L’AU-DELÀ et la Cosmologie de NOS ANCIENS ; la Morale, la Résurrection, et la Vie éternelle
Dans ces domaines si essentiels et si caractéristiques de l'humain, nous pensions être les premiers et les plus éclairés.
Mais, « contrairement à certaines idées répandues, la croyance en un Au-delà n'est pas une ''invention'' des grands monothéismes. Il semble au contraire qu’Israël a été bien plus lente que d'autres peuples à élaborer une théologie de l'Au-delà. » (1)
« Il en va de même pour la résurrection qui est une croyance relativement récente. Elle s’enracine dans l’histoire juive et apparaît seulement 150 ans av. J.-C. » (2)
« Les rapports constants de l’Égypte avec les royaumes de Juda et d’Israël et les colonies de la Diaspora, installées au bord du Nil, expliquent l'action profonde qu'elle exerça sur la pensée biblique. Si les écrivains de Jérusalem ou de Samarie empruntèrent à Babylone toute une imagerie immédiatement apparente, les impressions qu'ils reçurent de l’Égypte, moins repérables au premier abord, sont peut-être plus importantes parce que d'ordre éthique ou métaphysique. » (3)
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L'éloignement rend l'idée de l'Au-delà plus présente (image JPCiron)
Dans tout le Croissant Fertile et alentours, les échanges de toutes sortes ont nourri l'enrichissement culturel et le syncrétisme, durant des millénaires avant JC. (11) « Les hommes ne changent pas facilement de dieux » Mais les mythes ont toujours pu circuler, pour être plus loin adaptés et digérés. (7)
De l'Au-delà imaginé émergent des croyances éclairant les lois qui régissent le monde, lesquelles structurent la vie humaine terrestre, dans une recherche de communion, d'absolu, et d'éternité ... qui nous ramène naturellement au point de départ : l'Au-delà.
J'explore ici brièvement l'Au-delà des Sumériens, des Judéo-Chrétiens, des Zoroastriens, et des Égyptiens.
>> L'AU-DELA' et la COSMOLOGIE DES VIEUX SUMÉRIENS
On a retrouvé leurs traces en basse Mésopotamie depuis le tout début du Vème millénaire avant J-C. On ne sait d'où ils venaient. Les Vieux Sumériens « étaient au zénith dès la fin du IV ième millénaire » (7).
L'invention de l'écriture cunéiforme par les Vieux Sumériens a permis de coucher par écrit leurs mythes et traditions orales bien antérieures, que d'autres peuples se sont plus tard appropriées. (8) Ainsi, au début du IIIème millénaire, le système d'écriture cunéiforme Sumérien s'est diffusé d'abord chez les Élamites (S-E), puis à Mari et Ebla (N-O). A partir du milieu du second millénaire, il se diffuse dans tout le Proche-Orient, y compris Ougarit et l'Égypte. Des populations sémitiques ont aussi progressivement migré vers Sumer et s'y sont installées et assimilées ou intégrées, jusqu'à bien plus tard devenir la composante principale du pays.
Les tablettes du IIIème millénaire avant JC exposent l'implicite Cosmologie de Sumer, qui considérait l'univers comme un globe contenu dans la ''mer primordiale''.
La demi-sphère supérieure était composée du Ciel, de l'Air, et de la Terre. Cette dernière était entourée de l'Océan terrestre.
La demi-sphère inférieure de l'univers, entre la terre et la mer primordiale, était un espace vide : « Kur », l'Enfer. C'était là qu'allaient les ''ombres des morts'' humains. (7) Mais on y trouvait aussi des dieux pourtant immortels. Ces derniers y étaient mis ''en sommeil'' car leur ''charge'' En-Haut avait disparu ou avait été confiée à un autre dieu.
Le Ciel et l'Enfer sont les deux composantes de l'Au-delà sumérien. Ses six cent divinités étaient également réparties : « Trois cent En-haut » et « Autant En-bas », avec supériorité de ceux d'En-haut. A leur tête était initialement la « Dame du Grand Lieu ». Plus tard, le job sera tenu par un guerrier, puis restera masculin.
Notons que les ''ombres'' de Sumer (aussi traduits par ''fantôme'' ou ''spectre'') sont la première manifestation connue de la croyance, pour un individu défunt, de l'existence d'une entité distincte du corps laissé dans la tombe.
