Savoir croire
Tout homme doit savoir en quoi il a foi.
Cette phrase sonne comme une évidence mais fournir une réponse conséquente demande à chacun beaucoup d’effort et autant de bonne foi. Si vous ne vous sentez pas de taille pour cette aventure, vous pouvez abandonner dès à présent cette lecture. Pour les autres, j’espère montrer que la méconnaissance personnelle de sa foi est une des raisons du délitement de la France et de ses habitants. Si vous avez pour dogme eschatologique et rationaliste que sur Terre la Foi sera détruite par la Raison à la fin des temps, alors vous pouvez également vous épargner cette lecture. Si en revanche pour vous, les siècles de questionnements sur la Foi par des générations successives d’hommes et de femmes ne sont pas à mettre dans les poubelles de l’Histoire suite à l’arrivée « providentielle » des Lumières de la Raison, alors nous pouvons continuer.
La foi excessive en la raison conduit au rationalisme et l’esprit est alors abandonné à lui-même. René Descartes rappelle dans l’introduction au « Discours de la méthode » que chacun mesure sa raison dans la mesure de la sienne. Chacun se targue de posséder suffisamment de raison dans la mesure qu’il ne juge qu’avec elle. Si vous refusez le fait que vous croyez ou ayez la possibilité d’avoir tort, alors vous vous refermez sur vous-même. L’obsession du succès de l’ego s’oppose à l’entendement de ce Monde.
La Raison partagée enchante les hommes car elle peut les relier positivement dans le vrai. Dans les lettres très respectueuses échangées entre Blaise Pascal et Pierre de Fermat en 1654, les deux hommes partagent leurs découvertes sur un problème de jeu initiant le champ des mathématiques combinatoires. Leurs lettres soulignent autant le bonheur de toucher une vérité que de partager un résultat scientifique et un raisonnement. Des concepts communs aux mathématiques probabilistes et à la foi sont là : valeur, espérance, vérité, preuve, raisonnement. Des réflexions sur la propriété des biens joués, la fortune, le hasard, l’incertitude et l'équité suscitent d’autant plus l’intérêt pour Blaise Pascal dans ce problème de circonstance.
Malheureusement la raison n’est pas toujours tenue par des esprits aussi droits. L’homme par l’usage de sa raison masque ses croyances sous les couches de savoir et de raisonnement. Ce n’est pas la raison qui est maligne mais l’homme qui est faible. Dans le problème de jeu évoqué, un homme sans autant de foi que Pascal aurait usé de sa raison pour s’enrichir ou s’enorgueillir mais grâce à sa vertu c’est l’exact opposé qu'il se produit. La Raison a été sacralisée par les Lumières et la Révolution française. Au final, aujourd’hui la raison qui domine est celle du plus riche matériellement et toujours la plus conforme à ses intérêts. Les incertitudes de la foi sont vues par le totalitarisme de la raison comme de la faiblesse.
Une bonne question que l’on doit se poser dans la vie est la suivante : « Avons-nous honte de notre foi ? ». Si vous considérez négativement la Foi comme un espace que notre Raison n’a pas su maitriser alors vous demeurez dans la frustration des limites de votre finitude et de votre raison. En revanche, si vous acceptez que nous vivons de foi qui s’appuie sur de la raison, vous vous réconcilierez avec vous-même et le monde. Les zones que nous ne parvenons pas à explorer avec notre raison sont les plus importantes. La connaissance n’est pas un état inné et notre condition humaine ne nous permettra pas de tout apprendre. Il faut donc composer avec notre foi. Nous passons alors le relais du savoir à d’autres et nous nous appuyons sur eux : nous nous en remettons à l’autre. Par conséquent, travailler sa foi en pleine conscience est une activité humaine noble. L’interroger, la questionner, permet de l’enrichir, la consolider voire de la modifier. Quelque fois il est nécessaire de remettre en cause l’ancienne foi quitte à se bouleverser l’âme comme l’a fait Augustin d’Hippone.
Quelle foi adopter ?
Il y a la foi du charbonnier qui est crédulité d’un homme simple, qui croit sans examen tout ce que l’Eglise enseigne. Il y a la foi évoqué dans le « Livre des Hébreux » au Chapitre VI. Il y a la foi passive dans les horoscopes, la publicité, les comédiens, les journalistes des puissances de l’argent. Mais il y a aussi la foi dans les institutions de la République maçonnique, la laïcité, la démocratie de spectacle, les droits de l’homme de la civilisation porteuse des lumières de la raison du genre humain qui masque avec ses écrans technologiques et ses beaux discours la religion barbare du Veau d’or et des princes des ténèbres de ce monde. Beaucoup ont une foi à l’image fournie par cette Matrice sans même avoir conscience de cette foi. Et devant cette société de spectacle qu’évoque bien Guy Debord, l’image de la matrice devient but et fin. L’image matricielle masque le vrai tout en devenant objet d’idolâtrie inconsciente. Le mythe de la caverne de Platon s’est numérisé mais demeure. De vos téléviseurs, vos radios, vos écrans, les medias relaient les « célébrités de spectacle » ou des « clowns politiques » insignifiants, des publicités ou des musiques afin de vous dégrader et vous déconnecter du réel. Prenons l’exemple de l’ipod objet de vénération matérielle. Il connectera vos yeux et votre esprit à ce monde virtuel mais il ne vous permettra jamais d’être présent : être ici et maintenant avec le Cosmos, la Nature, les animaux et les hommes créés par Dieu. N’étant pas présent, vous ne relierez jamais votre esprit à l’Etre, au Logos et à la Vérité. Vous ne pouvez construire une foi solide. La Révolution Française vous a séparé de Dieu, la révolution industrielle de la Nature mère nourricière, la révolution sexuelle de l’Amour et la révolution numérique vous séparera du Réel.
