Le dramatique fait divers de Grenoble a encore une fois donné du grain à moudre à notre minotier en chef !
La psychiatrie, parent pauvre de la santé, devient soudain digne d’intérêt pour projeter d’en faire de nouvelles prisons.
Dans les propositions faites, on trouve en effet essentiellement des mesures financières visant à sécuriser les hôpitaux par la création d’unités fermées, de cellules d’isolement, d’U.M.D de dispositifs de géolocalisation.
Les réformes successives n’ont fait que détruire l’outil de travail de la psychiatrie au fil du temps. Cet outil, contrairement aux autres établissements, réside essentiellement dans les personnels, c’est uniquement leur nombre, en quantité suffisante, et leur formation spécialisée et qualifiée qui permet une prise en charge sécurisée des patients.
La diminution du nombre de psychiatres publics, la suppression de la formation des infirmiers spécialisés en psychiatrie et la baisse des effectifs infirmiers, ont largement concouru à la situation actuelle.
Ce ne sont pas des cellules ou des bracelets électroniques qui permettront de faire face à la situation actuelle.
La priorité des priorités est de remettre en place la formation psychiatrique des infirmiers. Celle-ci a été supprimée en 92, pour aboutir au diplôme unique polyvalent.
Seulement, bien que considérée comme un art mineur, la psychiatrie ne s’apprend pas en quelques semaines. La formation antérieure consacrait près de 2 années (sur les 3 de la formation) à l’enseignement et à la pratique de la psychologie, des sciences humaines et de la psychiatrie. Les infirmiers actuels, qui souhaitent (réellement et par choix) pratiquer en psychiatrie, nécessitent de la part des établissements la mise en place de formations complémentaires, coûteuses tant en terme de temps que d’argent et ce, pour des résultats plus que mitigés.
Les moyens hospitaliers ne permettent plus aux établissements de constituer des équipes suffisamment étoffées pour prendre en charge la psychiatrie ambulatoire en dehors des Centres médico psychologiques qui sont surchargés.
Autrefois, ces mêmes équipes assuraient aussi, en collaboration avec les équipes des unités de soins intra hospitalières, le suivi à l’extérieur et au domicile, des patients sortis de l’hôpital.
Les liens créés lors de l’hospitalisation étaient maintenus entre le personnel et le patient, pendant de longues années.
Ce fonctionnement était aussi satisfaisant pour le patient que pour l’infirmier par le maintien des liens et le suivi tout au long des évolutions dans l’état du patient. Le soignant, connaissant bien la personne était capable de repérer très rapidement les changements thymiques et de prévenir les rechutes par l’organisation de prises en charge plus soutenues ou par la ré hospitalisation.
Aujourd’hui, ce suivi à domicile n’existe pratiquement plus. Si le patient ne vient pas de lui-même consulter au CMP, le manque de moyens humains permet difficilement d’assurer les suivis à domicile. Ces prestations sont déléguées aux infirmiers libéraux, qui, fatalement ne sont pas des infirmiers de secteur psychiatrique puisque ceux-ci, grâce au lobbying de certains de leurs collègues infirmiers se sont vus refuser l’autorisation d’exercer en libéral.
Est-il saugrenu de penser que le suivi libéral des patients relevant de la psychiatrie puisse être assuré par des personnels spécialisés en psychiatrie ? Même s’ils sont de moins en moins nombreux, les anciens Infirmiers de Secteur Psychiatrique sont les plus à même d’exercer ce rôle qu’on leur refuse depuis près de 20 ans.
Les psychiatres libéraux non plus ne sont pas la solution puisqu’ils n’assurent pas les suivis à domicile.
Tout le système actuel se base sur la volonté du patient à se soigner. Mais il est de nombreux cas où il n’est pas en état de se rendre compte de son besoin de soins.
L’infirmier qui le suivrait au domicile serait le premier interlocuteur de l’entourage en cas de prémisses inquiétants et, connaissant parfaitement de part sa formation les recours aux soins du secteur, il serait alors en mesure de prendre la décision et l’orientation la plus adaptée à la situation rencontrée.
Bien sûr ces propositions supposent une volonté de l’Etat de mettre les moyens nécessaires en personnels et la remise en place d’une formation spécifique en psychiatrie pour assurer la relève des anciens qui vont bientôt disparaître.
La maladie mentale, la souffrance psychique, ne se traitent pas par l’enfermement.
Certaines situations, qui ne sont pas la majorité, nécessitent effectivement des mesures particulièrement sécurisées, c’est pour cela que les Unités pour Malades Difficiles ne datent pas d’hier.
Mais on ne peut pas laisser croire que ce qui suffisait à répondre aux besoins il y a 20 ans ne suffit plus aujourd’hui, surtout dans de telles proportions.
La maladie mentale n’a pas explosé de façon exponentielle ces dernières années.
Ce qui a changé c’est que l’hôpital psychiatrique devient de plus en plus le dernier lieu de recours et d’accueil pour des populations de plus en plus en précarité.
Ce sont les moyens accordés pour prendre en charge toutes ces misères en sus des pathologies mentales avérées qui ont dramatiquement diminué.
Alors, que Nicolas Sarkozy prenne en compte ces quelques réflexions et on commencera à trouver des solutions satisfaisantes, tant pour la population que pour les patients !