En effet, les tablettes nous disent que « (…) les Grands Dieux rassemblés (…) nous ont imposé la mort comme la vie, nous laissant seulement ignorer le moment de la mort. » L'homme est le serviteur des dieux. A sa mort, son corps, enfoui dans la terre « s'en retournait à son argile » (7) ...
Et son ''ombre'' gagnait la noire caverne de l'En-Bas, le ''Kur'', l'Enfer. Là, dans ce lieu de séjour sans fin, ''pays sans retour'', on ne subsistait qu'en s'alimentant d'humus et de terre.
Ce lieu est la destination finale de tous les humains, et est « Sans retour » : c'est la règle ... mais il y a des exceptions.
Ainsi, pour réaliser un projet, la déesse Inanna parvint à franchir les sept portes de l'Enfer, puis à en ressortir grâce à l'aide du dieu Enki et à un subterfuge hollywoodien. (8)
Il y eut aussi Uta-napisti et sa femme, protagonistes du Déluge, qui ont été rendus immortels par les Dieux.
Le ''Kur'' est donc initialement en principe très égalitaire. Cependant, progressivement, il est reconnu que les ''mérites'' démontrés par le défunt durant sa vie terrestre (moralité, conduite,…) seront récompensés au Kur par un certain statut, ainsi que par un mode de ''vie'' amélioré.
Plus tard, il a été convenu que l'on y transfère plus ou moins son statut et son ''mode de vie'' terrestres. Un ''monde'' donc similaire à celui terrestre.
Ainsi, un texte Sumérien du IIème millénaire avant JC décrit l'arrivée aux Enfers d'un grand monarque décédé : il rend visite aux sept dieux infernaux dans leurs palais, ainsi qu'à quelques autres dont il voulait s'attirer les grâces, puis il est dirigé par les ''prêtres'' du lieu vers la demeure qui lui est assignée. Plusieurs morts l'accueillent. Dès lors, il se sent chez lui. (8)
Le vieux sage Chaldéen Bérose, contemporain d'Alexandre, décrit en grec l'antique et opulent héritage mésopotamien. Sur le sujet de la « Fin du Monde », il rapporte (sans autres précision) que la durée totale du Monde pour les Sumériens était de « douze fois douze ''sares'' d'années depuis le Déluge », soit 518.400 ans. (7)
« Le Cosmos de l'Ancien Testament » - Ralph V. Chamberlin. "The Early Hebrew Conception of the Universe". The White and Blue. Vol XIII no. 11, Dec. 24 1909. pp. 84-88 - 01 jan. 1909 (source : commons.wikimedia.org)
>> L'AU-DELA' et la COSMOLOGIE DES ANCIENS JUDÉO-CHRÉTIENS
La Cosmologie de l'Ancien Testament correspond structurellement à celle des Anciens Sumériens. Ici, cependant, le shéol est initialement la simple tombe, et il n'y a donc pas d'Enfer à proprement parler. Bien plus tard, le schéma s'est ensuite progressivement rapproché de celui de Sumer, peu avant (et un peu après J-C).
La Création par la Parole correspond globalement à celle -antérieure- des Anciens Égyptiens. La différence principale est que la matière existe déjà quand le Dieu de la Bible débute la Création (Gn 1). Tandis que le Dieu Créateur Égyptien commence par se créer lui-même...
L'Ancien Testament est clair : c'est sur terre que Dieu punit les méchants et récompense les justes par la prospérité et la descendance. Cette ''théologie de la rétribution'' ne considérait que la vie terrestre, durant laquelle Dieu attribuait les récompenses et punitions. « Abraham est un bon exemple de juste. Dieu lui donne une grande descendance, une terre, des troupeaux, femmes et concubines, et, il vit jusqu’à 175 ans. » (2)
Ainsi, du temps de d'Abraham, de Moïse, de David et des Prophètes, au-delà de la vie, il n'y avait que la tombe : les morts étaient au shéol.
Cependant, l'idée qu'il puisse y avoir une ''rétribution'' post-mortem fait progressivement son chemin.
Le Livre de Job pose bien des questions. Vers 250 ans avant J-C, le Livre de l'Ecclésiaste conteste cette théologie de la rétribution puisque l'on voit des méchants qui prospèrent et des justes qui souffrent. Un siècle plus tard, les persécutions (frères Macchabée) renforcent encore l'idée.
