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Banques de sang de cordon : comment la nouvelle loi bioéthique va légaliser une dérive mercantile avérée, qui dure depuis des années


En France, on est attachés avant tout aux Principes, même si lesdits principes nous coûtent cher. Ainsi, le principe de précaution, récemment inscrit dans la constitution, a coûté, à cause d’une "menace qui a fait Pschiittt" (Professeur Guy Vallancien, Institut Mutualiste Montsouris, Paris) ou d’une "grippette" (Professeur Bernard Debré, Hôpital Cochin, Paris) ... 2,2 milliards d’Euros. Vous avez bien lu. Sur BFM, la radio de l’économie, on annonçait fin septembre 2010 que les économies à réaliser sur l’année qui vient, afin de limiter le déficit de la Sécu (le fameux "trou") s’élèveraient à ... 2,5 milliards d’Euros. Ceci expliquant cela. Voici un autre exemple d’attachement aux Principes. Afin de respecter le principe de gratuité et d’anonymat inscrit dans les lois bioéthiques qui réglementent le don et le stockage du sang de cordon ombilical permettant de guérir des leucémies, il n’est pas question d’autoriser les banques de sang de cordon privées ou semi-privées en France, car il y aurait une menace de "dérive mercantile" (Professeur Axel Kahn). On n’hésite donc pas à importer du sang provenant de banques de sang de cordon privées américaines, nous coûtant dix à douze fois et demie plus cher. "Pour un sang de cordon qui coûte, à la production, 2.000 euros [en France], on va importer des USA le même produit qui coûte 25.000 euros !" (Professeur Eliane Gluckman). Source : Professeur Eliane Gluckman, pionnière de la greffe de sang de cordon et professeur d’hématologie à l’hôpital Saint-Louis de Paris, à l’ENS en avril 2010 : "Cordons, source de vie." Comme ces banques privées ne se situent pas sur le territoire français, l’honneur est sauf. Les principes d’anonymat et de gratuité sont respectés. Petit décryptage ...

