Une hyper-personnalisation néfaste au PS
A l’heure où le Parti socialiste semble reparti dans une course à la désignation, je vais essayer de développer ici en quoi l’échec de Ségolène Royal aux présidentielles est dû, à mon sens, autant à ce qu’elle a fait ou pas, réussi ou non, qu’en raison d’un fonctionnement politique dans lequel elle s’est engouffrée et qu’elle a fait marcher à l’excès : l’hyper-personnalisation.
On ne peut pas nier que l’engagement politique prend une dimension personnifiée qui est inévitable dans une certaine mesure. Tout d’abord on y met de soi, et ainsi chacun, au sein des fédérations, des conseils municipaux, etc. se choisit des domaines de travail en fonction de ses intérêts et/ou compétences. Ensuite il y a la dimension de l’impact de l’individu sur les autres (collaborateurs, opposants, et bien sûr électeurs) : le charisme, les capacités relationnelles, oratoires, qui font qu’en politique les qualités intrinsèques d’une personne ont une importance cruciale. La vie politique a toujours fonctionné en désignant des maîtres, des rois, des chefs, des leaders. En France, à l’heure actuelle, tous les partis français, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, et à ma connaissance la plupart des partis du monde, acceptent ce système de désignation d’un individu pour la candidature aux élections présidentielles !
Cependant, à l’instar de l’individualisation de la société, ce système s’est radicalisé jusqu’à atteindre un paroxysme lors des présidentielles 2007 où, du projet du Parti socialiste, nous étions passés au programme de Ségolène et SES cent propositions. Même s’il paraît effectivement difficile de totalement dépersonnaliser la politique, cet excès n’est-il pas contradictoire avec les valeurs de la gauche française du XXIe siècle ?
Probablement aussi qu’il est plus simple de personnifier pour pouvoir s’attaquer ensuite à une unique personne et non à toute une équipe ou un parti, en permettant d’éviter la responsabilisation et la remise en question collective. Mais est-ce vraiment une bonne stratégie ? Lors de l’échec de Lionel Jospin en 2002, il s’est lui-même désigné coupable, se retirant de la scène politique ; beaucoup s’en sont certainement sentis satisfaits pensant que cela éviterait au parti de trop souffrir de cette échec mais nous avons bien vu que le deuil d’avoir perdu un des grands penseurs et hommes politiques de la gauche a finalement été difficile à gérer. Concernant l’échec de Ségolène Royal, il est difficile de faire un bilan avec si peu de recul mais à l’avoir désignée comme la responsable n°1 et à se battre pour la "succession", il est certain que le Parti socialiste ne donne pas une très bonne image aux Français, voire se ridiculise carrément.
Simplement l’homme est profondément narcissique (à ne pas confondre avec la mégalomanie, la soif des grandeurs - que certains cumulent comme Nicolas Sarkozy), il cherche à être aimé du plus grand nombre et à se placer au centre de la vie sociale. En politique, le pouvoir est accessible, l’évolution vers le haut de la pyramide plus que tentante. A mon sens, l’écueil qui en résulte va se situer à deux niveaux. Premièrement, à un niveau interne aux partis : les enjeux de pouvoirs génèrent des conflits, des petites revanches, des bisbilles et règlements de comptes médiatiques excitants (comme par exemple faire une boutade sur François Hollande devant des milliers de téléspectateurs). Il y a inévitablement un gaspillage d’énergie, une perte de discernement et d’objectivité lors des débats internes. De plus, ce n’est pas ce qui aide à donner une bonne image du parti. Deuxièmement, la personnification excessive entraîne auprès des électeurs potentiels des phénomènes de projection, basés avant tout sur l’image de la personne et non ses idées ou sa réelle personnalité. Je pense que l’hyper-personnification se fera toujours au détriment du débat d’idées, qu’il y a forcément un manque de lucidité dû à la part de ressenti envers la personne. En conséquence, les hommes et femmes politiques deviennent rapidement otages de leur popularité - tout cela relayé par les sondages et médias - et on en arrive à des compétitions de démagogie ! Face à Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal ne pouvait gagner à ce petit jeu où le vainqueur se doit d’être le plus hypocrite, manipulateur et acteur des deux. Et même si Ségolène avait pu soulever des foules bien plus importantes, est-ce vraiment le culte de la personnalité de son leader que la gauche souhaite ?
Pour y remédier, le PS devrait faire évoluer son fonctionnement dans un sens où son candidat serait avant tout le porte-parole d’un projet, d’un programme établi ensemble. En outre, je pense que face aux électeurs il y aurait gain d’une image d’authenticité. Si les batailles internes sont réévaluées au regard des enjeux, peut-être que les courants internes pourraient également fonctionner de façon plus complémentaire et motrice, et non destructrice. Une des mesures prises dans cet objectif pourrait être de désigner au plus tard le candidat ou la candidate pour 2012, qui serait alors une sorte de rapporteur du projet socialiste. Ou au contraire d’en désigner un(e) rapidement, clairement, et que celui(celle)-ci travaille dès maintenant avec le plus grand nombre.
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