Ségolène Goliath contre David-Xavier Weiss
Ségolène Royal, qui cherchait à se refaire une santé politique à coups d’invectives, dans la droite ligne de sa stratégie perdante de la présidentielle 2007, n’a pas rencontré l’armée en marche qu’elle espérait mobiliser contre elle : c’est un jeune secrétaire national de l’UMP de 29 ans, David-Xavier Weiss, qui tel David face à Goliath fut chargé d’organiser seul, de sa fronde plume virevoltante, la riposte.
"Nous avons décidé de céder à votre chantage immoral. [...] L’État, qui gère mal, a les caisses vides et rançonne la Région qui gère bien et qui n’a pas les caisses vides. [...] La bonne gestion de la Région démontre que le pays pourrait être géré autrement avec efficacité et justice."
Outre que celle qui se voulait chantre de la fraternité semble avoir fort peu de suite dans les idées lorsqu’il s’agit de solidarité interrégionale, cette autosatisfaction tranche avec la superficialité des arguments évoqués : parler de "chantage immoral" dans le cadre d’un cofinancement avec l’Etat d’une ligne de chemin de fer, comparer le budget de la République avec celui de la région Poitou-Charentes, et enfin se réclamer dans un sursaut ultime de la "justice", la seule, la vraie, la royaliste, voilà qui place le débat au niveau du respect que Ségolène Royal semble avoir pour ses électeurs - c’est à dire au ras des voies ferrées.
Car il va de soi qu’une telle missive n’était en rien destinée à François Fillon, pour l’heure en vacances en Toscane : c’est bien sûr par ricochet à la face des électeurs de gauche que Ségolène Royal comptait surgir, en se (re)positionnant par sa surenchère verbale en tant qu’opposante de choc à l’exécutif en place. Pour que son "coup" réussisse, deux conditions devaient être réunis : 1) Les électeurs socialistes potentiels devaient la suivre dans son argumentation exangue, et la juger pleine de panache, ce qui en dit long sur l’estime qu’elle leur porte ; 2) L’UMP devait mordre à l’hameçon, et par une salve sèche la consacrer en tant qu’adversaire redoutable.
S’il n’est pas encore envisageable de se prononcer sur la première condition, la seconde fut remplie, mais pas exactement ainsi que l’attendait Ségolène Royal. C’est en effet par le biais d’un jeune secrétaire national inconnu du grand public que l’UMP a décidé de répliquer : David-Xavier Weiss, 29 ans, titulaire d’un mastère de Sciences politiques, est en fait secrétaire national aux Transports dans le parti de la majorité. Il y a quelques mois il s’était déjà distingué en devenant le plus jeune chef de cabinet ministériel aux côtés de Roger Karoutchi, dont il était auparavant l’attaché parlementaire au Sénat, après un passage via le cabinet de Jean-François Copé. David-Xavier, qui a grandi à Pantin (Seine-Saint-Denis) est par ailleurs toujours conseiller municipal à la mairie de Levallois.
Dans son communiqué, David-Xavier Weiss "souhaite rappeler Ségolène Royal à la raison". Il "déplore le ton injurieux à l’égard du Premier ministre qu’a pris la présidente de la Région Poitou-Charentes". Mme Royal, qui était au gouvernement de Lionel Jospin, avait "eu bizarrement beaucoup plus de retenue lorsque ce gouvernement avait confisqué le Fonds d’Aménagement de la Région Ile-de-France." "Elle n’avait pas non plus réagi" lorsque le gouvernement Jospin "avait fait financer le TGV Est - desservant l’Est de la France - dans des proportions plus importantes par la Région Ile-de-France", gérée par "un exécutif de gauche". Il s’agit enfin selon lui d’un "prétexte [...] pour lancer sa campagne des Régionales et essayer de reprendre un certain leadership au sein même du PS".
Si l’argumentation (telle que la rapporte l’AFP du moins) manque encore un peu d’idée maîtresse, l’UMP atteint par cette contre-attaque un double objectif : d’une part, elle envoie au front médiatique la jeune garde du parti, et tout en l’aguerrissant, communique sur la place véritable faite aux jeunes en son sein - à l’opposé flagrant d’un PS où même les quadras sont baillonnés ; d’autre part, l’UMP montre ostensiblement que désormais, lorsque Ségolène Royal sort les griffes, ses attaques permettent à peine aux lionceaux de se faire les dents. Un camouflet de plus pour celle dont la pénitencite aigüe semble par contre guérie.
Il semble toutefois que Ségolène Royal ait un temps de retard sur l’actualité, même quand elle l’occupe : dans une réplique à David-Xavier Weiss qui se voulait une nouvelle fois cinglante, la voici qui dans la soirée du jeudi 6 août tente de botter en touche, en direction de la crise économique cette fois :
"L’UMP ferait mieux d’"appeler à la raison" les banquiers, qui, alors qu’ils ont reçu des fonds publics, viennent d’annoncer des versements de bonus scandaleux aux traders. Ce qui est à comparer avec le sort injuste réservé aux ouvriers de Fabris concernant la prime de départ qu’ils demandaient pour leur dignité suite à la liquidation de leur entreprise."
Banquiers, fonds publics, bonus, Fabris : tous les mots-clés sont là, pêle-mêle et sans cohérence de comparaison une fois de plus - mais Ségolène Royal aura scrupuleusement obéi à ses conseillers en communication qui lui suggéraient de tous les caser dans un communiqué. Manque de chance, entre temps le gouvernement incriminé avait déjà convoqué pour le lendemain les responsables des banques concernées.
Christophe Barbier, directeur de L’Express, aime à citer cette phrase imagée de Jacques Chirac relative à l’acharnement des circonstances : "Les m... volent en escadrille". Ségolène Royal, aujourd’hui, se serait crue au Bourget.
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