Le sang du cordon ombilical est riche en cellules souches à très fort potentiel thérapeutique, dont nous sommes loin d’avoir exploré toutes les potentialités, faute de moyens et de volonté politique. La greffe de sang de cordon remplacera la greffe de moelle osseuse dans le traitement des maladies graves du sang. Or le moins qu’on puisse dire, c’est que la transition ne s’effectue pas en douceur …
Carine Camby, ancienne directrice de l’Agence de la biomédecine :
“Ces banques ne vendent que du vent !” (Le Point)
Professeur Axel Kahn, directeur de l’Institut Cochin (Paris-V) :
“Ces promesses sont aujourd’hui mensongères mais, là encore, pas totalement fantasmagoriques. Avec les cellules-souches de sang de cordon, il est crédible que l’on puisse soigner certaines maladies du sang (…) des enfants. On n’est néanmoins pas sûr d’en avoir assez. Quant à soigner les autres maladies dont pourrait souffrir cet enfant, affectant d’autres tissus que le sang, la perspective en est beaucoup plus incertaine. Mais, comme je l’ai dit, la crédibilité d’une promesse commerciale n’est pas indispensable au succès du business.” “Cellules souches embryonnaires, la nouvelle donne”, chat avec Axel Kahn, Le Monde (30/08/2006)
Comité national d’éthique :
“Les indications actuelles sont à peu près inexistantes” et “les publicités pour de telles banques créent à dessein une ambiguïté entre cette absence d’indication et l’utilisation potentielle future des propriétés des cellules souches”.
(Position du comité édictée en 1996 et réitérée en 2004)
J’ai suivi avec attention la présentation du Professeur Eliane Gluckman, pionnière de la greffe de sang de cordon et professeur d’hématologie à l’hôpital Saint-Louis de Paris, à l’ENS en avril 2010 : “Cordons, source de vie.”
Le sang prélevé à partir du cordon ombilical lors de la naissance d’un bébé, pour peu que ce bébé ne soit pas atteint d’une leucémie par exemple, contient des cellules souches qui peuvent guérir certaines maladies du sang.
Or la France manque de sang de cordon ombilical prélevé à la naissance du bébé. Nous aurions 8.500 unités disponibles pour 40 000 demandes, au point que nous devons acheter des greffons à l’étranger pour un montant de 15 000 à 25 000 euros l’unité ! (Source : Genéthique, revue de presse, septembre 2010).
"La sénatrice UMP Marie-Thérèse Hermange et le Pr. Eliane Gluckman, auteur en 1988 de la première greffe de sang de cordon au monde, ont créé CorDon Source de vie, une association visant à promouvoir et développer le don de sang de cordon entre fratries afin de traiter des maladies de sang héréditaires. ‘Nous voulons’, explique le Pr. Eliane Gluckman ’développer des banques familiales mutualisées gratuites pour permettre un don dirigé au sein des fratries’. Marie-Thérèse Hermange précise qu’il s’agit avec cette association de ’développer la collecte de sang de cordon dans le respect de la qualité et de l’éthique du don solidaire’.
Le sang de cordon ombilical, prélevé à la naissance, est riche en cellules souches hématopoïétiques (CSH), présentes également dans la moelle osseuse. La France dispose aujourd’hui de 6 banques publiques stockant près de 10 000 unités de sang de cordon. Elles sont alimentées de dons gratuits et volontaires et leur visée est ’allogénique’ : le donneur et le receveur sont distincts et non apparentés. Actuellement, 64 pour cent des unités de sang de cordon greffées en France proviennent de l’étranger selon l’Agence de la biomédecine : les médecins font appel à des registres étrangers lorsqu’ils ne trouvent pas de greffon compatible dans les banques françaises. D’ici à 2013, 25 millions d’euros seront investis dans le cadre du plan cancer afin de développer de nouvelles banques de stockage en France et obtenir 30 000 unités de sang de cordon.
Alors que des banques privées à visée commerciale cherchent à s’installer dans l’hexagone en évoquant l’actuelle ’pénurie’ de greffons, et en proposant la conservation autologue de sang de cordon, plusieurs praticiens, notamment les greffeurs de moelle, s’y opposent et l’Agence de la biomédecine affirme que cette pratique est aujourd’hui ‘sans fondement scientifique et donc inutile’.
L’association CorDon Source de vie a un projet différent car il s’agit de monter des banques gratuites offrant la possibilité d’un don apparenté aux familles qui peuvent en avoir besoin. Le sang de cordon d’un enfant pourra donc être stocké ’avec l’espoir de traiter son frère ou sa soeur’. Comme l’explique le Pr. Gluckman, le projet reste dans le cadre de la greffe allogénique mais permet, en utilisant un cordon apparenté, d’augmenter ’de manière sensible les chances de guérison’. Elle ajoute que les efforts seront d’abord concentrés sur ’la drépanocytose, une maladie héréditaire de l’hémoglobine, qui touche les enfants d’origine africaine qui sont relativement nombreux en France’."
