Commission pontificale biblique et détournement des chrétiens
On pourrait raisonnablement penser que la commission pontificale biblique est une instance qui a cœur de défendre l’orthodoxie en matière de christianisme. La lecture, dans le journal La Croix de l’article intitulé trompeusement « la bible, une référence morale à retrouver » nous montre que, bien au contraire, le travail de cette commission est une œuvre de détournement des fondements de la pensée chrétienne. Expliquons-nous.
Tout d’abord, pour ceux qui veulent lire l’article, le voilà. Il date du 13 octobre 2009. Nous allons en reprendre de larges extraits avant de les commenter. Commençons par cette phrase. Trop longtemps, en effet, on a pratiqué une lecture apologétique de ces textes, voulant voir dans chaque phrase de la Bible une vérité donnée à appliquer. En écrivant cela, la commission sous-entend que la bible pourrait contenir des passages qui relèvent donc du mensonge. Voilà un terrain bien glissant sur lequel s’avance la commission pontificale et sur lequel elle devra s’expliquer bien plus clairement que ce qu’il est dit dans l’article par ailleurs. Et ce n’est pas la phrase suivante qui nous rassure davantage sur ce que pense l’auteur de l’article en question : Les études exégétiques ont montré depuis combien la distance et la remise en contexte étaient indispensables pour comprendre le texte biblique. Jusqu’à quelle distance la commission pontificale va-t-elle aller pour comprendre réellement la nature du texte biblique ?
Continuons l’examen du texte avec la citation suivante. Attention, cependant : pas question de revenir à une conception qui ferait de l’Ancien comme du Nouveau Testament des catalogues de lois à appliquer. « On tomberait dans le moralisme, estime le P. Olivier Artus, exégète au Theologicum de l’Institut catholique de Paris et membre de la Commission biblique pontificale. Car le christianisme n’est pas d’abord une morale, mais une révélation. » Remarquez cette volonté étrange de ne surtout pas vouloir tomber dans le moralisme. Je dis étrange, car, toutes religions confondues, elles ont toutes eu comme effet principal d’instaurer une morale dans les sociétés. Renoncer à cela c’est renier l’Histoire et celle du catholicisme en particulier. On peut donc légitimement se demander si l’Eglise ne fait pas fausse route, dans notre société déboussolée où la référence morale fait de plus en plus défaut, en abandonnant un combat qu’elle déclare, d’une certaine manière, avoir déjà perdu. Quant au christianisme qui serait d’abord une révélation, chacun appréciera selon son opinion, mais l’arrivée de Jésus Christ, pour les chrétiens, était annoncée dans l’ancien testament bien avant son arrivée et le message des évangiles est largement autant morale que révélation.
Le lecteur m’excusera de citer ce long extrait, mais il vaut la peine de ne pas être coupé. Inutile, en effet, de chercher dans la Bible des « recettes » morales pour notre temps : on se situe à plus de 2000 ans de distance et le texte, la composition, le vocabulaire sont d’une grande complexité. De plus, explique le document, « on trouve dans la Bible beaucoup de normes, de lois, de recueils, de codes. Mais ils ne sont jamais isolés, ni pris pour eux-mêmes. Au contraire, ils s’inscrivent toujours dans un contexte déterminé . » Cet extrait est d’une prodigieuse langue de bois et en plus, il est faux. Tout d’abord, la morale d’aujourd’hui ne pourrait être compatible de celle d’il y a 2000 ans par l’unique fait que beaucoup de temps s’est écoulé et que le monde a trop changé pour que l’ancienne morale soit applicable. Voilà un morceau de choix ! En effet, remarquons d’abord que dans le monde, avec la montée en puissance de l’occident, la morale chrétienne s’est répandue sur tous les continents et que cette morale chrétienne est restée quasiment celle de l’époque de Jésus jusqu’à, à peu près, 1914. La société s’est ensuite sécularisée, avec une accélération notable après 1945. Entre temps, l’Homme est-il devenu meilleur ? Le comportement humain s’est-il « civilisé » ? La réponse est, hélas, clairement non. Pis, même, on peut déceler, dans la société mondiale actuelle, des relents de renaissance de la barbarie, y compris dans les sociétés occidentales. Clairement, on peut légitimement penser que si une morale plus stricte était appliquée dans notre société, à tous les niveaux, nous nous en porterions bien mieux. Passons alors à la soi-disant complexité du vocabulaire, voire la complexité de la forme. Peut-être pour ceux qui lisent les textes en hébreux ou en grec ancien cela est-il difficile, soit. Mais pour le quidam qui lit le texte en français, la lecture est facile, le vocabulaire simple. De qui se moque-t-on en affirmant le contraire ? Terminons enfin l’analyse de cet extrait en restant interrogatifs sur la précision que les règles morales édictées dans la bible soient toujours exprimées dans un contexte. En effet, aucune règle, quelle qu’elle soit, même en mathématique, ne peut être séparée de son contexte. Fort heureusement donc, la bible et les textes religieux en général quelle que soit la religion, émaillent leurs lois morales de contextes d’application, faisant appel au discernement de ceux qui auront à les appliquer. Cela n’en atténue pas, loin s’en faut et fort heureusement, le message moral impératif.
