Dieu n’est pas encore mort !
Dieu qui avait failli mourir à la fin du 19ième siècle s’est bien tiré d’affaire. Dieu n’est pas encore mort ! Nietzsche s’est trompé de bonne foi, en tenant compte des prémices de son époque, mais il a chanté victoire trop tôt. Dieu était mal en point dans la période allant de Marx et Marcuse, il a failli crever dans les années 70. Il est ressuscité non sous les traits du Christ, dont la résurrection est pourtant un des passe-temps favoris, mais sous les formes modernes de l’islamisme, du christianisme néoconservateur, de l’hindouisme radical ou du judéo-sionisme militant. Pourtant, Dieu avait commencé à être mal en point au Siècle des Lumières, malmené par Holbach, Helvétius Feuerbach et d’autres philosophes agnostiques ou foncièrement athées. Voltaire ne voyait pas l’intérêt d’un clergé, mais se disait déiste, acceptant un Créateur ayant à peu près autant de pouvoir qu’un président de la Troisième ou de la Quatrième République. La Révolution Française voulut éradiquer la croyance comme superstition avilissant le peuple, elle ne réussit qu’à éliminer quelques centaines de prêtres réfractaires et ne parvient pas à imposer le culte de l’Etre Suprême, mais à attiser la foi et le sentiment de révolte des Vendéens. Et Dieu revient par la petite porte avec Napoléon pour servir ses intérêts, puis en revanchard à la Restauration et sous la réaction moraliste petit-bourgeois, victorienne et rigoriste protestante du siècle des Romantiques.
Ce genre de croyance qui est à l’origine de l’animisme est encore pratiqué par de nombreux peuples, mais se noie de plus en plus dans une forme de syncrétisme monothéiste tant en Afrique qu’en Amérique Latine. Puis intervinrent les premiers intermédiaires entre les esprits et les hommes ordinaires en la personne des chamans et des sorciers. Mais comme il fallait donner un nom à ces phénomènes inexplicables, il devient nécessaires de personnaliser de façon anthropomorphe ces concepts et les premiers Dieux firent leur apparition chez les peuples du Croissant Fertile, des régions scandinaves et du monde gréco-romain. Les Dieux avaient désormais un nom et une fonction définie. Ils représentaient l’amour, la guerre, les récoltes, la mer et tant d’autres avatars. Qu’ils s’appelassent, Zeus, Jupiter Anubis, Odin, Vénus, Aphrodite Isis ou Frieda, ils avaient tous leurs temples, leur clergé, leur caractère et leurs spécialités.
Arrive enfin le monothéisme juif, inspiré à la fois de croyances égyptiennes et orientales comme l’enseignement de Zoroastre (le Zarathoustra de Nietzsche) et Dieu devient unique et demande à l’homme par l’intermédiaire de prophètes puis de prêtres de respecter toute une série de prescriptions et d’interdits tous aussi contraignants. Le Judaïsme allait donner naissance à deux rejetons un peu bâtards et tout aussi compliqués, le Christianisme et l’Islam. Chrétiens et musulmans étant en fin de compte des juifs presque comme les autres. Les trois piliers du monothéisme allaient régner sans partage jusqu’à l’avènement de l’ère industrielle et du développement des sciences c’est-à-dire le milieu du 19ième siècle.
L’homme créa en fin de compte Dieu à son image, et cette image était loin d’être belle.
Car Dieu, grand étourdi, fainéant ou imprévoyant n’avait pas prévu la Révolution Industrielle. Dieu était à l’aise avec des Rois et des Princes qui priaient solennellement, mais vivaient comme des paillards en dehors des messes. Dieu s’accommodait très bien des paysans illettrés et superstitieux qui aimaient les images saintes, le catéchisme simplifié et la célébration des Saints donnant lieu à des fêtes et des jours fériés. Dans Sa grandeur loin des réalités quotidiennes, il n’avait pas prévu les ouvriers et les usines et encore moins le prolétariat. Il n’avait pas non plus anticipé le fait que des juifs qui en avaient marre du ghetto, des rituels, de l’éducation talmudique dans les yeshivas d’Europe de l’Est, délaisseraient le costume traditionnel, le yiddish et la Thora pour s’émanciper de Yahvé et voudraient sortir de la communauté pour se fondre au monde moderne. Dieu n’avait venu venir ni Marx ni Engels et encore moins Trotski et Freud. Et là, ça commence à mal tourner pour Lui. Ces types de culture juive ou d’autres d’origine chrétienne vont vouloir s’émanciper du carcan divin. Les anarchistes tentent d’abord une percée brouillonne avec « ni Dieu ni maitre » mais ils sont trop isolés pour persuader les masses. Ils arrivent tout juste à attirer l’attention par des attentats nihilistes. Marx et Engels arrivent d’abord comme penseurs à convaincre des intellectuels bolcheviks, mais seraient restés dans la confidentialité comme Holbach ou Helvétius s’il n’y avait eu la Révolution russe. Et des individus de génie, bien que foncièrement malsains comme Lénine et son entourage voient l’avantage d’utiliser une philosophie sans Dieu, matérialiste et vouée à la classe ouvrière montante. Mais Marx voulait se débarrasser des superstitions judéo-chrétiennes. Lénine et plus tard Staline, Mao, Castro comprennent très vite que le clergé a du bon. Et de créer une religion avec ses prêtres, ses rituels, ses grands-messes et ses Saints mais sans la présence de Dieu. Procès staliniens ritualisés avec expiations des vipères lubriques et des blouses blanches, dignes de l’Inquisition, Plenum du Soviet suprême organisés comme des jubilés ou un magnificat, parades sur la Place Rouge ou Tienanmen. Ce fut un coup de génie que de créer La Religion absolue qui n’avait plus besoin de Dieu mais qui possédait encore une morale condamnant la sexualité et la déviance comme le judéo-christianisme d’où venaient les marxistes. Le Marxisme-léninisme, a donc conçu sans le vouloir initialement la religion la plus aboutie, celle où Dieu n’avait plus sa place.
