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Un « Plan contre les violences »… mais pas toutes

Le 13 avril dernier, Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, a présenté le 3e Plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes (2011-2013). Ce Plan, porteur de projets et d’objectifs légitimes et généreux, déclinés en 81 « actions », devrait susciter la plus large adhésion. Pourtant, à y regarder de près, il comporte une ambiguïté majeure.

Outre qu’il implique plusieurs ministères, la nouveauté de ce Plan, qui fait comme les précédents  une grande part à la violence conjugale, est qu’il s’élargit à d’autres types de violences : violence au travail, viols-agressions sexuelles, mutilations sexuelles, mariages forcés, prostitution, polygamie. Et de ce fait son application, telle qu’inscrite dans l’intitulé, pose question : pourquoi la limiter à un seul sexe, ou plus simplement dit, la sexuer ? En effet, parmi toutes les violences envisagées, seule la polygamie semble représenter une « violence faite aux femmes », encore que toutes les femmes concernées ne la ressentent pas ainsi. Mais les autres ?

Concernant la violence conjugale, il a fallu en France attendre 2007 pour que la proportion d’hommes victimes soit évaluée. Mais désormais, les trois enquêtes Cadre de vie et sécurité de l’ONDRP interdisent d’en douter : cette violence fait bien des victimes masculines, et en g  rand nombre (78 000 en 2009, selon le dernier résultat obtenu). Une association vouée à leur cause s’est d’ailleurs créée : elle s’appelle clairement Sos Hommes battus, et ses animateurs peinent à satisfaire les demandes d’aide. Cela n’empêche pas le Plan de définir ainsi son axe VI : « Faciliter l’accueil et la prise en charge des femmes victimes de violence », et d’elles seules.

Concernant les violences au travail, le Plan évoque les harcèlements sexuel et moral. La première forme est incontestablement plutôt masculine, même si Sharon Stone en a brillamment interprété le versant féminin dans Basic instinct. Mais la seconde n’a pas de sexe : pour la pratiquer, pas besoin de carrure ni de muscles, juste une certaine aptitude à la perversité. Dès lors, rien ne justifie la restriction sexuée qui caractérise l’action 31 : « Lancer une étude sur les violences faites aux femmes au sein des trois fonctions publiques »

Même la radicale-féministe Clémentine Autain a confirmé la réalité du viol féminin sur des hommes, et a déclaré récemment : « Il faut encourager cette parole, qui n’est pas si facile » (Le Monde, 25 novembre 2010). Ces victimes masculines sont des hommes en situation d’infériorité (par exemple handicapés), et des hommes dominés dans leur couple. C’est un tabou, d’accord, mais n’est-ce justement le travail des institutions que d’aider à le lever ?

On ne comprend pas non plus l’absence d’évocation d’une forme de violence nouvelle mais déjà très répandue, qui est le sinistre pendant des précédentes : les fausses accusations de viol, d’agression sexuelle, de harcèlement sexuel. Celles-là, qui, même si elles ne se fondent sur aucune réalité, peuvent détruire leurs cibles dans leur réputation, leur travail, leur vie même. Pour une majorité écrasante, ce sont des hommes qu’elles visent.

 Dans sa logique unilatérale, le Plan n’envisage que les mutilations sexuelles féminines. Qui pourtant ignore la réalité et la pérennité des mutilations masculines ? Qui de même ignore, à propos de la prostitution qu’il existe des prostitués masculins, dont le sort n’est pas plus enviable que celui de leurs consœurs ? Pourquoi le Plan les ignore-il,  énonçant comme objectif : « Briser le tabou de la prostitution, violence faite aux femmes, auprès du grand public et à l’école » (p. 69) ?

Quant aux mariages forcés, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’ils font en général deux victimes de sexe différent : pour qu’il y ait mariage, il faut une jeune femme forcée, mais il faut aussi une jeune homme forcé.

Désexuer les plans anti-violence

Le Plan présente tous les caractères d’une discrimination fondée sur le sexe. Mais peut-être se prépare-t-il un autre Plan, consacré aux violences faites aux hommes, qui rétablira l’équilibre ? Non, il ne se prépare rien d’autre. Depuis vingt ans (le premier date de 1989), tous les plans anti-violences sont genrés,  et tous ambitionnent de prévenir exclusivement, avec des variations dans la formulation, les violences « faites aux femmes », ou « contre les femmes ». Ce qui était aussi   l’ambition exclusive de la « Grande cause nationale » 2010. Faut-il saisir la Halde ? Cela a été fait chaque fois, et chaque fois sa réponse a été : circulez, il n’y a pas de discrimination.

Le Plan d’autre part véhicule une idéologie sexiste. Car si toutes les violences se font au détriment des femmes, catégorie sexuée, qui en est responsable sinon l’autre catégorie sexuée, à savoir les hommes ? Voilà un bel exemple de dichotomie et de surgénéralisation, caractéristiques essentielles du sexisme.  

