Emmanuelle Mignon aux avant-postes du combat sectaire ?
Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, a-t-elle bien déclaré dans l’hebdomadaire VSD qu’en France les sectes sont un non-problème ? Son démenti dans la presse ne convainc pas. Car s’il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches, dans cette affaire de sectes, ce gouvernement avance tranquillement ses pions et laisse perler, de déclarations en démentis, qu’effectivement les sectes sont un non-problème en France. Malgré les réactions, n’en doutons pas, la reconnaissance des sectes est sur les rails dans le pays de Voltaire.
Tom Cruise a bien parlé de scientologie à Sarkozy lorsque ce dernier était ministre des Finances. Récemment, Michèle Alliot-Marie a expliqué qu’il fallait décomplexer la lutte contre les dérives sectaires. Quant à Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, elle a bien déclaré dans l’hebdomadaire VSD qu’en France les sectes sont un non-problème, des propos qui déclenchent justement un tollé du côté des politiques comme des commentateurs (et ici). Mais, n’en doutons pas, la reconnaissance des sectes est sur les rails.
Le pompier de service, Jean-Pierre Raffarin, s’est fendu d’une attaque en règle contre Emmanuelle Mignon, recadrant sans ménagement la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy après ses propos sur les sectes dans VSD.
Or, Jean-Pierre Raffarin ne critique pas vraiment les propos d’Emmanuelle Mignon, mais le fait qu’elle se soit exprimée alors qu’elle aurait dû rester dans l’ombre. Sur les sectes et la loi de 1905, il ne fait qu’énoncer des évidences, toujours bonnes à rappeler, certes, mais on sent bien que le cœur du débat n’est pas là.
Après les municipales, on peut s’attendre à ce que les sectes soient effectivement un non-problème en France et, corollaire, à ce qu’une bonne partie du pays, les tenants de la laïcité tout court et pas seulement « objective » comme dit Nicolas Sarkozy, descende dans la rue.
Le président de la République, en envoyant ses petits soldats au feu, divise sciemment les Français, alors qu’ils ne considèrent pas la remise en cause de la loi de 1905 comme une priorité.
Selon VSD, qui persiste et signe, Emmanuelle Mignon a bien déclaré : « La lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets. Mais, en France, les sectes sont un non-problème (...) La liste des mouvements sectaires établie en 1995 est scandaleuse (...) Quant à la Scientologie, je ne les connais pas, mais on peut s’interroger. Ou bien c’est une dangereuse organisation et on l’interdit, ou alors ils ne représentent pas de menace particulière pour l’ordre public et ils ont le droit d’exister en paix ».
Aujourd’hui, dans Le Figaro, assez maladroitement d’ailleurs, Emmanuelle Mignon se défend : « Je n’ai pas dit la phrase que l’on me prête. S’il y a des mouvements sectaires qui abusent de la faiblesse des gens ou qui troublent l’ordre public, ils constituent un problème. On cherche d’ailleurs les moyens de renforcer notre action contre ces mouvements. Mais ce n’est pas parce qu’un mouvement spirituel n’appartient pas officiellement à une Église traditionnelle, comme l’Église catholique, qu’il est nécessairement sectaire. Si ces mouvements ne troublent pas l’ordre public, il n’y a pas de raison de les interdire par respect pour la liberté de conscience ». Par ailleurs, elle explique : « Je ne connais pas précisément le dossier de la scientologie, mais si ce mouvement ne crée pas de trouble à l’ordre public et s’il n’est pas à l’origine d’abus de faiblesse de gens, notre législation ne permet pas de l’interdire ».
On ne voit pas bien où est le rectificatif...
Bien sûr, les propos qu’a tenus Emmanuelle Mignon dans VSD ont déclenché un tollé, on s’en doute. Sur Canal+, Corinne Lepage, tête de liste pour le MoDem dans le XIIe arrondissement de Paris, a réagi avec virulence : « Je suis extrêmement choquée, je suis scandalisée (...) Je me demande si on ne va pas créer un secrétariat d’Etat pour Tom Cruise, à la scientologie et au développement des sectes en France, ce serait dans une certaine logique ».
Julien Dray, porte-parole du PS, appelle les citoyens à descendre dans la rue.
Pourtant, récemment, Michèle Alliot-Marie, dans l’indifférence générale, n’avait pas dit autre chose et personne ne s’en était offusqué. Dans Le Parisien, la ministre de l’Intérieur a affirmé vouloir « décomplexer la lutte contre les dérives sectaires » et « assurer la liberté de croyance de tous ». Des déclarations qui venaient après d’autres qui elles-mêmes tendaient à minimiser le danger que présentent les sectes. Pourquoi les propos de Michèle Alliot-Marie n’ont suscité aucune réaction alors que ceux d’Emmanuelle Mignon déclenchent une polémique jusque dans les rangs de l’UMP ?
Parce que Michèle Alliot-Marie fait partie de la vieille garde. Pas Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, que Jean-Pierre Raffarin a taclé sévèrement en déclarant sur LCI que "s’exprimer, c’est un métier".
Cela signifie juste que les propos d’Emmanuelle Mignon ne sont pas en cause, contrairement à sa manière de les exprimer (« s’exprimer, c’est un métier »).
L’UMP est en assez mauvaise posture à quinze jours des municipales, inutile d’en rajouter. « On ne passe pas de l’ombre à la lumière sans éclat et donc ce genre de polémique on s’en passerait surtout en période électorale », a clairement expliqué l’ancien Premier ministre qui a précisé, histoire de rassurer son électorat « conservateur », c’est-à-dire celui qui croit aux vertus de la loi de 1905, que, selon L’Express, « les sectes sont un phénomène préoccupant en France comme en Europe » et il faut « traiter ce sujet avec gravité ». Interrogé sur la laïcité, M. Raffarin a estimé qu’« il faut seulement adapter » la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat comme cela a été fait lors de la loi interdisant le porte du voile à l’école. « Nous avons besoin d’un Etat qui s’occupe de l’exercice des religions, ne serait-ce que pour permettre la liberté d’expression ».
Raffarin a en outre estimé qu’il ne fallait pas supprimer la « Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), dont l’action a été mise en cause par la directrice de cabinet du président, dans un entretien très controversé à l’hebdomadaire VSD », selon L’Express. Bref, le parfait manuel du bon communicant politique. La question des sectes n’est donc que secondaire dans la réaction de Jean-Pierre Raffarin.
La vraie question est de redonner le leadership aux parlementaires de l’UMP en recadrant l’entourage immédiat de Sarkozy. Une fois revenu au sommet, celui-ci fera ce pourquoi il n’a pas été élu : ouvrir le "marché" de la conscience française aux sectes.
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