Source : La Croix (Pierre Bienvault) 25/05/10
Conservation publique ou privée ? Conservation publique et privée ? Un débat qui dure depuis des années
Dans une banque publique, les parents décident de mettre les cellules souches à disposition d’autres personnes. Les cellules peuvent alors être utilisées pour sauver la vie d’un tiers, inconnue, qui présente une compatibilité avec le sang du donneur. Toutefois, les parents du donneur n’ont aucune garantie que les cellules souches restent disponibles pour leur propre enfant. En outre, seulement 30 à 50 % de tous les dons seraient effectivement conservés. Le reste serait détruit. La garantie que les cellules souches soient disponibles au moment où votre enfant en aurait besoin, ne pourrait être donnée que dans le cas d’une conservation dans une banque privée ou familiale.
De son côté, le généticien Axel Kahn dénonce, depuis 2006, un “mercantilisme de l’espoir”, formule qui qualifierait l’activité des banques privées. Il défend un système de banques de sang de cordon dit public, c’est-à-dire respectant les principes d’anonymat et de gratuité qui régissent le don d’organes et de tissus dans les lois bioéthiques, d’ailleurs actuellement en cours de révision.
“Dans une banque de sang familiale ou privée, on peut faire conserver, en tant que parent, le sang du cordon ombilical de son enfant, avec ses cellules souches. Les cellules souches sont alors disponibles pour un usage ultérieur, et possèdent une parfaite compatibilité avec l’enfant en question, et 25% de chance de former une parfaite compatibilité pour un frère ou une sœur.” (Cryo-Save Group, banque privée européenne de sang placentaire, juin 2010).
Dans une situation de pénurie de greffons de sang de cordon, le Professeur Axel Kahn reste méfiant envers les dérives mercantiles que constituerait à ses yeux la légalisation de banques de sang de cordon privées sur le sol français. Or le Professeur Eliane Gluckman, dans la présentation citée ci-dessus, dénonce une autre dérive mercantile :
"Pour un sang de cordon qui coûte, à la production, 2.000 euros [en France], on va importer des USA le même produit qui coûte 25.000 euros !"
Il s’agirait donc, pour la France, en contexte de pénurie, de se fournir en greffons de sang de cordon auprès de banques privées aux USA – celles justement interdites sur le territoire français afin de respecter les principes inscrits dans la loi bioéthique, anonymat et gratuité – en ce qui concerne la greffe de sang de cordon, ainsi que toute autre greffe : organes vitaux, tissus.
Il s’agirait donc de substituer, à une menace de dérive mercantile non avérée, une dérive mercantile avérée : celle consistant à importer un sang de cordon qui coûte, à l’unité, dix à douze fois plus cher que s’il était produit en France. C’est bien là une dérive mercantile que dénonce le Professeur Gluckman. Elle n’est pas la seule.
Pierre Le Coz, vice-président du Comité consultatif national d’éthique, regrette que “le projet de loi n’ouvre pas la voie à la conservation autologue [à usage privé] de sang de cordon. Alors que le nombre de greffes de sang placentaire crée une forte demande de conservation de sang de cordon, les banques allogéniques publiques, seules permises en France, ne contiennent que 8 500 unités pour un besoin estimé à 20 000 ou 40 000 greffons. Je suis choqué par la situation : c’est une dégringolade pour la France alors que nous étions pionniers, en 1987, avec la première greffe mondiale de sang de cordon effectuée par le Professeur Eliane Gluckman chez un enfant atteint d’un dysfonctionnement de la moelle osseuse. La médecine régénérative peut être une vraie révolution.”
Certains chercheurs, dont le Professeur Gluckman, ont pris position pour la légalisation des banques privées ou mixtes (qui permettent de préserver un mode de conservation fondé sur des dons non dédiés). Pour Pierre Le Coz, “les législateurs ne peuvent-ils pas trouver un système qui puisse permettre de poursuivre la recherche sur cette potentialité thérapeutique et protéger en même temps les citoyens d’une dérive autocentrée ? Il s’agit vraiment d’un manque d’imagination.”
Source : Le Quotidien du Médecin (Stéphanie Hasendahl) 06/09/10
C’est donc par manque d’imagination que, en matière de don et de conservation de sang de cordon ombilical en France, la nouvelle loi bioéthique va légaliser une dérive mercantile avérée, qui dure depuis des années. Le Professeur Axel Kahn, champion du don éthique, prône le respect des critères légaux d’anonymat et de gratuité pour le don et la conservation de sang de cordon, afin de lutter contre un “mercantilisme de l’espoir”. La dérive mercantile dénoncée par le Professeur Gluckman serait donc une dérive … éthique, à en croire l’auteur du livre paru en 2010, « Un type bien ne fait pas ça. » (avril 2010, Nil)
 
