c’est le marketing qui a gagné. Et la démocratie
dans tout ça ?
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