Cette énorme opération (31,6 M d’euros) se fait avec l’implication de cinq ministères (Solidarités, Intérieur, Justice, Logement, Travail). Et nous sommes en 2012, alors que les grandes luttes antisexistes ont commencé dans les années 70, et largement abouti depuis. Non, décidément, il y a erreur : il est temps de procéder à la désexuation des campagnes de luttes contre les violences.


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8 réactions à cet article    


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 18 avril 2011 11:13

    « Sharon Stone en a brillamment interprété le versant féminin dans Basic instinct ».
    Sûr ?

    N’est-ce pas plutôt Demi Moore dans « Harcèlement » ?

    • Patrick Guillot Patrick Guillot 19 avril 2011 07:06

      Oui, vous avez raison. Mes excuses.


    • jymb 18 avril 2011 14:12

      Bravo pour votre courageux article
      Sexisme ou racisme ne sont pas à sens unique

      Les violences faites aux hommes représentent l’inavouable absolu, bousculant les limites de la caricature, du ridicule ( le couple « à la Dubout » ) de la honte, du politiquement correct
       
      Quand à la prostitution ignorer les minets tarifés, les lieux de rencontre homos à péage, les gigolos, les taxis boys etc, est d’une rare stupidité et pour le coup une vrai discrimination. 


      • Hermes Hermes 18 avril 2011 14:46

        Bonjour,

         c’est effectivement des violences faites aux personnes, quelles que soient leurs caractéristiques, dont on devrait parler, puis pourquoi pas avoir des dossiers spécifiques à certains types de violences. En tout cas la violence faite aux femmes mérite d’être traitée avec soin car l’homme ayant souvent l’avantage de sa force physique dans un conflit avec une femme, les conséquences sont souvent plus graves pour une femme.

         Ceci étant précisé, c’est le fait que le conflit advienne qui doit être anticipé. La violence monte en général progressivement dans les écarts de comportement des deux protagonistes (paroles, attitudes) avant de s’afficher sous forme de conflit. Cette montée de la violence manifeste une souffrance et une non communication. La souffrance est-elle inévitable ? Je ne le crois pas. Mais l’époque nous abreuve de messages fatalistes : travailler plus pour gagner moins, les délocalisations inévitables, la compétition nécessaire, il va falloir se serrer la ceinture, la paix est impossible dans un monde terroriste, nous sommes envahis, etc...

         Choisir de sortir de cette ornière d’idélogie souffrante est une urgence.

         Apprenons à avoir l’humilité de reconnaître quand on souffre, à reconnaître ce qui nous permet d’être bien, en voyant comment cette sensation de souffrance est collée inutilement à l’idée de notre propre importance. C’est possible en revenant dans le présent, en stoppant notre cinéma, et en apprenant à distinguer nos vrais besoins des désirs illusoires.

        Bonne fin de journée.


        • dereck 19 avril 2011 13:24

          Ce plan genré n’est pas anodin il est réfléchi et ça connotation est clairement misandre.
          Cela fait depuis 30 ans que l’on sait qu’au minimum la moitié des victimes de violence conjugale sont masculine, Erin Pizzey la dit ouvertement elle c’est fait tapé sur les doigts.
          Et il y a une violence ou les hommes sont les principales victimes, les fausses accusations en tous genres (viols, pédophiles, maltraitance, violence etc etc ...) et comme par hasard les fausses accusations mènent très rarement à des sanctions.

          Il s’agit d’une guerre sexiste envers les hommes, le problème c’est que les misandres (très influente) voient à court/moyen terme, le retour de bâton sera à la hauteur de la manipulation perverse.
          Aux USA le vent est en train de tourner, les misandres sont démasquées, assurément qu’une page est en train de ce tourner.


          • nemotyrannus nemotyrannus 22 avril 2011 17:15

            On fait trop d’honneur à appeler les misandres « des féministes ».Elles (ils ?!) jouent facilement de ça,sur la confusion,profitant du Nom et des combats justes des vrais féministes pour faire passer leurs messages haineux comme si ils provenaient du même groupe .

            Je trouve qu’il est extrêmement important de faire la distinction entre les deux.

            Pourquoi ne voit-on jamais de manifestation pour contrer ce phénomène,pour l’étaler au grand jour,aussi ? Juste quelques rares blogs et deux trois saisines qui seront à peine lues et jetées illico poubelle.
            C’est pas eux,au gouvernement, qui changeront d’emblée les mentalités et les habitudes des gens (en tout cas,tant qu’il n’y a pas quelques sous à en tirer) ;C’est d’abord à partir d’un certain nombre donné de personnes qui réussiront à changer la mentalité de quelques députés/élus que ,ENSUITE ,le gouvernement devra prendre les mesures nécéssaires. Faut leur forcer un peu la main sinon ils bougeront pas d’eux même car c’est dangereux pour eux de pas être politiquement correct je me trompe ? 

            Tout ça pour dire que l’on n’est pas assez entendus et surtout pas assez vus,je veux pas faire le donneur de leçon mais c’est un peu ce que je ressens .

            Dereck,qu’entendez vous par « le vent est en train de tourner » ? 