Un type bien ne fait pas ça ?
 
A lire sur le sujet : “Sang de cordon : l’étrange omerta.” Article de Laurent Grzybowski, La Vie, juillet 2007.
La pomme de Newton ? Non, la pomme de la discorde.

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12 réactions à cet article    


  • zelectron zelectron 14 octobre 2010 12:54

    Vous le savez bien, la médecine dans son quasi-ensemble a changé l’orthographe d’Hippocrate en hypocrite, que pouvons nous attendre de ces mandarins ? sauf à croire en quelques uns plus soucieux de leurs malades que d’eux mêmes... mais leur nombre se réduit au point que leur exemple ne sera plus que livresque et leur poussière dispersée.
    Et à propos, les députés qui nous représentent sont eux aussi ignorants à ce point ?

    Encore une fois gardez la !


    • Catherine Coste Catherine Coste 14 octobre 2010 13:17

      Merci à nouveau smiley


      J’ai adressé lundi cette lettre ouverte aux Mandarins : Wall Street 2 : l’argent ne dort jamais. La médecine non plus. Lettre ouverte au Mandarinat français :



      Bonne lecture smiley

    • Crab2 14 octobre 2010 15:35

      ÉthiqueLes cellules souches

      -

      Un exposé des faits qui démontre l’état actuel de la recherche tout en soulignant que le retard pris par la France [sans explicitement le nommer] est dû à l’obscurantisme religieux

      La vidéos :

      http://blvids.free.fr/12%20Ethique_et_cellules%20souches.mp4

      -

      Suite...

      IN VITRO

      http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2010/10/05/in-vitro.html


      • Theodore 15 octobre 2010 11:03

        de quel droit ils l’interdisent, le cordon est la propriété du nouveau né et c’est dans le grande majorité des cas un déchet hospitalier.
        On peut stocker son sang en prévision d’une intervention ou d’une chimio si je ne m’abuse.
        pourquoi ne pas l’autoriser intelligement. systématique en cas d’antécédents familiaux ou de maladie hériditaire, facultatif avec mise à disposition de la communauté en cas de besoin ceci au frais des parents précautionneux qui auront financé le stockage.
        Le fondement c’est que l’incurie de nos politicien et de nos gestionnaire de santé ne supportent pas de voir ce mettre en place un système privé efficace et qui serait de plus responsable, le système frnçais n’ a pas fait preuve de moins de mercantilisme au contraire (cf sang contaminé, hormone de croissance,etc)


        • Catherine Coste Catherine Coste 15 octobre 2010 11:54

          Bravo, merci, bravo, que dire d’autre ? 


        • cmoy patou 15 octobre 2010 11:46

          Merci @ l’auteure vous faites preuve de beaucoup de courage, félicitations. J’aime.

          Par contre je suis complètement ignorant dans ce domaine par conséquent ma question va peut-être vous paraître saugrenue quelle différence avec le don d’organes dont je suis un fervent adepte ?


          • cmoy patou 15 octobre 2010 13:59

            Merci pour le lien.

            Je n’ai pourtant pas trouvé réponse à la question que je me pose, j’ai passé la soixantaine fait-on encore des prélèvements passé cet âge là ? ou ma carte de donneur ne sert plus a rien ?
            Merci d’avance et je vous encourage pour votre lutte.

            • Catherine Coste Catherine Coste 15 octobre 2010 17:13

              Oui, les prélèvements d’organes peuvent se faire jusqu’à 75 ou 80 ans, il y a le programme « old for old » pour les reins par exemple : le rein de quelqu’un d’âgé (donneur) va à un patient âgé en attente de greffe.

              La carte de donneur n’a pas de valeur légale, puisque le consentement présumé est inscrit dans la loi : tout le monde est présumé consentir au don de ses organes à sa mort. Mais cette carte peut avoir valeur de témoignage le cas échéant ...

            • easy easy 15 octobre 2010 14:36



              En 2002, mon fils de 14 ans rentre de colonie de vacances. Ma femme me l’amène et me demande mon avis sur une série de petits bleus qu’il a sur les jambes. Il venait de faire du canyoning alors...Mais, quand même, ces bleus de seulement 2 cm², je n’ai jamais vu et je demande à ma femme de le présenter à l’hôpital. Quelques heures après, nous apprenons qu’il a quelque chose de sérieux et le lendemain qu’il a une Leucémie Aigüe Myélocytaire. Cancer du sang qui tue en un mois.


              Tout le combat contre cette LAM a été organisé par le professeur Eliane Gluckman et son équipe de médecins et infirmières. Aujourd’hui mon fils est en vie, sans aucune séquelle apparente (il a subi plusieurs chimios mais pas de curithétapie).

              Le sang se fabrique dans les parties spongieuses de nos os ; dans les têtes des os longs et dans l’âme des os plats. A ces endroits là, le sang naissant s’appelle moelle osseuse et ne ressemble en rien, n’a rien à voir avec la moelle épinière qui est un cordon de matière grise bourrée de neurones circulant au centre de la colonne vertébrale et prolongeant le cerveau.