Venons-en maintenant à l’apothéose du texte. La loi vient après la révélation de Dieu : il faut attendre le soixantième chapitre de l’Ancien Testament avant d’arriver au Décalogue ! Ainsi, la morale est seconde, et c’est le don de Dieu qui est premier : la loi vient ensuite, pour indiquer à l’homme la manière adéquate de vivre ce don. S’il est vrai qu’il faut attendre le 60ème chapitre pour arriver au décalogue, Adam et Eve se font expulser du paradis dès le 3ème chapitre ! Et pourquoi ? Parce qu’ils n’avaient pas respecté la loi, parce qu’ils ont commis une immoralité ! Tout cela tombe sous le sens. La morale fait partie du monde de Dieu. En conséquence, aller contre la morale revient à mettre en cause la création et son ordre. La création est indissociable de la morale. Voilà la réalité ! Le don de Dieu, c’est la vie, mais cette vie n’est pas concevable sans respect de la morale puisque, nous le savons tous, le non-respect de la morale signifie la mort. Que nous raconte donc la commission pontificale ? Qui veut-elle manipuler et qui veut elle absoudre en énonçant, vous en conviendrez, des contre-vérités, car nous n’insulterons pas se membres au point de sous-entendre qu’ils seraient incompétents ?
Terminons notre analyse par une autre apothéose du texte : Ce document du Vatican fait-il un sort aux approches historico-critiques de l’exégèse classique ? Non, selon le P. Artus, mais « il demande d’aller au-delà » : « L’exégèse critique est indispensable, mais il ne faut pas en rester là, et faire ainsi des sciences humaines l’instance ultime de la Vérité ». Voilà qui est plus que nouveau. L’Eglise recherche la vérité non plus auprès de Dieu mais dans les sciences humaines qui seraient censées amener à l’ultime vérité. Là, on rêve carrément ! D’abord le terme « sciences » ne va guère avec « humaines ». En effet, nous n’avons pas, loin s’en faut, une vision scientifique de l’Homme et la question de savoir si cela pourrait être possible, n’est même pas tranchée aujourd’hui. Le sera-t-elle un jour ? Ensuite, rappelons un des fondements des mathématiques qui, elles, constituent la reine des sciences. C’est le théorème d’incomplétude de Gödel. Ce théorème dit en substance que dans un système fini d’axiomes, il existera toujours une proposition non démontrable et l’on devra donc compléter le système d’axiome initial qui ne sera toujours pas complet. L’avantage de la religion, Dieu en l’occurrence, c’est d’être en dehors du monde et donc de permettre la complétude totale. C’est cela la transcendance ! Il est bien dommage que l’on n’ait pas compris de quoi il s’agit à l’académie pontificale biblique.
Chaque chrétien, dans son cœur, veillera donc à ne pas se laisser détourner de la Vérité par des personnages pour le moins critiquables et cela d’autant plus qu’ils ont du pouvoir.
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