            • Ceri Ceri 11 janvier 2013 21:07

              Affligeant !

              On part ici du présupposé qu’il n’y a pas (plus) d’inégalités entre hommes et femmes, que les hommes sont autant violentés que les femmes, qu’ils assument les mêmes taches domestiques, que les 95% de criminels sexuels masculins seraient un mythe... etc etc etc

              Je pourrais y passer la nuit.
              L’étape suivante c’est quoi ? Demander un droit de veto sur l’IVG de ces dames ? Imposer la contraception ou la refuser, avoir le droit de faire le tyran domestique sans risque de poursuites pénales ?


              • saipa 23 janvier 2013 19:13

                A Ceri : incroyable qu’il y ait encore des gens pour croire au mythe des 95% de crimes sexuels imputables aux hommes (on lit même par endroits que ce serait toutes violences confondues ! cf : http://violences.fr/ ). Du grand n’importe quoi et toutes les études sérieuses et documentées ont remis en question cette gigantesque caricature, sans conteste possible (comme celle des 300 000 québecoises battues par an a du être baissé de moitié suite à des études les plus officielles qui soit. Heureusement qu’il y a eu des gens pour avoir le courage de poser le problème, sinon on en serait encore aux 300 000... Attention, le féminisme devient le nouveau révisionnisme au présent ! Il est devenu d’usage courant pour ce dernier de manipuler les statistiques avec la complicité du gouvernement !).

                A part ça plutôt bon article, et je rajouterais qu’il faut bien distinguer deux problèmes :
                1/ La discussion sur les chiffres
                2/ La discussion sur les principes

                Il est clair que la manipulation des chiffres n’est plus à prouver, toutes les études sérieuses en attestent (par exemple comment transformer des sondages du type « qui est le plus victime de violences conjugales selon vous ? » en chiffres « objectifs » sur ces mêmes violences etc.).
                D’un autre côté il est très important de distinguer cette question d’une question de principe, à savoir l’égalité devant la Loi et la neutralité de la Loi par rapport aux question d’origine ou de sexe : ce qui est très grave, comme le note cet article est surtout de ce côté, car les manipulations statistiques sont souvent efficacement démontées, jusqu’à présent du moins. Quand on commence à toucher au principe d’égalité devant la Loi (une certaine violence contre une femme a plus d’importance juridiquement qu’une même violence contre un homme, et pourquoi pas un vol commis par un français « pas de souche » aurait plus d’importance qu’un vol « ordinaire » etc. etc.), et encore plus grave à jouer sur le sens même des mots (le terme « (violences) spécifique » est un terme strictement excluant, regardez dans le dictionnaire pour ceux qui auraient un doute à « spécifique », il signifie donc strictement qu’il n’y aurait pas DU TOUT de violence perpétrées contre les hommes (de type homme battus, harcèlement etc.), je ne comprends pas comment il se fait qu’il n’y a pas un mouvement de magistrats important pour contester une telle entorse au droit... C’est de la plus haute gravité et ça promet de n’être qu’un début à mon avis ! Et pas sûr que ça s’arrête aux questions de genres... L’inégalité devant la Loi c’est aussi Pétain, ne l’oublions pas (ainsi qu’une certaine imagerie de l’homme qui se devrait d’être en toute circonstance « doux et aimant », et de la femme forcément « innocence et pureté », « la terre (avatar de la »mère-patrie« ) ne ment pas » etc.). Comme le disait Arendt le totalitarisme commence à ce point où l’on commence à manipuler la langue elle-même...
                Le féminisme se transforme de plus en plus en machine de guerre contre les hommes, ne s’en cachant même plus parfois. Des « ultras » envisagent même d’éliminer la plupart des hommes de la terre et le fascisme se féminise lui aussi, devenant tout d’un coup par là-même plus « tolérable ». Le but (réactionnaire) du féminisme est de remettre le genre au centre de tout (au-delà même de « qui » il « défend »), ce qui n’a strictement rien de marxiste contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, ça a franchement bien plus à voir avec une logique sécuritaire (qui n’a jamais rien résolu). Personnellement je suis aussi contre le paritarisme qui participe de cette logique (et peu m’importe qu’on « avantage » les hommes avec de telles lois si ils se trouvaient dans certaines configurations moins bien représentés que les femmes, je suis tout simplement opposé à ce que le genre soit mis au premier plan, peu m’importe lequel, je trouve ça absurde. Je ne suis pas d’abord homme et ensuite enseignant, je suis d’abord enseignant et accessoirement un homme (socialement parlant). Rien n’empêche par contre des protestations, manifs, grêves etc. contre telle ou telle exclusion dans tel ou tel domaine s’il y a des raisons sérieuses, mais le « tout-juridique » lui entraîne une perversion de la Loi manifeste. Il est d’autant plus dangereux de se reposer sur des lois que cela entraîne une totale apathie et dépendance de la population à l’égard de l’appareil d’Etat, c’est aussi une façon d’enterrer le « mouvement social » (pour le peu qu’il existe)).

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