              Pendant longtemps, pour essayer de soigner-guérir une personne dont le sang était gravement anormal (sursaturé d’un des composants sanguins par exemple) on commençait par tuer toutes les cellules cancéreuses (à taux de reproduction rapide) en lui administrant des poisons sélectifs : chimiothérapie (les bulbes capillaires, les cellules des muqueuses meurent aussi) puis, une fois que le patient était presque mort, épuisé par l’empoisonnement thérapeutique (pourquoi ne pas le dire ainsi) on le laissait revenir à la vie, on vérifiait si son corps était capable de se regénérer normalement. Ca marchait parfois mais les échecs de la chimiothérapie seule étaient nombreux.
              Puis on a eu l’idée d’injecter dans le patient chimiopréparé, de la moelle osseuse d’un patient bien portant et compatible. Et là on, a eu de très bons résultats


              La compatibilité, dans ce domaine thérapeutique, n’a rien à voir avec les simples questions de groupe et de rhésus, ce serait trop facile. Hélas, il y a des tas d’autres critères qui doivent être identiques ou le plus identiques possible qui font que chacun de nous n’a statistiquement que quelques poignées poignée d’hémato-compatibles au monde.

              Toutes les méthodes, règles ou protocoles suivis par l’équipe de Saint-Louis, sont issus de la pratique de cas, d’expériences, d’échecs, de réussites, bref de méthode scientifique qui, on l’oublie trop souvent, oblige à tâtonner, à essayer, à tenter, à prendre des risques.( Pasteur aurait pu tuer son premier enragé).

              Quand on se présente ou quand on présente un enfant à une équipe de soigneurs-chercheurs, il faut s’attendre et accepter qu’ils fassent de notre cas, une expérience de plus (ce qui suppose, par exemple, un protocole habituel à 90% et inédit à 10%).
              Quand on vit ce genre d’expérience en tant que patient ou parent de patient, on réalise vite qu’on sera un cobaye de plus sur la liste de leurs patients précédents, tous cobayes, tous ayant participé (échecs compris) à l’enrichissement des connaissances, au perfectionnement des méthodes, à l’amélioration du taux de réussite au fil des expériences. Tous les éléments d’une thérapie ont leur lot de tâtonnements : le nettoyage, les choix des poisons de la chimio, le choix des paliatifs, les durées, le soutien psychologique (on fait intervenir des clowns ou pas, on leur fait suivre les cours à l’hôpital ou pas, on permet la présence soutenue des parents ou pas...). Tout est à la fois rôdé et expérimental. Là on n’est plus du tout dans la consommation habituelle (« Je veux que la voiture que j’ai commandée corresponde exactement à la pub de rêve ou je fais un procès pour tromperie »). Quand on entre à Saint-Louis, on participe à la recherche, aux tâtonnements, aux efforts pour réussir. On profite des expériences passées et notre cas va profiter aux suivants.

              La compatibilité de moelle osseuse greffon-greffé étant très rare, il y avait plein de patients qui mouraient faute de donneur. Donner sa moelle osseuse est nettement plus galère que donner son sang complet (30 minutes) ou ses plaquettes (une heure). La moelle osseuse se conservant mal (je veux dire qu’on est plus certain de son efficacité fraîche que surgelée), étant également pénible pour le donneur (anesthésie puis aspiration avec grosse aiguille plantée dans la crête illiaque), ces donneurs restaient potentiels (ils étaient analysés et posaient leurs coordonnées sur une liste mondiale de donneurs puis attendaient un appel téléphonique pour courir à l’hosto se faire prélever). Bravo, bravo, bravo à ces donneurs virtuels pour leur engagement, leur courage et leur altruisme (s’inscrire sur cette liste signifiait rester clean et dispo, prêt à sauter dans un avion et être à tout moment joignable par la banque des donneurs). Ca avait un côté pionniers solidaires de la CB.


              La moelle osseuse du donneur (ça fait le volume d’un petit verre) une fois injectée ou transfusée dans le receveur, ses cellules souches (très jeunes, à fort potentiel d’adaptation-spécialisation) vont se loger dans toutes les parties spongieuses du squelette du patient et de là, vont lancer (pas toujours hélas) la fabrication d’un sang normal.

              En attendant d’être greffé, le patient est globalement maintenu en survie par une chimio qui élimine ses cellules folles, qui le rend hyper vulnérable à tous les microbes et champignons (vie sous bulle stérile) et il est constamment transfusé de sang normal et de plaquettes disons ordinaires ou courantes. 
              Dans ces conditions, un patient ne peut donc attendre une greffe que 2 ou 6 mois peut-être. Chaque jour qui passe sans cette greffe, sans trouver son rarissime bon donneur, voit le patient s’affaiblir, se décomposer et agoniser.