Vers l'an 70, après la catastrophe de la prise de Jérusalem par les Romains, « naîtra la croyance en la résurrection au sein du judaïsme », la croyance en un ''après''. Ainsi, « le juste est assuré de l'immortalité par une vie conforme à la volonté de Dieu » (2). Cette croyance est alors encore bien loin d'être unanime.
Ainsi, le shéol est dès lors peu à peu considéré comme un 'lieu' de séjour des morts, en attente du jugement de Dieu. C'est un 'lieu' dont on ne peut sortir... Mais il y a quelques exceptions de ''sortie'' temporaire : la Bible parle par exemple de Samuel. (3)
Les différentes Entités Judéo-Chrétiennes ultérieures nous gratifient d'un riche bouquet de certitudes variées sur ce qu'il advient autours de deux moments-clefs : au décès, et à la fin des temps. Avec d'ultérieures variantes pour la période entre ces deux moments, en particulier quand sont abordés les thèmes du Paradis, du Purgatoire, de l'Enfer, et du Corps du défunt.
Je sélectionne ici quelques vues que j'ai sélectionné sur ce sujet de l’au-delà, qui me sert de transition avec la vision de Zoroastre :
Jésus considère qu'il y a continuité de vie après la mort : « A la résurrection, (…) on est comme les anges dans le ciel » (2) La vie éternelle est essentiellement connaissance et communion à Dieu. Le « corps animal ressuscite corps spirituel. » (3)
Symbole actuel du Zoroastrisme - Les Mages, polythéistes dualistes d'inspiration Mazdéenne, spécialistes de la Magie, de la Divination et de l'Astrologie, prétendront être les héritiers de l'Enseignement du Prophète Zoroastre dont le monothéisme strict, purement spirituel, est exempt de rites et d'idoles, et condamne explicitement le genre de pratiques et rites des Mages .
Après la conquête de la Babylonie par Cyrus, le culte mazdéen s'y installa en force via les Mages. Le syncrétisme opportuniste des Mage opéra rapidement : les Mages de Chaldée identifièrent Ahura Mazda avec Baal, l'antique divinité babylonienne.
La représentation symbolique de l'esprit tutélaire de Zoroastre (genre d'ange gardien zoroastrien) s'est retrouvée gravée dans l'archéologie (rocher de Béhistun et nécropole de Naqsh-Rustam), sous la forme d'un prêtre de Marduk (barbu et vêtu selon les canons mèdes) qui sort à mi-corps d'un disque solaire ailé d'inspiration égyptienne.
Ce symbole très peu zoroastrien est resté celui du zoroastrisme qui est une religion dématérialisée, abstraite, philosophique.
>> L'AU-DELA' et la COSMOLOGIE DES ZOROASTRIENS ORIGINELS
Le zoroastrisme, apparu environ 1000 ans avant JC, est la plus ancienne des grandes religions monothéistes (si l'on met à part le mithraïsme qui l'a précédé (et lui a survécu) de quelques siècles, ainsi que l'éphémère culte du Disque Solaire d'Akhenaton, vers -1330 avant J.C.).
Sa Révolution Théologique est décrite en (4). L'ossature de son eschatologie (de la Création au Royaume de Dieu) correspond à s'y méprendre à celle Chrétienne (5). D'où d'ailleurs une antériorité bien dérangeante (6).
Une particularité Zoroastrienne est une Création en deux temps : Création Spirituelle suivie par une Création distincte « Mélangée » (matérielle + spirituelle). Humains et animaux disposent d'une âme et du libre arbitre. (5) L'homme a été doté par Dieu d'un discernement bien plus grand, et doit protéger les animaux (et leur habitat). Dieu est sage, bon et bienveillant.
La ''Loi'' de Dieu est simple : rejeter le mensonge, faire le bien, et protéger les animaux. (5) Il n'y a pas de Culte ni de Rite. C'est une religion spirituelle et éthique : ni prières, ni statues, ni sacrifices. (5)
Dieu n'intervient pas dans le monde ''mélangé''. Ce qui y advient est le résultat du Destin (interaction des éléments naturels) et des actions des humains.
La troisième aube après sa mort, chaque homme est ''jugé'' par une sorte de ''somme mathématique'' de ses actions sur terre. Dieu n'intervient pas dans ce ''jugement'' (mais Il a fixé les règles). Chaque âme reçoit sa récompense, son ''juste salaire'' (5). L' immortalité de l’âme assure la vie éternelle au juste. (5)
L’âme du défunt est alors dirigée vers l'Enfer, le Purgatoire, ou l'un des quatre étages du Paradis. Notons que la ''damnation éternelle n'existe pas.
