Enfin un pape chrétien ?
On peut sincèrement sourire de la prétention de trois religions, issues du même terroir, d'asseoir leurs textes fondateurs sur une prétendue révélation divine, comme si le créateur du ciel et de la terre avait snobé le reste du monde et avait sous-estimé les conséquences malheureuses qu'auraient ses messages, répartis dans le temps, adressés à des populations concurrentes. Bien plus probable est l'hypothèse de réappropriations par ses voisins d'une pseudo-vérité brandie par un peuple assez narcissique pour se proclamer « élu ».
Il reste que l'univers est intelligent ou témoigne d'une intelligence qui dépasse de très loin les capacités humaines. Il reste que le discours de Jésus-Christ, au contraire des autres textes dits sacrés, témoigne d'un niveau de conscience et de valeurs morales très supérieurs à ce qu'il est commun d'observer dans l'espèce humaine.
Les messages du Christ – La non-violence
Dans une Palestine qui n'aspirait qu'à se débarrasser de l'occupant romain et voyait en lui le possible sauveur capable de mettre fin au règne de César, le Christ a adopté une attitude clairement non violente. A Pierre, qui dégainait pour le défendre au mont des Oliviers, il dit : « Rentre ton glaive au fourreau car qui se sert de l'épée périra par l'épée » , se prononçant ainsi très clairement contre la guerre, même pour une juste cause.
Au contraire, au célèbre commandement « Aimez-vous les uns les autres », il ajoute « Aimez vos ennemis » et « Si l'on te frappe sur la joue droite, tends la joue gauche ».
Avouez que ce sont des principes opposés aux penchants de la nature humaine qui tranchent singulièrement avec les épisodes violents de la fuite en Egypte, de la chute de Jéricho, de l'histoire de David et Goliath et des versets coraniques appelant à la guerre sainte.
Pour autant, la non-violence n'est pas le pacifisme. Gandhi, qui connaissait les évangiles, l'a parfaitement comprise et mise en pratique, de même que Martin Luther King et, dans la 2e partie de sa vie Nelson Mandela. La non-violence est un combat sans compromis visant à éveiller la conscience de l'interlocuteur en refusant de lui rendre les souffrances qu'il se permet d'infliger et en le privant donc de toute justification morale.
Peu d'hommes en sont capables mais force est de constater que l'application de ces préceptes est la seule manière d'enrayer la chaîne des violences parce qu'elle prive l'adversaire de toute justification à la sienne. C'est donc un discours « plus qu'humain ».
Les successeurs de Saint Pierre et représentants du Christ sur terre auraient donc dû tenir un discours sans ambiguïté face à des monstres comme Hitler et Georges W Bush, lequel a été reçu avec les honneurs trois fois par Jean-Paul II et une fois par Benoît XVI après avoir osé organiser aux États-Unis une journée de prière pour le succès de ses troupes en Irak.
Certes on peut supposer que les pontifes l'ont exhorté à la paix mais quand on sait qu'un cardinal qui trahirait le secret du conclave est passible d'excommunication, comment peut-on justifier que le responsable de centaines de milliers de morts ne soit même pas ouvertement condamné.
Et comment accepter qu'un prélat ayant collaboré avec le régime franquiste soit béatifié ?
Pardonner est une chose mais le présenter en exemple en est une autre.
Pauvres et riches
« Il est plus difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux qu'à un chameau de passer par le chas d'une aiguille » disait le Christ qui témoignait au contraire d'une grande sollicitude pour les pauvres et les affligés.
En cela le bon Pape Jean XXIII s'était montré le digne héritier de la parole du Christ par ses nombreuses visites aux pauvres et aux malades et par ses encouragements aux prêtres ouvriers que ses successeurs ont lâchement abandonnés pour s'intéresser aux riches congrégations formant des soldats du Christ dans un rigorisme confinant à l'étroitesse d'esprit et dont le promoteur, porté aux nues par Jean-Paul II, a dû être écarté par Benoît XVI quand il fut au centre d'un des pires scandales de l’Église.