              En back-office, derrière le calme apparent des couloirs et des chambres, les soignants, les professeurs, les médecins, subissent un stress permanent lié à la fois aux risques de l’expérimentation, à la confrontation à la spécificité de chaque cas, aux dépenses vertigineuses et à la recherche urgentissime à travers les banques mondiales, des donneur-bonheur pour leur trentaine de patients à sauver.

              Etant donné les contraintes que ce procédé imposait aux donneurs de moelle osseuse, ils n’étaient que 10 ou 13 millions dans le monde, dont la plus grande partie en Corée du Sud. (parmi les nombreux critères de compatibilité, il y avait forcément ceux liés aux races, ethnies, sous-groupes, etc. et il y avait de drôles de surprises concernant le traçage ou les pistes de communauté génétique.
              Les chances de compatibilités sont donc nettement plus grandes au sein d’une famille qu’en dehors (bien des patients sont morts sans avoir été greffés alors que des membres de leur famille refusaient de subir ne serait-ce que le premier test de compatilité) ; Les fâcheries ou bouderies intrafamiliales peuvent donc des conséquences mortelles dont on ne parlera jamais dans les medias.


              En 1987, face à un cas encore spécial, Eliane Gluckman se dit que faute de donneur de moelle osseuse, faute de toute autre alternative sensée, il faudrait essayer de transfuser au malade du sang de cordon ombilical (sang qui reste à la fois dans le placenta et le cordon ombilical, de toute naissance) . Là encore il faut respecter une compatibilité complexe mais finalement -E. Gluckman l’a découvert progressivement- moins sévère qu’avec les greffes de moelle osseuse.

              On prépare le patient à peu près de la même manière qu’avec la greffe de moelle osseuse mais il a plus de chance qu’on lui trouve un bon donneur d’une part en raison de critères de compatibilité un peu moins stricts mais surtout parce qu’il est très facile de donner le sang de cordon. Il y a donc plus de dons de sang de cordon que de dons de moelle osseuse.
              La maman sur le point d’accoucher est sollicitée par un collecteur. Si elle accepte, une fois le bébé expulsé et posé sur son ventre, le cordon est clampsé, on y place une aiguille, on demande à la maman de bien vouloir pousser encore afin de presser le placenta comme une éponge. On recueille un petit verre de ce reste de sang puis l’expulsion du placenta se déroule dans les délais habituels. 

              Ce sang est alors analysé, repéré, taggué, enregistré sur un ordinateur de banque de sang de cordon et conservé surgelé jusqu’à ce qu’un jour, un patient ait besoin de lui. Au cours de l’analyse de ce sang frais, on peut découvrir qu’il n’a pas de bonnes qualités et il est éliminé.

              Quand on trouve quelque part dans le monde le sang de cordon compatible avec le patient, en même temps que la pochette franchit les distances sous neige carbonique, le patient est préparé. Il est plus empoisonné que jamais afin de tuer tout son matériel hématoproducteur (hématopoïétique) et laisser la place libre au sang de cordon (qui est doté de pouvoir hématopoïétique similaire à celui de la moelle osseuse).
              C’est donc à un patient à l’agonie qu’on tranfuse la petite pochette et ensuite on attend, un jour, deux jours, trois jours. On analyse son sang. 5 jours après on analyse encore son sang (le liquide céphalo rachidien qui entoure la moelle EPINIERE aussi) et on commence à observer des changements....Quand tout se passe bien, au bout de deux mois, après 40 analyse successives de sang, on peut voir que le patient produit un sang normal. On n’a plus besoin de lui transfuser ni sang complet ni plaquettes. Il revient à la vie. Et il faut 2 à 3 ans de rémission pour se permettre de considérer que la guérison est définitive. 

              C’est un sauvetage qui coûte cher mais d’une part il porte sur des enfants (les greffes prennent mal sur les vieux) et ces jeunes malades, quand ils s’en sortent, ont les mêmes capacités ou potentialités que les autres.