Le Monde Mélangé est un monde transitoire, destiné à disparaître quand les humains auront réussi à vivre quasi partout sur terre selon la ''Loi'' de Dieu. C'était le plan de Dieu.
Peu avant la fin du monde, le Sauveur (5) viendra livrer le dernier combat. Lors du ''grand jour'', le feu de l'Ordalie viendra brûler les souillures de l'âme (le feu ne mord que sur les méchants = cela peut être un terrible châtiment). L' Enfer disparaîtra donc aussi.
Il ne restera alors que des âmes purifiées. La Résurrection des Corps (5) intervient par le passage des âmes du monde Mélangé au monde Spirituel, pour une vie éternelle au Royaume de Dieu. Le Corps spirituel parfait est donc inaltérable et assure une santé éternelle.
C'est la Transfiguration du Monde.
L'Apocalypse, c'est l’annihilation de la bulle spatio-temporelle que constitue le Monde Mélangé, qui n'a plus lieu d'être. Pas de raison de s'en inquiéter, puisque toutes les âmes auront quitté le monde mélangé (y compris celles des animaux) pour le Royaume de Dieu.
Égypte Antique : La pesée du cœur du papyrus de Hunefer. Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Book_of_the_Dead#/media/File:El_pesado_del_corazón_en_el_Papiro_de_Hunefer.jpg
« Pour les Égyptiens, le cœur (…) était le siège de l'intellect ; il connaissait les actes de l'homme et c'est en lui que résidait la conscience. (…) Le cœur est en quelque sorte le témoin intérieur non seulement des actes mais aussi des pensées. (…) Le meilleur moyen (…) pour que le cœur de l'homme ne témoigne pas contre lui, que sa conscience ne l'accable pas, c'est encore de ne commettre et ne chercher à commettre aucun péché. » (10)
Le tableau représente la pesée du cœur du défunt. Le poids sur la balance, c'est Maât (= vérité, justice, équité) représenté par une plume. Le rituel exige que le défunt fasse sa confession : une énumération des fautes qu'il dit ne pas avoir commises. A chaque mensonge, le poids du cœur augmenterait... Si le cœur ne passe pas l'épreuve, la Dévorante est prête à n'en faire qu'une bouchée.
>> L'AU-DELA' et la COSMOLOGIE DES ANCIENS ÉGYPTIENS
L'ordre du monde Égyptien a été établi par le Dieu qui créa l'univers par le Verbe, au début des temps. La théorie de la Création par le Verbe date probablement de la IIIème Dynastie. (vers 2700 av. JC) (10)
L'homme est fait à Son image. (Et le roi étant le fils de Dieu, cela asseyait sa légitimité. Mais surtout, cet humain était un dieu lui-même. Ainsi, le monde matériel créé par Dieu devint pénétrable par l'esprit humain.)
Le principe de Maât est né à la fin du IVème millénaire dans la vallée du Nil. (17) Toute la structure cosmique est symbolisée par Maât, déesse de la vérité, de la justice et de la bonne conduite. Contrevenir aux règles de l'ordre du monde est puni par telle ou telle divinité. Des stèles ''de pénitence'' ont parfois été élevées.
Les Égyptiens ont créé des constructions théologiques originales. Celle de la « Douât » (l'Au-delà) est vraiment intéressante :
Pour pouvoir fonctionner, la Douât a nécessité la fusion de deux dieux. Un mythe (15) dit qu'Osiris fut assassiné par son frère, et ressuscité par la magie grâce à son épouse Isis. Il est le dieu du 'Ciel inférieur'. Rê, dieu du Soleil, rejoint le Ciel inférieur à l'Ouest, par la première des douze Portes de la Douât, située dans la montagne du désert occidental. Là, Rê devient Osiris, puis, à l'approche de l'aube, Osiris devient Rê : Rê aura donc triomphé de la mort et ressurgira du mont ''nuit'' sous les traits de Khépri, le Scarabée qui porte un œuf symbolisant la résurrection prochaine.
