L’AME est-elle en train de rendre l’âme ?
L’AME est l’aide médicale de l’Etat. Il s’agit d’un vestige de l’aide médicale qui a été supprimée avec la création de la CMU par la loi du 27 juillet 1999. Elle est gérée par les DDASS. Sa finalité est de prendre en charge les soins des étrangers en situation irrégulière. Elle représente aujourd’hui une dette de presque 1 milliard de l’Etat envers l’Assurance-maladie. Un rapport de l’IGAS vient éclairer le problème.
La loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle (CMU) a maintenu une aide médicale de l’État (AME) pour permettre l’accès aux soins de personnes qui ne peuvent pas bénéficier de la CMU de base ou de la couverture maladie. Depuis cinq ans, le gouvernement, arguant du coût de l’AME, impose de plus en plus de restrictions aux conditions d’accès à cette aide. Ainsi, la loi de finances rectificatives pour 2002 avait prévu un ticket modérateur à la charge des patients mais il n’a pas été appliqué faute de décret. La loi de finances rectificative pour 2003 (complétée par deux décrets de 2005) a restreint l’accès des étrangers à l’aide médicale de l’État. Les associations de lutte contre l’exclusion s’opposent à ces mesures et souhaiteraient que le principe de l’universalité instauré par la loi sur la CMU fasse profiter tous les étrangers de la couverture maladie universelle.
Entre ces deux positions, vient s’introduire celle de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales). Dans son rapport récent, l’IGAS dénonce les réformes qui restreignent l’accès à l’AME des étrangers en situation irrégulière mais ne va pas jusqu’à suivre la proposition de associations. Les inspecteurs de l ’IGAS montrent que l’accès de ces personnes à l’AME ne comporte pas de risques de fraude ou d’abus majeur. Ils estiment que cette aide doit être maintenue pour des raisons humanitaires et pour des raisons de santé publique. La politique jusqu’ici menée dans ce domaine montre des faiblesses. Ainsi le ticket modérateur laissé à la charge du malade, s’il avait été appliqué, aurait mis en difficultés les professionnels de soins qui, face à des personnes insolvables, n’auraient pu récupéré ces sommes. Autre critique exprimée : le durcissement des conditions d’accès en 2003 par l’instauration d’une condition de résidence de trois mois s’est appliqué de façon différée (décrets parus en 2005), d’où un certaine confusion sur le terrain, une application désordonnée. Cette mesure a été prise à la va-vite sans étude sérieuse d’impact et de réduction de coût.
Le Conseil d’Etat est intervenu par décision du 7 juin 2006 pour dire que les mineurs ne peuvent être soumis à la condition de durée de résidence. Cela remet la balle dans le camp du gouvernement qui doit revoir sa réglementation en conséquence.
La question de la prise en charge des étrangers en situation irrégulière nous interpelle non seulement sur la façon dont notre pays entend secourir les enfants et les protéger, ainsi que les personnes très vulnérables, mais elle pose aussi le problème sur le plan de l’égalité. Par un dispositif spécifique pour cette catégorie de patients, notre pays maintient une forme de stigmatisation et de restrictions dans l’accès aux soins. Comment concilier les principes auxquels la France est attachée à l’équilibre budgétaire de l’Assurance maladie ? Suivre les recommandations de l’IGAS, réglementer avec cohérence et avec un réel souci, un réel intérêt de cette question, serait déjà une piste.
On sait par exemple qu’en refusant de soigner les étrangers malades, qui seront donc traités tardivement, le coût à supporter par la société sera finalement plus élevé (leurs frais d’hospitalisation seront pris en charge).
Il faut donc s’efforcer d’équilibrer nos comptes, en harmonisant par exemple les méthodes d’évaluation des ressources des demandeurs, en renforçant les contrôles, mais sans renier nos valeurs humanistes, en protégeant les enfants et les plus vulnérables, sans perdre l’AME, sans perdre notre âme.
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