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L’État apothicaire

 Porcine ou mexicaine, la grippe A H1N1 déçoit et a bien du mal a tenir son rang dans les priorités des nouvelles de 20 h.00. On a l’impression d’un succès annoncé qui ne lève pas sur Broadway ...

À moins d’un coup de théâtre, comme une mutation qui la transformerait soudain en Peste Noire, cette grippe passera sans doute à l’histoire comme celle du « cochon d’avril » et on fera annuellement gorge chaude pour parler des refroidissements printaniers.

L’hystérie qu’on a créé avec cette grippe a eu l’effet salutaire, cependant, de ramener l’attention sur l’industrie pharmaceutique. Ce n’est plus tant le virus lui-même qui est important, que le problème qu’il met en lumière. Quel est ce probleme ?

 Le problème, c’est qu’avec les moyens plus efficaces dont on dispose, la médecine est devenue une vraie science. On peut VRAIMENT guérir les gens et allonger la vue. La santé est donc devenue la première priorité de tout le monde et, les médicaments remplaçant les neuvaines, cette santé a son prix. Qui dit prix dit priorités, une occasion d’injustice et d’immenses profits à faire. 

 Récupérant au passage celle de la drogue, qui en est le prolongement naturel, l’industrie pharmaceutique sera, au XXIe siècle, le secteur de l’économie le plus important, le plus innovateur, le plus rentable. Elle sera ce qu’a été l’industrie des armements au XXe siecle et la religion auparavant : une activité dont découlent la vie et la mort comme des effets et dont la peur est une variable à instrumenter.

 La pharmacie est l’avenir de la médecine, car c’est elle qui porte l’effet multiplicateur de l’industrialisation et qui permet donc d’espérer une amélioration radicale des traitements sans une augmentation similaire du facteur travail - et donc des coûts - qui limiterait l’application concrète des avancés de la science. Il en découle l’exigence éthique de rendre disponibles au plus tôt les médicaments nouveaux, pour le traitement des pauvres comme des riches.

Le progrès de l’industrie pharmaceutique, toutefois, repose sur l’expansion exponentielle des connaissances. Elle ne peut se développer au meilleur rythme et ses résultats être appliqués au mieux que si elle s’appuie sur une recherche intensive. La société a donc aussi l’obligation morale que les découvertes de la science soient diffusées sans restriction, permettant à tous d’aller plus loin plus vite, plutôt que de reprendre le chemin parcouru par d’autres.

Dans une optique d’industrie pharmaceutique appartenant à des intérêts privés, à cette obligation morale de divulguer tous les résultats de la recherche s’oppose le délai qui doit être consenti et les marges bénéficiaire qui doivent être permises pour permettre l’amortissement des coûts de recherche et une prise de profit raisonnable, tant pour le chercheur que pour l’investisseur qui lui sert de commanditaire.

 Cette opposition crée un dilemme qui ne peut être résolu que si la recherche est financée et gérée, non pas dans une perspective de prise de profit, mais dans celle d’un investissement à fond perdu dont le bénéfice se mesure en services. Cette réalité impose que l’industrie pharmaceutique passe au plus tôt du secteur privé au secteur public.

Cette prise en charge de la recherche par la collectivité permet aussi, accessoirement, de faire l’économie des frais de marketing liés à une exploitation en mode concurrentiel de la vente de médicaments. Frais de marketing et publicité dont le coût peut excéder celui de la recherche elle-même !

Ne me voyez surtout pas comme un marxiste collectiviste doctrinaire ; je suis plutôt, au contraire, des zélateurs de l’entrepreneuriat : l’industrie pharmaceutique est la seule branche d’activité du secteur secondaire dont je préconise la prise en charge par l’État ! L’intérêt public, le rôle et la nature même de cette activité ne laissent simplement pas ici d’autre solution. Le pouvoir qu’en confère le contrôle est trop grand, la tentation d’en abuser est trop forte.

Il faut nationaliser l’industrie pharmaceutique avant qu’on ne commence à se demander de chaque pandémie – comme on se demande depuis longtemps de chaque guerre – si sa seule raison d’être n’est pas le profit que peuvent en tirer ceux qui ont le pouvoir de les déclencher.

Nationaliser l’industrie pharmaceutique doit être une priorité, bien haut à l’agenda de tout parti politique qui se veut de gauche. Il est tout à fait possible, d’ailleurs, de concilier la responsabilité de l’État dans le domaine de la recherche avec la nécessité de préserver la motivation des chercheurs et de leur fournir un cadre d’action entrepreneurial favorable à l’initiative et à la créativité. Mais c’est une plus longue histoire et je la raconte ailleurs.

