Sexe, politique et féminité
Jamais les chances d’avoir une femme qui dirige la France n’ont été aussi grandes. Mais une femme dirige-t-elle autrement ? Que dit la science à ce sujet ? Le pouvoir a-t-il un sexe ? Les femmes qui gouvernent sont-elles encore des porteuses des valeurs féminines que notre culture sous-entend ?
Les femmes sont-elles des politiques comme les autres ? Nos sociétés occidentales se féminisent par le haut aussi, puisque, même si la parité demeure lointaine, d’année en année cela glisse et bouge. Et dans le désordre les symboles que sont, furent et seront Mmes Clinton (USA), Royal (France), Bachelet (Chili), Thatcher (G-B), Gandhi (Inde), Meier (Israel), Merkel (Allemagne), Johnson-Sirleaf (Liberia) Tarja Halonene (Finlande), Buttho (Pakistan), et déjà, Catherine de Russie, Elisabeth, Marie de Médicis, Anne de Bretagne (bon je passe les autres... pardon) ont coup après coup affaibli la certitude multimillénaire du mâle politique dominant. Dans certains coins, comme les salaires, la culture, la haute finance il résiste, l’homme, mais de plus en plus mal (je ne parle que des sociétés occidentales, on souligne). Mais une fois ce monde "plus juste" advenu (ce dont je doute, au final, à la manière de l’anthropologue Françoise Héritier), la question demeurera : le pouvoir a-t-il un sexe ? En d’autres termes : les filles exercent-elles une autre forme de pouvoir que les garçons ?
Je fus édifié, il y a quelques semaines (11 janvier), par la lecture du dossier de Courrier International sur le sujet : "Les femmes meilleures (chefs politiques) que les hommes ?". Le dossier était excellent. Mais des lignes de divers articles transpirait un ramassis d’inepties sexistes, féministes, machistes, de clichés de tous poils et de tous sexes. L’effroi m’a saisi car je pensais que nous n’en étions plus là. La société postmoderne avait donc si peu avancé depuis les suffragettes ? Depuis Simone (de Beauvoir) ? Heureusement, il y avait (dans ce dossier) deux ou trois points de vue qui parvenaient à s’affranchir des a priori, du passé, de la rancoeur. Et qui traitaient la question comme un sujet et non comme de la braise ardente, au tisonnier du politiquement correct.
Surtout il y avait le "non" éclairant d’Edurne Uriarte (prof de sciences politiques à l’université Roi Juan Carlos de Madrid). Sa conclusion (après un long et pertinent développement) est la suivante : "Je prévois que le monde des présidentes sera aussi agressif, que celui de leurs homologues masculins et que dans des circonstances similaires, elles lanceront le même nombre de missiles et déclareront les mêmes guerres. Parce que désormais, elles commandent dans le monde, pas à la maison, et que ce sont deux choses complètement différentes". Cela va mieux en le disant. Les hommes savaient, par exemple, que pour devenir chef et durer, il fallait être dur et commencer par écarter ou éliminer certains de ceux qui vous avaient porté au pouvoir. Pas les femmes ?
Que nous dit la science à ce sujet ? Le cerveau des femmes est-il différent de celui des hommes ?
Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys ont publié en 2005 un très utile livre de synthèse qui aborde (notamment) le sujet : Cerveau, sexe et pouvoir. (avant-propos de Maurice Godelier. Éditions Belin, collection Regards, 2005, 112 p., 16 euros). Elles montrent que les cerveaux des hommes et des femmes ne sont pas différents. Et que les femmes, placées dans les mêmes situations culturelles et contraintes que les hommes (le pouvoir) oeuvreront de la même manière.
Un avis partagé par Françoise Héritier, qui a observé le rôle des femmes dans quantité de sociétés à travers le monde et conclut que les hommes ont besoin de contrôler le corps des femmes car ils dépendent d’elles pour mettre au jour leurs descendance.
La sexualité, hors de sa mécanique et de sa "plomberie" biologique est un fait culturel. C’est la pensée humaine qui a construit les systèmes et les pratiques instaurant la primauté des hommes sur les femmes. Et celà dès le plus jeune âge, en désignant la "fille" dans la fratrie, de manière peu symétrique.Les différences entre les femmes et les hommes, et implicitement leurs valeurs ou leurs stratégies sociales, sont façonnées par nos systèmes culturels. N’étant pas "innées", elles sont sujettes à démolition, comme par exemple lors des batailles et des traversées délicates qu’impose toute longue marche vers le pouvoir.
(Pour en savoir plus, et voir une fiche de lecture de ce livre, avec des détails sur le cerveau,, voir mon blog : lanoy.com)
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