              Je vois plusieurs postes coûteux :
              L’hygiène très poussée, la salle blanche, la bulle (disons 30 à 90 jours de chambre spéciale).
              Les produits de chimio (une pochette de poison liquide bleu peut coûter plus de 1000€)
              Le prélèvement, l’analyse et la conservation, parfois pour rien, de sang de cordon.
              L’informatisation des données bancaires.
              Le transport du greffon, de la pochette.
              Le long suivi médical lors du retour à la maison et les deux années de médocs
              Le soutien scolaire (à l’hôpital et à la maison)
              Et dans certains cas, l’hébergement des parents accompagnant l’enfant (par le biais de l’Association Pièces Jaunes ou similaire)

              Au pif, je dirais qu’un sauvetage réussi coûte 200 K€. Mais il faut augmenter le prix des réussites du prix des échecs. Mettons donc qu’il y a 400 K€ de dépensés pour avoir une guérison (après laquelle il n’y a plus de dépenses).
               
              La très grande majorité des mamans à qui on demande si on peut prélever le sang de cordon de leur bébé (pour le bénéfice éventuel d’un inconnu) répondent par l’affirmative.
              Or, on ne le demande pas à toutes les mamans qui accouchent et on ne le demande que dans deux ou trois maternités en France (sur ce forum, peu de mamans auront été sollicitées sur ce sujet, j’imagine).
              On demande peu aux mamans tout simplement parce que l’Etat ne veut pas dépenser en prélèvement, en analyse et en conservation, parfois pour rien. L’Etat préfère payer cash et peut-être plus cher, une pochette venue d’Australie que d’en constituer des stocks ici.


              (Comme pour le don de sang ou de plaquettes, ça a beau être gratuit de la part des donneurs -en tous cas en France- l’opération de collecte, d’analyse et de garde coûte cher et un produit gratuit au départ, finit coûteux)

              J’ignore où en est la greffe de moelle osseuse mais posons qu’elle soit supplantée par la greffe de sang de cordon (dont on peut être sûr que chaque jour, on expérimente des applications plus étendues).
              Concentrons-nous sur la seule greffe de sang de cordon et comprenons que les enjeux sont alors très élevés en termes de santé publique. Comme c’est facile à prélever et que c’est important, ça attire ceux qui veulent faire fortune.
              Le refus de l’Etat de prélever dans toutes les maternités voire même systématiquement, la facilité de l’opération, son importance potentielle, font qu’un boulevard est ouvert aux mouches à business.


              Je crois que si l’on autorise le prélèvement de sang de cordon autogène, pour l’enfant-même ou son frère et pour couvrir l’éventualité où ils tomberaient malades et parce qu’on ne peut pas offrir-donner deux fois le sang d’un cordon, on arrivera très vite à ce que chaque mère ne permettra que des prélèvements pour sa descendance. Plus personne ne pourra recevoir un greffon d’une autre famille.

              Or, si les chances de compatibilité intrafamiliales sont beaucoup plus fortes que les extrafamiliales, elles ne sont pas acquises à 100 % (aucune possibilité intrafamiliale dans notre cas).
              Pour que chacun puisse conserver toutes ses chances, il est donc indispensable que les greffons puissent circuler dans tous les sens. Une mère ne devrait donc jamais réserver le sang de son bébé pour sa seule famille.


              En définitive, c’est le don vers des inconnus qui offre à chacun le plus de chance mais à conditions que le nombre de prélèvements (faits d’avance et parfois pour rien) soit augmenté.

              Les médecins de coeur comme l’est Eliane Gluckman, iraient à préconiser le don vers inconnu exclusivement.
              Mais comme des entreprises comprennent qu’elles peuvent faire de l’argent en sensibilisant les mères sur les risques pour leur propre enfant et obtenir alors quasiment 100% de contrats (prélèvement+analyse+conservation), les médecins du genre de Gluckman doivent en tenir compte. Ils préfèrent guérir des enfants sur base de solidarité internationale et ne veulent pas n’avoir plus comme clients que des enfants de riches. Mais ils doivent se soumettre au discours de plus en plus puissant des banques privées prônant l’individualisme. 

              Oui gosses de riches, car si une banque privée peut demander 2000€ à une maman dans un premier temps pour un contrat intrafamilial, elle ne se gênera guère pour demander 6000€ ou 60 000 € quand l’habitude de prélèvement autogène deviendra la norme.