On comprend alors mieux l'expression : « je suis le fils né de son père, je suis le père né de son fils », ainsi que la formule 17 du Livre des Morts « Je suis Hier, je suis demain. Osiris est hier, et Rê est demain. » (9)
L'originale pensée Égyptienne considère donc que « Les ténèbres sont le berceau de la lumière… La demeure de la vie éternelle se trouve au royaume de la mort. » (12)
Le voyage du Soleil dans l'Au-delà est décrit dans trois livres (Amdouât, Portes, Grottes) dont le plus vieux est daté de 1425 av. JC. Mais renferment des formules bien plus anciennes (v. 2600 av. JC). (13)
> La quête de l'immortalité de l'âme
L'immortalité, initialement exclusivement Divine, est bientôt étendue aux Rois, puis aux Dignitaires, et enfin à tout un chacun, mais avec des conditions morales.
A partir de l'époque des pyramides (V ième dynastie, v. 2500), le pharaon acquiers le titre de « fils du dieu Soleil », qui s'ajoute à celui de « première manifestation du dieu Horus » (roi). « Le pharaon assume maintenant, comme héritier du Créateur et Maître Universel, un pouvoir cosmique général. ( …) Le roi, par sa seule personne, maintient l' équilibre de la Création que menace à tout instant le retour offensif du chaos. » (10)
A Saqqarah, nécropole royale de Memphis, les hiéroglyphes des colonnes du vestibule de la chambre funéraire de la pyramide du roi Ounas (v. 2350 av. JC) expriment clairement la volonté d'assurer une vie dans ''l'autre monde'' pour le roi. C'est un privilège royal qui découle du Titre de Fils du dieu Soleil. (9) Le meilleur moyen de faire régner l'ordre est de se conformer à la Norme Universelle instituée par le Créateur lui-même : Maât (Vérité, Justice et Équité).
Cette tradition de l'Ancien Empire (v. 2649 à 2152) est constituée d'incantations et de formules (dits ''Textes des Pyramides'), qui semble être la plus ancienne compilation religieuse au monde.
Plus tard, au Moyen Empire (v. 2040 – 1783), les inscriptions mettent en évidence que les dignitaires et gouverneurs de provinces utilisent eux aussi ces rites pour bénéficier également de la vie éternelle dans l'au-delà (Textes des Sarcophages).
Pour le commun des mortels, en l'absence du rôle facilitateur des riches rites, l'unique moyen pour accéder à l'immortalité de l'âme est la Morale. « Celui qui marche sur les eaux de Dieu (c'est-à-dire qui lui est soumis) n'acquerra pas seulement les avantages terrestres mais encore la vie éternelle. » (9) Ainsi, celui qui est acquitté lors du jugement de son ''cœur'' voit son âme entrer dans le Royaume d'Osiris pour une vie éternelle.
> La Morale donne la clef de la vie éternelle.
Les Égyptiens ont en conscience pris la raison pour guide, et décidé de se conformer à la justice intérieure dont Dieu vit lui-même. François DAUMAS, dans son volumineux ouvrage sur La Civilisation de l’Égypte Pharaonique propose plusieurs ''professions de foi'' qui en témoignent, depuis des millénaires avant J-C. (les traductions sont de Gustave LEFEBVRE (14) ) :
Un contemporain du roi Neferkarê (v. 2700 av. J-C)
« J'ai dit ce qui était parfait et répété ce qu'on aimait. Jamais je n'ai dit de mal à un puissant contre quelque homme que ce soit, parce que je désirais que mon nom fut parfait en présence du Grand Dieu. »
Sous le règne du roi Têti (v. 2500 av. J-C)
« J'ai dit la vérité et mis la vérité en pratique (…). J'ai sauvé le malheureux de la main du plus puissant que lui, lorsque j'en ai eu la puissance.
J'ai donné du pain à l'affamé, des vêtements à qui était nu,
J'ai fait aborder les autres dans ma barque.
J'ai creusé une tombe pour qui n'avait pas de fils.
J'ai fait un bateau pour qui n'avait pas de bateau.
J'ai révéré mon père, j'ai été tendre pour ma mère et j'ai élevé leurs enfants. »
« Enseignement pour le roi Merikarê »écrit par son père, le roi Akhtoes III (v. 2100 av. J-C)
« Lorsque les membres du Tribunal sont en train de juger les misérables,
Tu sais qu'ils ne sont point tendres
Au jour où ils jugent les malheureux,
A l'heure où ils remplissent leur rôle.
Ne joue point à l'habile homme,
Et ne te fie pas à la longueur des années,
Parce qu'ils voient toute la durée de la vie comme une heure.
