La com’ du pape François se déchaîne
Il n’avait pas 15 ans, comme son prédécesseur du temps d’Hitler, le pape François, quand Videla et ses séides ont instauré une dictature militaire. Dès 1986, un fervent catholique, relayant les accusations de jésuites victimes des tortionnaires militaires, mettait un doute son attitude dans leur arrestation. A défaut de contredire les faits énoncés, la com’ papale lance des attaques ad hominem contre un accusateur et fait se dédire le jésuite survivant.
Gilles Klein, dans un vite dit d’@arrêt sur images (Argentine : l'accusateur du pape, un "pittbull" de Kirchner (WSJ)) se fait l’écho d’un article du Wall street journal présentant Horacio Verbitsky, rédacteur en chef du quotidien Pagina 12, et principal détracteur du nouveau pape François, comme le "pitbull" du gouvernement de Cristina Kirchner que l'ancien responsable des Jésuites argentins a régulièrement affronté (avec une pugnacité dont il n’avait pas fait preuve du temps de la junte militaire, est-on tenté d’ajouter). "Les Argentins qui veulent transformer leur pays en un nouveau Vénézuéla considèrent le pape François comme un obstacle". Un Wall street journal papiste voilà qui surprend un peu. Mary O'Grady, la spécialiste de l'Amérique Latine au Wall Street Journal écrit donc "On aurait pu s'attendre à ce que les autorités argentines soient fières que le pays ait nourri un homme célébré dans le monde entier. Au lieu de cela les journalistes pitbull au service du gouvernement Kirchner - comme Horacio Verbitsky, ex-membre du mouvement de guérilla des Monteneros, et actuel rédacteur en chef du quotidien pro-gouvernemntal Pagina 12* - ont immédiatement lancé une campagne d'insinuations et de rumeurs contre le nouveau pape ausi bien dans le pays que dans la presse internationale."
A noter que dans ce futur Vénézuela, à part Pagina 12, toute la presse a chanté les louanges du pape François. A noter aussi que le candidat chaviste du Venezuela a prêté à Chavez le rôle d'intercesseur auprès du christ pour l'élection d'un pape latino-américain.
Certes Horacio Verbritsky fut membre des Tupamaros – sauf erreur l’actuel Président de l’Uruguay, Pepe Mujica, le fut aussi. Certes il a dû participer à un attentat contre la police argentine, mais cette attaque a eu lieu quelques mois après le coup d’état militaire. Que la journaliste états-unienne considère cela comme du terrorisme, on le comprend, vu que les Etats-Unis ont soutenu les généraux putschistes, comme ils ont soutenu Pinochet au Chili. Etait-il totalement illégitime que des résistants à ce coup d’état s’en prennent à des policiers, agents de la répression aveugle ?
Mais ce n’est pas la question, finalement. H. Verbritsky, n’a pas attendu 2013 pour dénoncer le rôle de Bergoglio pendant la dictature. El silencio date de 2005. Comme je l’indique – mais je n’ai que le mérite d’avoir fait traduire un article récent de Verbritsky – Cambio de piel H. V. rappelle que les premières accusations contre Bergoglio ont été formulées avant que son journal soit créé, par Emilio F Mignone, un catholique fervent (directeur du « flambeau » l’organe de l’action catholique, notamment). Son livre, Iglesia y dictadura, date de 1986. Pour Mignone, le fait que, pour refus de quitter le bidonville où les deux prêtres exerçaient leur ministère (manquement à l’obéissance), le Provincial leur ait retiré l’appartenance à la compagnie de Jésus, a été considérée comme une autorisation à leur arrestation. Bergoglio fait partie des “pastores que entregaron sus ovejas al enemigo sin defenderlas ni rescatarlas” (pasteurs qui ont livré leurs brebis à l’ennemi sans les défendre ni les délivrer).