              Au départ, on avait donc des parents affolés se mettant entre les mains de professeurs jouant à fond la carte de la solidarité universelle et ils trouvaient normal qu’il en soit ainsi.
              Puis sont arrivés les marchands qui tiennent un discours très différent aux parents et la perversion des esprits a commencé.

              La pensée ou posture individualiste n’étant plus taboue à cause des affairistes, les médecins comme Gluckman sont obligés d’en tenir compte et ne lèvent plus les bras au ciel quand ils entendent des parents réclamer une sécurité réservée à leur seule famille. 


              Que vont faire les mères ? Vont-elles toutes succomber au discours individualiste des marchands ?
              Je pense que oui, car les marchands ont plus d’une carte dans la main. Ils peuvent facilement exposer aux parents qu’étant donné que la filière autogène existe désormais, s’ils s’y opposent et qu’un jour leur fils malade est sans solution, ils auront affaire non seulement à leur conscience mais aussi à la Justice.


              A cette heure-ci, il n’est peut-être pas trop tard pour étouffer dans l’oeuf la voie individualiste. Mais il faudrait alors que l’Etat l’interdise et accentue son budget dans le prélèvement allogénique préventif.

              Et il paraît que l’Etat c’est nous....


              Je vous refais donc la synthèse de ce qui se passera si on permet à l’oeuf de l’individualisme de se développer.
              La famille A possède en banque des greffons réservées à ses enfants. En bonne santé, ils n’en auront jamais besoin. S’ils meurent très tôt d’un accident quelconque ou s’ils meurent de vieillesse, ces greffons ne serviront à personne et seront détruits car plus personne ne voudra en payer la conservation. Et pendant ce temps là, dans la famille B, un enfant leucémique meurt faute de pouvoir accéder à un des greffons que détient la famille A.


              • Catherine Coste Catherine Coste 15 octobre 2010 18:03

                Bonjour,


                GRAND merci pour votre témoignage à l’issue heureuse mais intense en vécu. Je l’ai posté sur le blog « éthique et transplantation », partie actus. Pour confirmer vos propos, déjà très documentés et très éclairants sur le sujet du sang de cordon, considéré comme simple déchet opératoire jusqu’à récemment (alors que c’est une fabuleuse « boîte à outils ») :

                "L’article 8 de la proposition de loi déposée au Sénat le 19 février 2010 (...) : Dans la mesure où ’le cordon et le placenta génèrent des cellules souches mésenchymateuses (CSM) en quantité importante et, [où] greffées de façon allogénique, elles seraient tolérées immunologiquement, sans traitement immunosuppresseur’, ’un effort de recherche particulier doit être entrepris pour définir le champ thérapeutique dans lequel ces cellules pourraient être utilisées’, lit-on dans l’exposé des motifs.
                Le texte estime par ailleurs que la collecte du sang de cordon et des tissus placentaires est un ’enjeu de santé publique majeur’ et ’un intérêt stratégique pour permettre à la recherche française de se maintenir au plus haut niveau, dans un contexte de forte concurrence internationale’. Il demande donc que soit conféré au cordon le statut de ressource thérapeutique et que le développement de la collecte et de la conservation du sang de cordon soit favorisé dans le ’respect de la solidarité du don à travers les principes de gratuité et d’anonymat par les banques publiques’. Il préconise une information systématique des femmes enceintes et la conservation des ’unités de sang placentaire à des fins spécifiques de greffes intrafamiliales’. Tout en affirmant que le sang de cordon ’ne peut être privatisé’, il souhaite enfin que puissent être développés des partenariats public-privé pour faire progresser le nombre de prélèvements."

                Source  :

                http://www.genethique.org


                C’est apparemment le développement de ces partenariats public-privé qui se font attendre en France ... Or comme vous le faites remarquer, c’est une question de vie ou de mort : 

                « La famille A possède en banque des greffons réservées à ses enfants. En bonne santé, ils n’en auront jamais besoin. S’ils meurent très tôt d’un accident quelconque ou s’ils meurent de vieillesse, ces greffons ne serviront à personne et seront détruits car plus personne ne voudra en payer la conservation. Et pendant ce temps là, dans la famille B, un enfant leucémique meurt faute de pouvoir accéder à un des greffons que détient la famille A. » 

              • Catherine Coste Catherine Coste 15 octobre 2010 18:49

                Encore merci pour votre précieux témoignage, posté sur le blog « éthique et transplantations », partie actus :


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