Quand l'homme demeure seul après le trépas,
Ses actions sont placées à côté de lui, en tas (…)
S'il atteint la mort sans avoir péché,
Il demeurera là-bas comme un dieu,
Marchant librement comme les Seigneurs de l'éternité. (…)
La vie divine déjà est promise à qui n'aura pas péché. »
Vers 1400 av. J-C, le culte d'Amon-Rê culminait avec l'offrande de Maât, déesse de la vérité, de la justice et de la bonne conduite, dans un très, très long hymne... qui est en grande partie proposé dans l'ouvrage de François Daumas.
Stèle de Béki (contemporain de Aménophis III) (v. 1400 av. J-C)
« Je fus un vrai juste, exempt de péché, ayant mis Dieu dans son cœur et bien informé de sa puissance.
Je suis venu à cette ville qui est dans l'éternité après avoir fait le bien sur terre : Je n'ai point fait de mal et n'ai point de faute à me reprocher.
Mon nom n'a été prononcé sur aucune action vile ni aucun péché ;
mais je me suis réjoui de dire la vérité car je sais qu'elle est utile à qui la pratique sur terre depuis le commencement jusqu'au trépas et que c'est une défense parfaite pour qui l'a dite en ce jour où arrive le tribunal qui discerne les intentions, juge la conduite, punit le pécheur et tranche son âme (…)
Écoutez ceci, copie de ce que j'ai dit, ô vous tous, hommes qui viendrez à l'existence : complaisez-vous dans la justice chaque jour, uniquement. On ne s'en rassasie pas et, le dieu, Seigneur d'Abydos, en vit tous les jours.
Pratiquez-la et elle vous sera utile : vous passerez votre existence en douceur de cœur jusqu'à votre coucher dans le bel Occident.
Votre âme aura le pouvoir d'entrer, sortir et se promener comme les Seigneurs de l’Éternité, qui dureront autant que les dieux primordiaux. »
Petosiris, Grand Prêtre de Thôt (v. 350 av. J-C) invite les visiteurs de son tombeau :
« Ô vivants actuellement sur terre et ceux qui sont encore à naître, qui viendrez vers cette montagne et verrez ce tombeau, venez, je ferai que vous soyez instruit des volontés de Dieu.
(…) Elle est bonne la route de celui qui est fidèle à Dieu ; c'est un béni celui que son cœur dirige vers elle.
(…) Si je suis arrivé ici, à la ville d'éternité, c'est que j'ai fait le bien sur terre, et que mon cœur s'est complu sur le chemin de Dieu, depuis mon enfance jusqu'à ce jour ; (…)
J'ai pratiqué la justice ; j'ai détesté l'inéquité ; (…) Je n'ai pas pris ce qui appartenait à autrui ; je n'ai fait de mal à personne ; (…)
J'ai fait tout cela en pensant que j'arriverais à Dieu après ma mort et parce que je savais que viendrait le jour des Seigneurs de la justice quand ils feront le partage, lors du jugement. »
En conclusion, les Égyptiens mirent à profit leurs singulières dispositions intellectuelles et esthétiques « pour organiser un système politique des plus ingénieux, des plus durables et des plus sûrs. »
Ils en sont venus à penser que « le monde était la propriété d'un démiurge créateur qui possédait l'univers parce que c'était son œuvre. Les Égyptiens surent faire de leur roi le fils de ce dieu. Et du coup, par-delà le droit éphémère d'une conquête, ils justifiaient juridiquement et métaphysiquement le pouvoir politique. Mais par là-même, ils se soumettaient à une norme inéluctable : le Dieu avait donné à son œuvre une loi fondamentale, Maât. Et le roi était tenu de la respecter et de la faire respecter partout. Ainsi la royauté divine prend la suite terrestre de la création temporelle et est un gage d'éternité. Si Maât était indispensable à Dieu, à plus forte raison l'était-elle au roi. » (10) p. 508
JPCiron
:: :: :: :: :: :: :: :: : NOTES :: :: :: :: :: :: :: ::
Publications et Ouvrages consultés :
….. (1) - « Apprivoiser la mort et naître au Ciel » – Yahan Picquart - Saint-Léger Éditions – 2019
….. (2) - « La mort et l’au-delà dans la bible » par Patrice Bergeron, Sébastien Doane et Yves Guillemette – Centre Biblique de Montréal – 2008
….. (3) - « La Bible » – Louis Segond – 1910
1 Samuel ch. 28 : Saül consulta une femme et lui dit : « Prédis-moi l'avenir en évoquant un mort, et fais-moi monter celui que je te dirai. » « Samuel dit à Saül : Pourquoi m'as-tu troublé, en me faisant monter ? » (…)
