Attention à l’automédication chez les personnes âgées durant l’épidémie de Covid-19
Un enjeu de santé publique ; la bonne continuité des soins
La nécessité d’observer les bonnes prescriptions chez les personnes âgées (PA) est d’actualité plus que jamais en cette période difficile. L’intoxication médicamenteuse est déjà une des premières causes d'hospitalisation de cette catégorie de malades en France comme au Maghreb en temps normal. Une étude réalisée en France en 2015 par l’association et revue Que Choisir Santé avait même montré que 40 % des prescriptions médicales pour les PA étaient inappropriées, c'est-à-dire injustifiées ou mal adaptées sans forcément être dangereuses !
Il faut donc encourager les PA à poursuivre correctement leurs traitements prescrits par leur médecin et à éviter toute automédication préjudiciable à leur santé. Il s’agit d’éviter de surajouter à l’épidémie du coronavirus qui atteint une partie d’entre elles une seconde crise sanitaire causée par une défaillance des soins au quotidien dans cette population, en particulier dans des pays plus pauvres comme le Maroc et tous ceux du continent africain.

Automédication ou surdosage : halte à l’intoxication médicamenteuse
La prise de médicaments, même anodins en apparence, présente toujours des risques d’effets secondaires. Le vieillissement physiologique et la fréquence de maladies associées chez la PA accroît ce danger. Les médicaments restent en plus grande quantité et plus longtemps dans l’organisme d’une personne âgée. Leur élimination rénale ralentie, leur accumulation dans les graisses et leur passage plus agressif dans le cerveau rendent de fait les PA beaucoup plus fragiles face aux médicaments. Ainsi, le paracétamol s’élimine deux fois plus lentement, le diazepam utilisé notamment dans l’anxiété (valium), quatre fois plus lentement : il faut 80 heures - 3 jours ! - pour éliminer la moitié de la dose donnée de ce dernier médicament qui, avec une prise quotidienne, peut s’accumuler jusqu’à l’intoxication.
De même enfin est à proscrire l’emploi en automédication Plaquenil (hydroxychloroquine) chez une PA pour la prémunir ou la soigner du coronavirus à cause notamment de ses risques cardiaques, hématologiques, oculaires ou allergiques.
Des traitements à poursuivre
Les personnes âgées (PA) doivent continuer leurs traitements existants (et même ceux qui diminuent leur système immunitaire) en demandant conseils à leurs médecins pour leurs adaptations éventuelles. Et cela afin de préserver aussi leurs capacités physiques en cas de contamination par le Cov-19.
Un arrêt brutal ou l’inobservation d’une thérapeutique se révèle en effet souvent dangereuse. Ainsi l’arrêt des corticoïdes (cortisone) lors d’un traitement au long cours doit impérativement être progressif. Tout arrêt brutal expose le patient a une insuffisance surrénalienne aigue. En effet la prise de corticoïdes de synthèse bloque la sécrétion des corticoïdes naturels produits par les glandes surrénales. Il faut donc s’assurer que ces glandes ont bien pris le relais avant l’arrêt définitif des corticoïdes de synthèse. Sinon, cet arrêt est susceptible de provoquer une insuffisance surrénalienne aigue, mortelle si elle n’est pas prise en charge immédiatement.
De même, l'arrêt du traitement par les bêtabloquants, employés souvent dans l’hypertension, les cardiopathies ou les troubles du rythme (tachycardie), se réalise par réduction progressive de la dose sur une à deux semaines, une suspension brutale provoquant des troubles potentiellement mortels dans certains cas.
La disponibilité des médicaments tout au long de cette crise est donc un enjeu majeur de santé publique pour garder en bon état physique nos seniors et aussi l’ensemble de la population, en particulier en Afrique
Casablanca, le 3 avril 2020
Dr MOUSSAYER KHADIJA الدكتورة خديجة موسيار
اختصاصية في الطب الباطني و أمراض الشيخوخة Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie
Présidente de l’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM) رئيسة ائتلاف الأمراض النادرة المغرب
Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)
رئيسة الجمعية المغربية لأمراض المناعة الذاتية و والجهازية
Annexe : La population vieillit au Maroc !
Le Maroc connaît une mutation de sa démographie, marquée par un vieillissement de sa population, conséquence du fléchissement de la fécondité et de l'allongement de la durée de vie. Les PA représentaient 4 % de la population en 1960, 10 % en 2015 (soit plus de 3 millions) et passeront à 14 % en 2025 et 25 % en 2050. Leur population augmente également de 3,3 % par an contre 0,3 % pour la population globale et la moitié d’entre eux ont plus de 66,7 ans.
Sources utiles
- Halte à l’overdose pour les personnes âgées ! Que Choisir Santé 28/01/2015
- 30% des hospitalisations chez les personnes âgées liées à une médication inappropriée, Communiqué Université catholique de Louvain (UCL) 30 septembre 2016
- La iatrogénie médicamenteuse, ameli.fr 05 juillet 2018
https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/la-iatrogenie-medicamenteuse/iatrogenie-medicamenteuse
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