Tant Wojtyla que Ratzinger qui partageaient le luxe de la curie romaine ont par ailleurs condamné la théologie de la libération, née en Amérique du Sud, dont Don Helder Camara, l'archevêque de Recife, était la figure de proue. Cette théologie prônait l'engagement non-violent du clergé en faveur des pauvres et de la justice sociale, ce qui déplaisait aux gouvernements capitalistes dont le riche Vatican préférait s'accommoder.
Le Christ ne se privait pas d'invectiver les autorités religieuses de son temps et en particulier les pharisiens qu'il traitait de « sépulcres blanchis » pour leur propension à édicter des interdits, à privilégier les rites et traditions aux fondements de l'amour du prochain, et à juger les contrevenants du haut de la vertu dont ils s'étaient parés.
Comment ne pas voir dans ces deux derniers papes les sépulcres blanchis décrits dans l’Évangile ? Cette collusion avec le pouvoir, cette absence d'amour du prochain qu'implique la condamnation de la théologie de la libération, cette persistance à édicter des règles en matière sexuelle alors que les seuls mots du Christ confronté au problème ont été, à propos de Marie-Madeleine convaincue d'adultère, « Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre », suivi, à l'adresse de la coupable d'un « Va et ne pèche plus », tout cela a manifestement contribué à créer le schisme catholique au sein de la chrétienté et à désaffecter les églises et les séminaires.
Jorge Maria Bergoglio
Dans ce contexte, l'élection du nouveau Pape est une divine surprise. On le connaît peu, bien sûr, mais les premiers signes sont très encourageants.
Le fait qu'il provienne du continent sud-américain implique, de la part des électeurs, et pour la première fois dans l'histoire, un souci de respect de la démocratie puisque ce continent compte le plus grand nombre de catholiques. C'est un virage à 180°.
Il paraît qu'il a préféré un humble logement dans un quartier pauvre à la résidence épiscopale mise à sa disposition. Cela le rapproche davantage de Don Helder Camara qui mangeait dans des gargotes populaires plutôt que de Ratzinger qui prend l'hélicoptère pour franchir les 26 km séparant le Vatican de sa résidence à Castel Gondolfo.
Il a choisi d'endosser le nom de François 1er ce qui semble confirmer un engagement en faveur des pauvres et/ou du désintéressement de l’Église. François d'Assise, né dans une famille riche et bon vivant dans sa jeunesse, change du tout au tout à l'âge de 23 ans et veut désormais vivre pauvre parmi les pauvres et leur communiquer sa joie de vivre et son respect de la nature, ce qui fait aussi de lui le patron des écologistes. Il fonde l'ordre des Franciscains dont la pauvreté est la première vertu.
Ce n'est pas du tout l'apanage des Jésuites dont Jorge Maria Bergoglio est issu mais le choix de s'appeler désormais François 1er symbolise peut-être la rupture de Saint-François avec son ancien style de vie et la rupture que le Vatican doit opérer aujourd'hui pour s'affranchir d'un passé qui a de plus en plus éloigné le catholicisme du christianisme.
Un Pape qui vive vraiment l'évangile, voilà qui pourrait ramener des chrétiens dans les églises ou, à tout le moins, des laïcs à la réflexion sur les véritables valeurs chrétiennes.
N'attendons pas stupidement qu'il opère une volte-face à propos de questions éthiques comme l'avortement. L’Église n'a pas à se mettre dans l'air du temps. Elle est gardienne de valeurs immuables comme le respect de la vie. Pour autant, elle peut faire preuve d'une compassion semblable à celle de Jésus à l'adresse de Marie-Madeleine.
Espérons seulement qu'il ose dénoncer le système financier , qu'il soit le véritable reflet de l'enseignement du Christ et qu'il interpelle les consciences au lieu, comme ses prédécesseurs, d'accommoder la sienne aux intérêts de la curie romaine.
L'avenir nous le dira mais, au moins, accordons lui un a priori favorable.
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