Sus au paiement des heures sup !
Qu’on ne s’y trompe pas, sous couvert de démantèlement des 35 heures, c’est en fait la variabilité du salaire en fonction des heures de travail effectivement réalisées qui est visée.
La loi a ensuite admis la possibilité d’une mesure forfaitaire de leur temps de travail (soit en heures soit en jours) ce qui a conduit à les exclure tant de l’horaire collectif de travail que des durées maximales de travail.
Ce contrat au « forfait » s’est ainsi très rapidement imposé dans l’encadrement.
Il s’est ensuite diffusé dans les catégories salariales inférieures par l’article 95 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 « en faveur des petites et moyennes entreprises » devenu l’article L3121-51 du Code du travail libellé comme suit :
« … un accord d’entreprise ou d’établissement, conclu pour les cadres en application de l’article L3121-40, peut préciser que les conventions de forfait en heures sur l’année sont applicables aux salariés itinérants non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
Si l’article L3121-42 alinéa 2 précise que l’employeur doit cependant comptabiliser les heures accomplies par chaque salarié, la réalité est tout autre et les salariés qui ont en principe le droit d’obtenir une revalorisation du salaire afférent à leur temps de travail forfaitaire si celui-ci est mal établi se retrouvent devant deux difficultés :
- d’une part, une présomption d’« incompétence » s’ils ne parviennent pas à faire le travail prescrit dans le nombre d’heures prévues au contrat,
- d’autre part, de réelles difficultés à démontrer qu’ils ont effectivement réalisé ces heures surtout quand ils ont une autonomie d’organisation de leur travail, les heures supplémentaires devant être acceptées ou connues de l’employeur, ou corroborées par des témoignages de tiers.
L’intérêt du dispositif n’a pas échappé aux entreprises qui n’ont cessé de l’étendre à un nombre de plus en plus important de salariés occasionnant au passage un abondant contentieux.
Le paiement des heures supplémentaires fait partie des demandes les plus fréquentes aux prud’hommes y compris chez les cadres ou assimilés : le site « légifrance » comporte 4147 occurrences sous cette rubrique.
Un sondage du site « prud’hommes » souligne que nombre d’heures supplémentaires sont dissimulées.
Vos heures sup sont-elles déclarées, récupérées en jour de repos ou dissimulées ?
982 réponses.
[44,6 %] dissimulées
[30,3 %] récupérées
[25 %] déclarées
http://sondage.weborama.fr/fcgi-bin/webo_sondage_v2.fcgi?ID_SONDAGE=44083&TYPE=TOT&MODE=0
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les syndicats CGT et CFDT soient opposés au projet de loi du gouvernement dit « d’assouplissement des 35 heures », qui doit être présenté le 11 ou le 18 juin en conseil des ministres et qui prévoit en réalité :
- de dépasser le contingent conventionnel d’heures supplémentaires par accord majoritaire ;
- d’autoriser les entreprises à négocier les repos compensateurs et les forfaits jours ;
- et à assouplir la modulation annuelle du temps de travail.
Nous n’avions qu’environ 25 % des heures supplémentaires payées au mois le mois, désormais nous risquons via « l’assouplissement de la modulation annuelle du temps de travail » d’en avoir moins encore de payées et la santé du salarié ne peut qu’être mise à mal par la réduction des droits à repos compensateur.
Quand on sait que les conditions de travail limitent de sept années l’espérance de vie des plus mal lotis, voilà qui devrait rétablir le financement des retraites !
Par ailleurs, les heures complémentaires ayant le même régime d’exonération de charges patronales que les heures supplémentaires, on risque de voir se multiplier le nombre de contrats à temps partiel assortis d’heures complémentaires modulées de telle sorte qu’elle ne permettent jamais l’augmentation du temps de travail contractuel. Le dépassement du contingent d’heures supplémentaires et la modulation annuelle du temps de travail n’ont pas d’autres visées que de permettre la multiplication des contrats à temps partiel.
C’est donc un avenir de « travailleurs pauvres » via les temps partiels modulés et des retraites indigentes que nos gouvernants s’apprêtent à réserver à notre jeunesse.
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