Aux scribes et aux pharisiens qui ont enlevé aux peuple les clés de la connaissance sont venus se rajouter les medias asservis aux puissances de l’argent exigeant votre foi dogmatique dans la Matrice du mensonge. Tout infidèle à leurs idoles de fange reçoit l’anathème du qualificatif « théoricien du complot », d’appeleur à la haine, de négationnisme... Il y a pourtant bien un complot, il est contre Dieu et mené par le grand négateur : Satan. A vous de savoir si vous êtes sur le bon chemin ou si les intimidateurs ont eu raison de vous. A vous de savoir si vous avez la foi ou si vous ne l’avez pas. Dans les cahiers de Maria Valtorta de 1943, le réveil peut s’apparenter à cela : « En voyant s’écrouler les idoles de fange que vous avez érigés à la place du vrai Dieu, vous saurez que vous avez adoré des choses immondes et vous n’aurez plus la foi. Foi en rien. Ni dans le vrai, ni dans le faux. »
L’exercice de la foi est une épreuve humaine car elle nous renvoie à notre finitude, déstabilise "psychologiquement" intimement et nous place devant des faits à comprendre mais d'abord à accepter. Quelqu’un d'agressif dira ceci : "C'est ce que tu crois" révélant l'aspect intime du croyant et de la relativité de sa foi. Pour quelqu’un de croyant cela ne pose aucun problème à entendre. Oui, je crois et cela a une dimension intime et personnel. Mais cela prend une dimension scandaleuse pour un esprit non croyant qui recherche la majorité démocratique raisonnable. Le nombre devient un objet d’argumentation : si je pense comme les plus nombreux alors je suis dans le vrai, j'ai la majorité et si possible encore scientifique, journalistique, ou d’une autre autorité que la Matrice fournira. Ce n'est pas de la raison, c’est une foi à la majorité mais surtout c’est du copiage. Quand vous étiez enfant, peut être vous a-t-on encouragé à penser par vous-même en vous guidant. Dans la vie soit vous jouez le jeu de penser, de vous interroger et d'apprendre soit vous copiez mais vous obtiendrez une copie de l'air du temps et votre vie aura la valeur d'une feuille morte. Soit vous avez la foi soit vous vivez en mort-vivant.
La quête de la foi révèle ce que nous sommes en mesure d'entendre, de comprendre, d'ignorer...La foi est un équilibre psychique d'ouverture au monde dans le rapport du moi au monde. Si vous n'avez pas une foi, vous ne pouvez vous émerveillez, regarder, apprendre et découvrir. La philosophie nous restreint à un sujet pensant. La philosophie de la foi c'est penser sans être, spéculer sans s'impliquer dans l'existence. L’idolâtrie du savoir et de la connaissance vous fait courir un danger comme celui du savant Faust du conte de Goethe. De même, le serpent va raisonner Eve pour l’inciter à accéder aux fruits de l’arbre défendu de la connaissance du Mal. Sans foi, vous n'avez pas l'humilité de l'ignorance qui permet d'apprendre. Quant à l’agnosticisme il ne vous permettra pas de faire trois pas dans ce monde car ces pas seront injustifiables sans recourir à la foi. Au final, vous n’irez pas loin dans votre vie.
La foi est une attitude intérieure par laquelle on croit avec un réel engagement et un assentiment plus ferme que la simple croyance. Elle se fonde sur un témoignage. « Ma foi est ma synthèse » dit Marc Nédoncelle. La foi comporte un engagement qui doit orienter l’être tout entier. L’activité philosophique de l’esprit peut être une préparation rationnelle à la foi. Mais la foi franchit l’espace entre l’homme pensant et Dieu. Frédéric Morren écrit « En effet, tout chrétien sait (ou devrait savoir !) que l'adhésion de foi repose sur trois piliers, la grâce, la volonté libre et la raison ». Dans la perspective catholique, l’assentiment de la foi est décrit comme une adhésion de l’intelligence, mue par la volonté, sous l’action illuminatrice et inspiratrice de la grâce. La grâce est un don proposé et reçu, la volonté un consentement personnel et libre, l’intelligence une connaissance.
La foi est une construction personnelle et fragile. Jésus offre du temps et respecte ses disciples dans leur long cheminement intérieur autour du lac de Tibériade. De nombreuses pages des Evangiles présentent des rencontres, des paraboles, et parfois des miracles qui sont tout un enseignement afin d'éveiller doucement ceux qui se donnent la peine de chercher et d'écouter. La sensibilité dans notre foi nous est propre et les premiers apôtres et disciples montrent chacun de grandes différences en ce domaine. Les malheurs et difficultés qu’ils croisent permettent parfois d'être plus ouvert et aide à construire une foi en lui fils de Dieu. Rien à voir avec la foi de spectacle des « Je suis Charlie » bâtie sur le terrorisme émotionnel de contrefaçon et le dogme sacré de « Charlie Hebdo= liberté d’expression ».
Humainement, l'honnêteté vous est indispensable. Sans honnêteté, vous ne serez capable d'entamer un cheminement vers la recherche de la vérité car vous serez toujours à vous mentir. Finalement vous demeurerez prisonnier de vous même. La foi est une affaire personnelle. Comme elle est humaine, il est possible que nous nous méprenions. C'est pour cela qu’il faut la bâtir avec l’assemblée marchant comme nous devons le faire dans la droiture : l’Eglise.
La foi est le tuteur de l’âme et l’inconscience en ce domaine est une réelle perdition.
Maria Valtorta révèle cela avec plus de beauté et de simplicité :
« Celui qui possède la foi possède le chemin de vie. Celui qui sait croire n’erre pas »
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