Matthieu ch. 22 : « à la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel. » « Dieu vous a dit : Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob ? Dieu n'est pas Dieu des morts, mais des vivants. »
Jean ch. 11 : « Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. »
1 Corinthiens ch. 15 ; « Comment les morts ressuscitent-ils, et avec quel corps reviennent-ils ? » (…) « Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible ; il ressuscite incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, il ressuscite plein de force ; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. »
Matthieu 25 : « Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. » (...) « Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle. »
….. (4) - « Zoroastre : sa Révolution Théologique » - JPCiron
https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/zoroastre-sa-revolution-210455
….. (5) - « Zoroastre : son Crédo et son Eschatologie (de la Genèse au Royaume de Dieu » - JPCiron - (Citations de l'AVESTA en Annexes)
https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/zoroastre-son-credo-et-son-210639
….. (6) - « Zoroastre : une Antériorité bien dérangeante » - JPCiron
https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/zoroastre-une-anteriorite-bien-211845
….. (7) - « La plus vieille religion » - Jean Bottero – Gallimard - 1998
….. (8) - « L'histoire commence à Sumer » - Samuel Noah Kramer – Arthaud – 1986
….. (9) - « Mythes Égyptiens » – George HART – Seuil 1993
….. (10) - « La Civilisation de l’Égypte Pharaonique » – François Daumas – Arthaud 1965
….. (11) - Dans ces temps anciens, les gens commerçaient sur de très grandes distances, de part et d'autre du « Croissant Fertile ». George Hart l'illustre avec le Commandant Djehouty, valeureux guerrier de l'état-major du roi Égyptien Thoutmôsis II (1490 – 1434) : sur la tombe du roi est mentionné à son propos qu'il est « celui qui approvisionne les entrepôts en lapis-lazuli, en argent, en or. » On sait par ailleurs que le lapis-lazuli venait de l'actuel Afghanistan, et l'Argent d'Anatolie.
….. (12) - « Le soleil puise l'énergie nécessaire à son lever dans les ténèbres qui sont le berceau de la lumière … La demeure de la vie absolue se trouve au royaume de la mort. » (William Brede Kristensen, historien des religions)
….. (13) - Le Texte des Sarcophages (v . 2200) et du Livre des Morts (dit Livre au sortir du jour) (v 1425) sont faits de pièces et de morceaux.
« C'est l'exposé de tous les moyens possibles employés pour arriver à s'assurer cette immortalité tant désirée depuis les procédés les plus matériels et les plus superstitieux jusqu'à la recherche de la pureté morale. » (10)
Le Livre de l'Amdouat (livre de ce qui est dans l'au-delà). C'est le plus ancien, et on le trouve dans plusieurs tombeaux :Thoutmôsis III (1425), Amenhotep II (1401), Séti Ier (1290), Ramsès VI (1143)
> Le Livre des Portes : tombes d'Horemheb (1307) ainsi que Ramsès VI et Séti 1er. Le Livre des Portes est daté de 1350 av . JC, mais rapporte un texte sacré avec formules de l'Ancienne Égypte. En outre, le dessin traditionnel des Portes reste fidèle aux constructions et créneaux ornés tel le ''khekherou'' de la pyramide à degrés de Djoser, à Saqqarah (v. 2600 av. JC)
> Livre des Grottes (Ramsès VI)
….. (14) – Gustave LEFEBVRE – Égyptologue et Helléniste (1879 – 1857) – Conservateur du Musée du Caire 1919 – 1928 – Directeur d’Études à La Sorbonne.
….. (15) – Petit résumé bien ficelé du ''Mythe d'Osiris'' :
http://ww2.ac-poitiers.fr/histoire-arts/IMG/pdf/Le_mythe_d_Osiris.pdf
….. (16) - « Zoroastre, les Mages et les Mazdéens » par JPCiron
https://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=211383
….. (17) - « Maât, ordre social et inégalités dans l’Égypte ancienne » par Bernadette Menu (Droit et Culture – journals.openedition.org)
Idéogramme cunéiforme Achéménide signifiant ''Ahura Mazda'' (Seigneur Sagesse) ( Source : Ager, Simon. "Omniglot - writing systems and languages of the world"- December 2018 – www.omniglot.com )
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