Il est possible que ce que l’on fait dire à Jalics, maintenant que Bergoglio a changé de peau - "Orlando Yorio et moi même n'avons pas été dénoncés par le père Bergoglio" - soit exact. Mais ne correspond absolument pas à ce qu’il a écrit. Dans un livre de 1994, il explique que leur présence dans les bidonvilles était interprétée comme un soutien à la guérilla. Et ces calomnies étaient relayées par une personne qu’il ne nomme pas. « Je suis allé parler à la personne en question et je lui ai expliqué qu’il jouait avec nos vies. » Personne qui l’a assuré qu’il allait rectifier le tir, pratiquant sans doute l’art de la restriction mentale. Car, Jalics affirme clairement, en s’appuyant sur le témoignage d’un officier et une trentaine de documents auxquels il a pu avoir accès, que cette personne a rendu « la calomnie crédible ». Dès novembre 1977, à Rome, son collègue, Yorio, dans une lettre adressée à un haut responsable des jésuites, dit la même chose mais remplace “una persona” par Jorge Mario Bergoglio. Et il mentionne des racontars qui circulaient dans la compagnie de Jésus sur leurs prières bizarres, des relations avec les femmes, des liens avec la guérilla… "Je n’en crois pas mes yeux. Je suis si angoissée et furieuse que les bras m’en tombent. Il est arrivé à ses fins. C’est la personne idéale pour cacher la corruption morale, un expert ès cachotteries." Le message est signé de Graciela Yorio, la sœur du prêtre Orlando Yorio, qui a dénoncé Jorge Mario Bergoglio comme le responsable de son enlèvement et des actes de torture qu’il a subis pendant cinq mois en 1976. Orlando Yorio est décédé en 2000.
Il est remarquable que Mary O'Grady, la spécialiste de l'Amérique Latine au Wall Street Journal se contente d’insulter Verbritsky (pitbull) d’accuser son journal d’être le soutien de Kirchner* (ce qui est évidemment moins bien que de se mettre sous le patronage de Wall street !) et lui-même d’être un membre des tupomaros, mais se contente de mentir en prétendant que c’est après l’élection de Bergoglio que Pagina12 aurait lancé une « campagne d’insinuations et de rumeurs ». Pagina12 avance des faits et des témoignages précis. Soit, les deux jésuites – Yorio et Jalics - sont des affabulateurs, soit ils ont dit la vérité. Si Mme O’Grady se confrontait aux faits, aux témoignages et ne se contentait pas d’un procès en pitbullerie, ça ressemblerait peut-être à du journalisme.
Jorge Mario Bergoglio n’a sans doute pas « dénoncé » explicitement, Yorio et Jalics. En ce sens, l’assertion prêtée à Jalics est peut-être exacte. Mais comme le disaient les deux jésuites, il a accrédité les calomnies qui couraient sur eux – et il a continué de le faire à l’encontre de Jalics pour empêcher son retour en Argentine après sa libération et expulsion. Il a même pu, comme il le prétend, jouer un rôle dans la fin de leur calvaire, au bout de cinq mois. Mais non seulement il n’a pas fait preuve de l’agressivité, qu’il a montrée face aux Kirschner, à l’encontre des généraux félons, mais encore en 2007, il considérait que le procès du complice des tortionnaires, l’aumônier von Wernich, relevait d’une opération calomnieuse sur l’attitude de l’église pendant la dictature militaire.
Mais l’opération de com’ marche : ceux qui avaient à peine évoqué les forts soupçons qui pesaient sur l’attitude de Jorge Mario Bergoglio, Provincial des jésuites, pendant la dictature, orchestrent avec fracas le témoignage de moralité d’un Prix Nobel de la Paix et la très jésuitique disculpation que l’on met dans la bouche de Jalics.
* Mary O’Grady omet de rappeler que Clarin et La Nación, principaux journaux argentins, furent eux pro-dictature militaire. Faudrait-il, comme elle le fait pour Pagina 12, en déduire quelque chose sur leurs applaudissements à l’élection d’un pape argentin ?
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