Pâques 1096 : La Première Croisade
En réalité, ce n’était pas encore la vraie croisade, mais les appels passionnés du pape avaient suscité une telle ferveur religieuse que des villages entiers sont partis à pied dans une croisade populaire de paysans…

1. LE POURQUOI
Dans l’empire byzantine l’empereur Constantin avait instauré le christianisme comme religion officielle, et a fait édifier à Jérusalem, sur le tombeau du Christ, la basilique du Saint Sépulcre. Jérusalem et le Saint Sépulcre sont ainsi devenus le plus important symbole de la chrétienté, attirant tous les pèlerins vers la Terre Sainte. Au VII° siècle les musulmans, partis d’Arabie Saoudite, envahissaient toute cette partie du Moyen Orient et occupèrent Jérusalem. Ils accordèrent aux juifs et aux chrétiens le statut de dhimmi (les protégés) et s’engagèrent à reconnaître à ces derniers le droit de pratiquer leur religion, mais sous certaines conditions, notamment : ils devaient payer une taxe spéciale ;ils n’avaient pas le droit de construire ou même d’entretenir leurs lieux de culte ; il leur était interdit de mettre des selles sur leurs chevaux, de porter l’épée, de vendre des boissons fermentées ; ils devaient tondre le devant de leur tête et s’habiller toujours de la même manière, etc. La discrimination envers les chrétiens et le mauvais état du Saint Sépulcre, faute d’entretien, initialisaient l’idée d’une guerre pour aller délivrer Jérusalem des musulmans. Un autre facteur était le fait qu’en 1086 la reconquête par les chrétiens de l’Espagne fut brutalement stoppée par l’armée musulmane. La chrétienté semblait vaincue en Orient et en Occident.
2. LE DEROULEMENT
Le pape commença par faire parler un moine, Pierre l’Ermite, originaire du diocèse d’Amiens, et qui rentrait de Terre Sainte. Il raconta donc ce qu’il avait vu au cours de son pèlerinage : les problèmes qu’y rencontraient les chrétiens, l’état de déliquescence dans lequel était la Palestine, etc. Tous s’enthousiasmèrent en entendant ce discours, et il fut alors décidé de monter une expédition à laquelle tous participeraient ; chevaliers, paysans, brigands, moines, etc. Tous n’avaient qu’une idée en tête : combattre les musulmans et délivrer le tombeau du christ. L'enthousiasme pour la croisade fut énorme : des dizaines de milliers de personnes, y compris les femmes, les vieillards, les enfants, se déclarèrent prêtes à partir libérer le Saint-Sépulcre. La ferveur religieuse fut le moteur principal de cet immense élan. Mais d'autres facteurs alimentaient aussi l’ enthousiasme. Le pape délia serviteurs et vassaux de leur serment de fidélité envers leurs seigneurs durant toute la période de la croisade. C'était une aubaine pour des centaines de petits vassaux, mais encore plus pour des milliers de paysans et de serfs, pour lesquelles la croisade était l'occasion inespérée de sortir de leur condition et de devenir riches. L'indulgence plénière, c'est-à-dire le pardon de tous les péchés qu'ils avaient commis, était en outre accordé aux croisés.
Des villages entiers sont partis à pied pour se rendre en l'Orient. C'était une croisade populaire de paysans mal armés et peu organisés. A Constantinople, à l'époque une des plus belles villes du monde, la population était affolée de voir cette cohorte de misérables venue de l'autre côté du continent. On ne les laissa pas entrer en ville, et après avoir franchi le Bosphore ils se firent tous massacrer par les Turcs. On compta 12,000 morts.
La vraie croisade, celle des nobles et chevaliers, arriva à Constantinople en mai 1097. Deux ans plus tard ils mirent le siège devant Jérusalem et réussirent à prendre la cité en juillet 1099. Les croisés se livrèrent alors à une tuerie des plus sauvages, mais ce massacre, que l'on qualifierait aujourd'hui comme "crime de guerre" , était un acte couramment perpétré par tous les soldats de l'époque, chrétiens comme musulmans.
3. UNE EVALUATION
Les croisades et l’inquisition sont couramment évoquées comme exemples de l’intolérance et l’inhumanité de la religion chrétienne. C’est confondre le christianisme et l’institution de l’Eglise. Si l’Ancien Testament est plein d’incitations à la violence, le Christ a toujours corrigé ces excès. L’enseignement du Christ est un message de l’amour, strictement non-violent. Discréditer le christianisme en ne l'associant qu’aux croisades est un argument sans fondement. Non seulement la guerre sainte, mais toute violence est totalement étrangère au christianisme. Si l'on considère que les croisades étaient injustifiables, le reproche visera l'Eglise mais non pas le christianisme. Ce sont les papes qui ont lancé les croisades et entraîné les chrétiens dans la guerre contre les musulmans, et c’est bien eux qui portent la responsabilité pour les massacres. Avec leurs appels passionnés pour la libération de Jérusalem, les papes ont réussi a réunir les chrétiens d’Europe sous le symbole de la croix. En promouvant les croisades, l'Eglise voulait défendre le christianisme contre les conquêtes musulmanes au Moyen Orient et en Europe, et les croisades ont effectivement réussi à protéger les chrétiens d'Orient pendant quelques siècles, mais leur extermination semble, aujourd'hui, programmée. D'aucuns pensent que le christianisme en Europe est également menacé.
Ce petit résumé ne peut rendre justice à l’histoire étonnante, aujourd’hui presque incroyable, de la première croisade. Il faut imaginer ce que pourrait représenter, au XI° siècle, un voyage à pied ou à cheval, depuis l’Auvergne ou la Lorraine jusqu’à la Palestine. En librairie on peut trouver de beaux livres sur le sujet, par exemple « La première croisade » de Jacques Heers (Poche).
Autres sources :
René Grousset, L'Epopée des croisades, Perrin, 1995
Cécile Morrison, Les Croisades, PUF, "Que sais-je ?", 2001
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