La laïcité et Dieu
Deux articles ont paru le 6 février 2006 dans le journal italien « La Stampa » http://www.lastampa.it/ : « Dieu sert aux lois », écrit par Angelo Scola, cardinal patriarche de Venise et « Les valeurs laïques sont autosuffisantes », écrit par Gian Enrico Rusconi, professeur à l’Université de Turin et journaliste à « La Stampa ». Dans ces deux articles, on retrouve l’opposition laïcité - catholicisme, qui a été plus ou moins vive suivant les époques.
Scola précise que la
La laïcité n’a de sens que si elle s’inscrit la démocratie avec, entre autres, la ratification des grands traités internationaux relatifs aux droits humains. Une procédure est sous-tendue par des valeurs. Un Etat démocratique, un Etat dictatorial, un Etat monarchique, un Etat théocratique, ... n’utilisent pas les mêmes procédures. Il me semble donc difficile de prétendre que la procédure démocratique ne produit pas de valeurs.
Scola reproche à la raison « laïque » d’être neutre (dans la sens a-chrétien, a-religieux, a-métaphysique, etc.), de faire abstraction des références transcendantales. Rusconi est en désaccord avec l’idée que seules les valeurs religieuses dans le domaine public et législatif peuvent pallier le manque de valeurs incorporées dans la démocratie occidentale. Il affirme que "La démocratie est laïquement autosuffisante" : elle permet la vie en commun de citoyens ayant des opinions et des valeurs morales différentes.
La laïcité, qui s’est construite pour réduire l’influence de l’Église sur le politique et le social, est en mesure d’assurer une coexistence des différentes religions. La religion est du domaine de la sphère privée. L’Église entend faire entrer le religieux et la transcendance dans le débat public.
Un catholique intervient dans le débat public et argumente en fonction de ses convictions, au même titre que tout citoyen. L’Église veut intervenir dans ce débat public en surajoutant ses valeurs, et en les présentant comme nécessaires.s
Le Saint-Siège est une entité juridique chapeautant à la fois l’Église catholique et l’État de la Cité du Vatican. L’Église catholique admet uniquement la reconnaissance du Saint-Siège par un État.
L’Église refuse de dissocier le caractère civil et religieux du Saint-Siège. Elle peut ainsi agir à la fois sur les plans diplomatique, religieux, moral et social.
Ni la Cité du Vatican ni le Saint-Siège ne sont signataires de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Ils ne sont pas non plus signataires du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni aux premier protocole additif, ni au second visant à abolir le peine de mort, ni à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ni le statut de la Cour pénale internationale. Par contre, le Saint-Siège a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que la Convention et le protocole relatifs au statut des réfugiés et la Convention et le protocole relatifs aux droits de l’enfance. Article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
Est-ce à cause de cet article que le Saint-Siège n’adhère pas à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ? Plus généralement quels sont les critères qui président aux choix de la non-ratification de certains traités internationaux relatifs aux droits humains ?
Ni l’Etat de la Cité du Vatican, ni le Saint-Siège ne sont membres de l’Union européenne, ni de l’ONU. Mais l’Église catholique dispose d’un siège d’observateur privilégié à l’ONU et elle sollicite la reconnaissance d’un nonce apostolique auprès de l’Union européenne. L’Église souhaite faire prendre en compte ses positions par les Etats et les organismes internationaux.
Le catholicisme romain est la seule religion à être représentée à l’ONU.
L’Église, comme la plupart des religions, présente une vison globalisante du monde. L’Église énonce une vérité qui est supérieure à toute autre : c’est la vérité. Elle se doit de la faire partager au plus grand nombre. Un croyant peut adopter différentes positions :
« Ma foi est la vérité, mais si j’étais né ailleurs, dans un contexte différent, mes convictions seraient autres, je comprends et admets donc que mon prochain partage des certitudes différentes des miennes ».
« Ma foi est la vérité, je m’engage à la faire partager à mon prochain en me plaçant si nécessaire hors des lois édictées par les hommes, en obéissant à la loi de Dieu annoncée par l’Église »
La première attitude me paraît correspondre tout à fait à la laïcité. La seconde correspond à celle de l’Église, qui, inévitablement, entre en concurrence avec la laïcité, puisqu’elle dénonce l’insuffisance des valeurs démocratiques.
Sur le site http://www.catholique.org/ , à l’article Un chrétien doit-il obéir à des lois injustes ? on trouve : La réponse ... est non, et la loi civile doit respecter la loi morale, i.e. la loi des hommes doit toujours respecter la loi de Dieu.
La loi de Dieu prime sur celle des hommes. Ceci confirme la prééminence des valeurs de l’Église sur celles de l’État laïque démocratique.
L’Église désigne la Communauté des chrétiens formant un corps social hiérarchiquement organisé, instituée par Jésus-Christ et ayant foi en lui. (Le Trésor de langue française informatisé : http://atilf.atilf.fr/ ). L’Église est loin d’être un corps social uniforme : les traditionnalistes, les membres de l’Opus Dei, les tenants de la théologie de la libération... introduisent une diversité dans l’unicité que veut présenter le Saint-Siège. Cette unité correspond à une prise de position totalitaire (dans le sens philosophique du terme) qui englobe la totalité de l’être humain (corps, esprit, âme, vie, mort...). Tous les chrétiens n’ont pas les mêmes conceptions morales, sociales et politiques, en revanche ils ont en commun leur foi en un Dieu aimant.
L’Église, par sa structure, tend à imposer une même conception morale, sociale, voire parfois politique à tous les croyants.
Comment peut-on faire coexister les différentes religions, détentrices multiples de la vérité, unique et multiple ? La démocratie laïque semble être une réponse à une convivialité partagée. Chacun est libre d’adhérer à une religion ou à aucune, à une spiritualité, à une philosophie, à un mouvement associatif... La laïcité démocratique se doit d’être vigilante face à chaque Église ou à chaque totalitarisme qui affirme des valeurs, transcendantes ou non, supérieures à celles de la démocratie.
La laïcité est un dénominateur commun à tous les citoyens.
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