Quand la pédophilie n’est pas mise à l’index
Un prêtre catholique, connu comme "le prêtre des jeunes", (pure ironie) a été arrété récemment pour pédophilie en Italie. Un fait divers de plus ? Les arrestations de ce type se multiplient, dans un climat d'indifférence générale. Toutefois, l'Eglise fait mine de prendre la question au sérieux.
En effet, début février, pas moins de 200 responsables catholiques s'étaient réunis au Vatican pour un grand colloque contre la pédophilie. Ceux-ci, rassemblés à huis clos prétendaient en effet rechercher des solutions à ce fléau qui secoue l'Eglise depuis la fin du XXème siècle avec la révélation de trop nombreuses affaires d'abus sexuels répétitifs sur mineurs par des religieux. Oui, des prêtres, vous savez, ces hommes qui annoncent la Parole de Dieu, afin qu'elle éclaire et transforme la vie des hommes d'aujourd'hui ; ils la transforment en effet, mais quelle curieuse manière de le faire ! Par le biais d'une expérience indélébile, ils traumatisent des enfants pour le reste de leur vie qui s'enferment alors dans la honte, la peur et la culpabilité.
Ainsi, Benoît XVI a affirmé sa volonté d'assurer la protection des enfants mais aussi, et surtout, celle des adultes vulnérables, comprenez ces pauvres prêtres dénoncés au grand jour. Quelle hypocrisie ! Comment un pape peut-il parler de vérité libératrice, de devoir de témoignage et de partage alors qu'en avril dernier, le cardinal du Vatican responsable de l'ensemble des prêtres catholiques du monde a envoyé une lettre de félicitation et d'encouragement à un évêque français condamné à trois mois de prison pour ne pas avoir dénoncé un prêtre pédophile ? Cette lettre, transmise à l'ensemble des évêques du monde entier (soit plus de 5000) donne le ton, et résume ainsi la position de l'Eglise à tenir sur la question : « Je vous félicite de n'avoir pas dénoncé un prêtre à l'administration civile. Vous avez bien agi, et je me réjouis d'avoir un confrère dans l'épiscopat qui, aux yeux de l'Histoire et de tous les autres évêques du monde, aura préféré la prison plutôt que de dénoncer son Fils-prêtre. » déclare t'il. Comment Benoît XVI peut-il annoncer qu'il fera tout pour que ces viols ne se reproduisent pas alors même qu'un évêque répond au prêtre pédophile dont il a la charge : « de toute façon, pour moi tu seras toujours prêtre » ? Se protégeant les uns les autres en toute connaissance de cause, eux qui font partie d'une vaste communauté internationale avaient ainsi jusqu'à présent réussi à couvrir et étouffer bon nombre de ces affaires, qui pour certains n'étaient considérées uniquement comme un simple « pas de travers ». Un véritable système judiciaire parallèle s'est mis en place au Vatican, puisque les prêtres pédophiles, quand leur dossiers ne sont pas dissimulés, sont simplement déplacés dans une autre paroisse, ou se retirent dans un monastère. Vous me direz que c'était surtout vrai sous le pontificat de Jean-Paul II, trop occupé à faire la chasse aux évêques rouges en Amérique Latine pour s'attarder sur ce problème secondaire, et que depuis l'arrivée de Benoît XVI, qui a lui même avoué que des erreurs hiérarchiques avaient été commises, la situation a changé, à l'instar de ce colloque. En effet, le futur pape avait voulu lancer au début des années 2000 une enquête sur Maciel, le fondateur des Légionnaires du Christ au Mexique, qui s'est révélé mener une double vie : toxicomane, alcoolique, pédophile violant ses propre enfants de différentes mères, menteur, agressif... Celui-ci, protégé de Jean-Paul II et présenté comme un modèle de saint pour la jeunesse, avait alors bénéficié d'une immunité lui permettant de conserver sa place, son rôle, et son influence, et Ratzinger c'était vu empêcher l'accès à cette affaire. Imaginez donc l'état dans lequel devait se trouver Maciel début 2005, à la mort de Jean-Paul II. En effet Ratzinger, au courant de son imposture n'a pas tardé à sévir, et quelle sanction ! Il a aimablement conseillé à Maciel, âgé de 85 ans, de prendre sa retraite après 60 ans de sacerdoce, lui laissant ainsi terminer sa vie de manière confortable et en toute impunité. Après cet épisode significatif, comment Benoît XVI peut-il intituler cette conférence « guérison et renouvellement » ?
Alors oui, l'Eglise demande pardon, et compatis, et le pape déclare même en clôturant l'année du prêtre, quelle ironie, qu'il souhaite « que de tels abus ne puissent jamais plus survenir » mais persiste néanmoins à vouloir régler ses affaires en interne, rendant inaccessible à la police l'ensemble des dossiers secrets qu'il constitue.
D'autant que la loi va dans leur sens, ils bénéficient en effet de prescriptions, un principe selon lequel toute peine, lorsque celle-ci n'a pas été mise à exécution dans un certain délai fixé à 20 ans par la loi pour les crimes, ne peut plus être subie. Ce délai est bien souvent dépassé lorsque les victimes trouvent le courage de parler de leur calvaire, et les prêtres pédophiles ne peuvent donc plus être inquiétés.
Toutefois, on est obligés d'admettre que, depuis une décennie, on amorce un tournant. Il est vrai qu'une certaine intransigeance est désormais notable de la part de l'Eglise, quelques prêtres ayant été démis de leur fonction à cause d'abus sexuels ces dernières années, et on peut se demander pourquoi. La réponse est simple : l'argent. En effet, l'épiscopat américain, qui est le plus important financeur du Vatican s'est déclaré ruiné à cause des frais de justice (la bagatelle de 2 milliards), déboursés pour les procès intentés pas les victimes. Le gouvernement américain a ainsi officiellement reconnu l'existence de 4300 prêtres pédophiles dans le pays. Le Vatican doit donc demander plus de transparence, pour éviter la faillite.
Cette rencontre, vaste intervention de communication, va donc permettre d'envoyer un signal fort à l'opinion, même si le recteur de l'université où se tient le colloque se défend d'organiser une opération de relations publiques par un jeu de mot douteux : « Le pape a pris position de manière courageuse pour que nous allions non pas à la surface des problèmes mais au fond ».
Comment ne pas accueillir cette réunion sinon avec scepticisme ?
Mais bon, libre à vous de soutenir et de penser que l'Eglise est capable de se réformer radicalement, voire même de « devenir leader dans la protection des mineurs » comme le soutient le père Zollner. Les miracles, ça existe !
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