SOS Hollande !
Après les évènements de Toulouse et de Montauban, il faut bien se rendre à l’évidence. C’est une nouvelle campagne électorale qui se déroule désormais en France. Une drôle de campagne, du reste, puisque toutes les cartes semblent aujourd'hui rebattues, au grand dam du camp Hollande qui accuse un inquiétant passage à vide. L’homme est manifestement exténué par plus d'un an de campagne, si on inclut les interminables mois de lutte politique interne dans le cadre des « primaires citoyennes". Il doit observer avec résignation l'érosion continue du socle électoral sur lequel reposaient les espoirs de tout un peuple, le peuple de gauche", dont toute une jeunesse n'ayant jamais connu d’autre Président que des Présidents de droite.

On doit pourtant rappeler qu'il y a deux mois seulement, en janvier, tout avait l'air d'être plié. François Hollande caracolait en tête des sondages au premier comme au second tour. Le « candidat sortant », personne n'en voulait au point qu'il a dû avouer son désarroi face à la perspective d'une défaite qui se traduirait par son retrait définitif de la vie politique. Aujourd'hui, on n'en est plus là et tous les analystes s'accordent à reconnaître que la campagne n'a pas encore dit son dernier mot. Face à l'effritement continu de l'électorat de François Hollande, le Président sortant est repassé en tête dans les projections du premier tour et resserre l'écart au second tour. Les électeurs se disent sûrement que même s’ils rejettent la « personnalité » de l’homme, Nicolas Sarkozy, ils ont besoin d’un « battant » à l’Elysée dont le profil ne semble pas être mieux incarné par aucun autre candidat que lui-même. En gros, les Français auraient du désamour pour la « personne » de Nicolas Sarkozy mais ne seraient pas prêts à se priver de l’« énergique chef d’Etat » qu’il est, surtout dans la tempête de la crise qui continue de secouer le pays.
La faute au candidat socialiste qui, dans le rôle du challenger, était censé mobiliser les foules pour venir à bout d’un règne de droite au bilan assez catastrophique. On n’attend pas de Nicolas Sarkozy, accablé par le désamour des Français et le sentiment de déception tout à fait mérité au vu de ses promesses de 2007, qu’il draine des foules. C’est à ses challengers, François Hollande en particulier, que revient le rôle, qu’il a d’ailleurs promis d’assumer, de « ré-enchanter le rêve français ». Seulement voilà ! Ça ne marche pas, ça ne prend pas, la campagne et mièvre, molle, raplapla… Elle est tellement dépourvue d’intérêt, aux yeux de 65 % des Français, qu’on essaie de remplir le vide avec tout et n’importe quoi. Ainsi la semaine dernière, en pleine campagne électorale, les médias nous ont occupés deux jours durant avec un sujet aussi dérisoire que surréaliste. Il fallait papoter sur les pratiques sexuelles des Français selon qu’ils seraient électeurs de droite, de gauche ou des extrêmes. Avec des détails intimes assez sordides mais qu’on s’est employé à commenter y compris aux heures de grande écoute. Où sont passés les politiques ?
Et que dire de l’affaire Merah qui aurait pu être réglée en un quart d’heure d’assaut à coup de grenades lacrymogènes mais qui depuis, devient un interminable feuilleton que le « candidat sortant » ne se prive pas d’alimenter avec des opérations spectacles. Des arrestations médiatisées, peu importe l’innocence des malheureux, comme le pauvre Fouad de Toulouse, qu’on relâche hors caméras, l’essentiel étant d’inonder le journal de 20 heures avec un flot d’images angoissantes destinées à mobiliser un certain électorat. La manœuvre cousue de fil blanc suit son cours sous la barbe d’une gauche amorphe qui voit jour après jour le thème de la sécurité, qui est pourtant le cadet des préoccupations des Français, loin derrière le pouvoir d’achat et le chômage, passer en tête des éditoriaux.
L’attitude du candidat socialiste y est pour beaucoup. Il s’est littéralement « rangé » derrière Nicolas Sarkozy à Montauban et prêté le flanc à la critique récurrente de la gauche accusée de vacuité chronique sur le thème de la sécurité. En tout cas, non seulement la gauche est restée inaudible pendant que Nicolas Sarkozy égrenait des mesures inapplicables comme la promesse de répression contre les internautes fréquentant les sites islamistes ; mais surtout elle laisse le feuilleton se poursuivre alors que des thématiques en lien direct avec les préoccupations des Français ne manquent pas. C’est le cas de la pauvreté. La semaine dernière, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion a publié un rapport particulièrement alarmant sur l’état de la pauvreté en France où plus de 13% de la population seraient en situation de pauvreté « en conditions de vie ». Le candidat socialiste et son équipe de campagne sont restés désespérément sans réaction alors que la perche leur était magnifiquement tendue pour qu’ils puissent reprendre la main et passer le thème de la sécurité au second plan.
Pas étonnant que dans un tel désert politique, près de sept français sur dix remplissent les rangs hétéroclites de la « fronde silencieuse », selon les estimations. En effet, en ajoutant aux 30% d’abstentionnistes le vote des deux extrêmes, estimé à plus de 30%, et celui de François Bayrou, d’environ 10%, sans oublier les non inscrits volontaires estimés à 8% du corps électoral, on réalise à quel point notre démocratie est profondément malade. Quelle est la légitimité populaire d’un candidat qui, à 26% au premier tour, n’aura ainsi réussi à attirer sur son nom qu’un électeur sur quatre, le second tour n’étant pas, par principe, un vote d’adhésion ?
En tout cas, François Hollande a perdu la bataille de la mobilisation des masses, que Jean-Luc Mélenchon semble pourtant mener avec succès, pour dire que les Français sont tout à fait « mobilisables », à condition de leur parler de leurs préoccupations. Autrement, on s’achemine vers une quatrième défaite d’affilée pour la gauche à l’élection présidentielle. M. Hollande pourrait la payer en victime expiatoire d’un peuple de gauche qui ne pourra pas se relever des quatre revers successifs à la présidentielle. Tout cela pourrait finir en l’effondrement du PS et la recomposition de la gauche autour d’un nouveau leadership. Le Front de Gauche a le vent en poupe et n’attend que la décomposition du PS pour s’ériger en pôle de référence de la gauche française.
Un scenario paradoxalement rêvé par la droite que seul le Parti Socialiste inquiétait à gauche. En tout cas le Figaro a donné le ton en consacrant des pages entières à Jean-Luc Mélenchon. Nicolas Sarkozy, avec toute l’habilité qu’on lui reconnaît, n’hésitera pas à verser dans la surenchère des discours encrés à gauche, y compris pour annoncer des promesses complètement loufoques, comme l’imposition différentielle sur les revenus des Français installés à l’étranger. Ce à quoi le député européen ne manquera pas de répliquer avec toute sa verve oratoire. Les deux tribuns pourraient rapidement monopoliser le débat politique.
Et François Hollande dans tout ça ?
Boniface MUSAVULI
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