Ségolène Royal donne le tempo

Que ce soit dans son discours d’ouverture de l’université d’été de La Rochelle ou dans son intervention sur France2, Ségolène Royal a montré une fois de plus qu’elle entendait donner le tempo à gauche.
L’ancienne candidate socialiste aux présidentielles a bien compris la nécessité de cliver le débat politique afin que le Parti socialiste sorte rapidement de sa torpeur estivale.
La présidente de la région Poitou Charentes a donc intérêt à marquer sa différence pour s’extirper du marigot informe des prétendants à l’investiture socialiste où chacun s’observe, échafaude sa stratégie et prépare « la » petite phrase assassine sur ses camarades.
Et cela a de quoi agacer la direction actuelle du PS : impossible en effet de désavouer publiquement les propos extrêmement sévères de Royal sur Sarkozy sans donner aux Français l’image d’un appareil socialiste indécis et totalement paralysé dans l’attente des prochaines primaires ; impossible également d’attaquer publiquement le « discours d’unitude » de Royal sans donner l’image d’un parti politique complètement divisé par les ambitions personnelles.
Dès lors, on s’appelle par son prénom (« chère Ségolène », « chère Martine », « cher Laurent », « oh mais ce cher Bertrand ! », « comme le disait Dominique lorsqu’il était parmi nous », etc.).
On use et abuse de ce tutoiement de pure forme qui souligne une fausse entente cordiale.
Ségolène Royal connaît parfaitement les usages de sa famille politique et sait qu’elle ne peut se permettre d’avoir immédiatement une partie de l’appareil liguée contre elle.
Les blessures de 2006 et 2007 ne sont pas non plus oubliées. Il en est de même des procès d’intention qui lui ont été faits par quelques « chics types ».
Comment d’ailleurs pourrait-elle oublier les méthodes qui ont été utilisées contre elle, à droite, à gauche et dans les grands médias ?
Donc Ségolène Royal temporise. Elle donne des gages de loyauté. Elle appelle à l’unité du PS. Elle laisse même entendre qu’elle pourrait éventuellement s’effacer si un de ses petits camarades était mieux placé.
Mais, dans le même temps, elle a un discours offensif et cinglant à l’encontre de la majorité actuelle, du gouvernement et du président de la République.
Elle cultive habilement sa différence. Toutes ses prises de position sont en réalité des signaux envoyés à l’opinion.
Elle s’est même payée le luxe de se rendre à la télévision le même jour que Martine Aubry où elle a notamment réaffirmé ses positions sur la sécurité et l’encadrement militaire des jeunes délinquants qui crispe toujours une partie de l’appareil socialiste.
La première secrétaire n’a pu alors qu’encaisser, le sourire hypocrite aux lèvres, consciente de son autorité toute relative depuis sa victoire douteuse le 20 novembre 2008.
Sauf coup de théâtre, Ségolène Royal sera donc bien candidate à l’investiture socialiste.
Et la droite dans tout cela ?
Elle demeure curieusement silencieuse.
Les propos de Ségolène Royal ne semblent pas avoir déclenché les vociférations de Frédéric Lefebvre ou les persiflages de Dominique Paillé.
Tout paraît indiquer que la majorité actuelle n’entend pas réagir immédiatement aux déclarations de la leader socialiste, comme s’il s’agissait implicitement de lui dénier toute existence et d’accréditer l’idée qu’elle ne représente pas un danger pour Nicolas Sarkozy.
L’UMP préfère sans doute que l’opposition se berce d’illusions en attendant la candidature improbable de Dominique Strauss-Kahn.
C’est dans une certaine mesure la stratégie observée par les médias.
A leur sujet, j’observais en mai dernier :
« Passer sous silence le nom de quelqu’un n’est pas un acte anodin. C’est lui dénier toute existence.
Dans le cas précis de Ségolène Royal, c’est préparer l’opinion publique à considérer que les jeux sont déjà faits.
Les médias glosent donc sur la présence d’un absent de la scène politique française : Dominique Strauss-Kahn.
Ils postulent l’absence d’une personnalité qui y est pourtant bel et bien présente : Ségolène Royal.
Dès lors, lequel des deux est réellement le plus dangereux pour Nicolas Sarkozy en 2012 ? Celui que l’on attend mais dont on ignore s’il viendra ? Ou celle dont on ne veut pas mais qui sera pourtant là ? »
Et puis, se poserait-on aujourd’hui la question du leadership socialiste si Laurent Fabius ou Dominique Strauss-Kahn avait récolté 17 millions de voix aux dernières élections présidentielles ?
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