Mais de nos jours, la pensée religieuse marxiste est elle aussi en perte de vitesse et Dieu revient en force, il n’était que groggy. Entre 1960 et 1980 il était quasiment KO debout, il a été sauvé par le gong et a pu reprendre le match pour les reprises suivantes. Le gong s’appelle Sida générateur de peur, Jean-Paul II car Polonais et anticommuniste, Islamisme, une création américaine se retournant contre son créateur, sionisme religieux triomphant après la victoire de 1967, mais surtout celle de 1974 et enfin néo conservatisme américain et son retour aux valeurs morales.
Dieu est de nouveau vivant et en bonne santé, alors qu’il était bien malade au temps de Nietzsche. Les musulmans dans leur coin qui avaient eu l’aubaine de la manne pétrolière devenue crise après 1974 avec l’envolée du prix du baril avaient aussi failli se laïciser lors des Ramadan d’été difficiles à supporter, si les Américains n’ayant peur des communistes n’avaient tout fait pour relancer la foi en Allah ! Damas, Beyrouth et Tunis ne furent jamais aussi peu religieuses que dans les années 70 malgré la persistance de l’Islam. Et le Hamas fut inventé pour contrecarrer les activistes Palestiniens laïcs, tous plus ou moins marxistes, quelquefois chrétiens mais surtout très rarement en chaussettes.
Alors que Dieu existe ou non, (il est impossible de le prouver dans un sens comme l’autre car la foi n’est pas rationnelle) cela importe peu puisque le concept de Dieu existe lui de façon indéniable. On peut considérer que Dieu existe tant qu’il existe quelqu’un pour croire en Lui. Dieu sera donc mort à la mort du dernier croyant. Et ce n’est pas demain la veille. Ainsi Zeus était bel et bien mort depuis près de deux mille ans et l’Olympe était vide depuis plus d’une lurette, quand récemment un petit nombre a essayé de lui redonner vie en Grèce sous forme d’un nouveau culte. Car c’est un fait universel, la mythologie c’est toujours la religion des autres !
Mais l’homme de pouvoir sait très bien qu’il doit se servir d’un Dieu crédible pour se maintenir dans sa position dominante. Le « clergé », qu’il soit religieux ou fait de fonctionnaires athées marxistes a de longs jours devant lui pour participer à la domination des gens du commun. Et l’exploitation de l’homme par l’homme continua sous le communisme d’Etat. Les popes orthodoxes étant tout simplement remplacés par les apparatchiks, les Commissaires du peuple, le KGB, la Stasi ou la Securitate. Et Dieu dans son coin qui était encore un peu en vie devait se demander ce que ces foutus bonhommes qu’il était censé avoir créés avaient pu fomenter pour assoir leur pouvoir sans son nom mais avec les mêmes méthodes que les croyants.
La religion n’a jamais été l’opium du peuple, car la prise d’opium tend vers le plaisir, le rêve et l’oubli. Dieu condamne le plaisir ou du moins le codifie, n’autorise le rêve que s’il est centré sur son égocentrisme omnipotent et ne veut en aucun cas qu’on l’oublie. Finalement les Dieux les moins nocifs pour l’homme, les plus réalistes furent ceux de la mythologie germano-scandinave. Dieux mortels, voués à être vaincus, prônant l’héroïsme, ils s’en tiraient plutôt bien avant de disparaitre. Et ils avaient un Paradis, l’Asgard où l’on buvait de la bière dans le crane de ses ennemis en compagnie des Walkyries dans une salle des fêtes post mortem, le Walhalla. Mais ces Dieux là sont bien morts, hélas, et pas près de ressusciter !
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