 

Pierre JC Allard


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12 réactions à cet article    


  • Alpo47 Alpo47 4 mai 2009 10:23

    Une nouvelle démonstration du bon sens et le la créativité de l’auteur, pour ceux qui en auraient encore besoin...

    Comme vous, cette épidémie/pandémie, me laisse très ’circonspect« ...
    Tous les médecins qui s’expriment, classent cette grippe comme bénigne et pourtant, politiques et haut fonctionnaires persistent à vouloir installer la peur, sinon la panique.
    Les quelques explications de la ministre Française de la santé » la grippe pourrait s’éteindre pendant l’été ... pour reprendre l’hiver prochain...« ressemblent à une ultime tentative de maintenir la pression sur les médias et les citoyens.
    Alors, pourquoi ce »grand cirque«  ?
    Soit, on nous cache la dangerosité de ce virus. Peu probable, car depuis 1914, les traitements et vaccins ont tout de même beaucoup évolué. Les millions de morts de la » grippe espagnole", n’auraient certainement pas lieu aujourd’hui.
    Soit il s’agit d’une opération de communication/manipulation, destinée à faire écran de fumée.
    Les hypothèses sont multiples : détourner l’attention de la crise économique - maintenir la peur, c’est à dire la soumission des peuples - préparer à l’installation d’un contrôle accru des individus ....etc...
    L’avenir nous donnera la réponse. Le souci, c’est que ce n’est pas une bonne chose pour tous ceux qui veulent conserver leur libre arbitre, que de rester dans l’attente. Trop tard pour agir, il sera alors....

    L’idée de l’auteur, de nationaliser l’industrie pharmaceutique est certainement très bonne pour les citoyens, elle n’aurait, selon moi, aucune chance d’être adoptée, car l’influence de ces lobbys est très, très, grande auprès des gouvernements. Hélas.


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 4 mai 2009 19:40

      Ne soyez trop sûr de rien. Les règles du jeu ont changé et l’élection d’Obama est le signal que l’Establishment va contrôler et exploiter autrement. Parce qu’il n’y a plus de secrets et que l’argent ne vaut plus rien. Voyez Gates, Soros et les autres s’en défaire....


      On va vers une gouvernance par un groupe plus restreint d’Individus qui, tout en parlant bien haut d’État de droit et de démocratie, fonctionneront par « acquaintance » et par des non-dits. Cette gouvernance cherchera vraiment à faire du bien... car ceux qui l’exercent ont TOUT ce qu’ils désirent. 

      Nous aurons un bienveillant paternalisme, aussi longtemps que les gouvernants ne se sentiront pas menacés. Le grand risque est qu’un psychopathe n’acquiere du pouvoir dans cette structure. La bonne nouvelle est que les autres feront tout pour l’éviter...

      Nous allons vers une gouvernance qui, en se réclamant de principes moins naïfs que le communisme, mais avec bien plus de moyens et sans s’embarrasser d’une idéologie, ressemblera beaucoup à celle du Praesidium en ex-URSS. 

      Dans ce contexte, les « un peu puissants » deviennent inutiles, sauf pour les sacrifier à la populace. Relisez Machiavel. Les industrialistes et lobbyistes ne pèsent donc plus très lourd. Il se pourrait donc bien que l’on mette sur le billot métaphoriquement la tête des grand cartels pharmaceutiques. Ils en mènent trop large. ce sont les têtes qui dépassent ...

      PJCA





    • LE CHAT LE CHAT 4 mai 2009 11:19

      Un écran de fumée pour moins parler de la crise ! pipeau et cie ! le virus du pouvoir d’achat est bien plus virulent !


      • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 4 mai 2009 20:00

        @ Le chat : Peut être, mais il y a une autre hypothèse. On découvre vraiment un vaccin qui protègerait contre toutes les grippes. Des millions de vies à sauver, mais il y a un risque que des individus plus faibles n’y survivent pas. Comment amener la population à se faire vacciner ?Sans perte e temps, sans discussions, en faisant payer par les gouvernement sans avoir trop à leur expliquer ? On met la version soft de la maladie en circulation, qui non seulement pousse la gens a se faire vacciner et oblige les États à assumer les coûts, mais est elle même une immunisation. La petite « grippe cochon » produit des symptômes similaires à ceux d’un vaccin. Il y a quelques pertes, mais bon,.. c’est pour une bonne cause n’est-ce pas.


        PJCA


      • JoëlP JoëlP 4 mai 2009 11:30

        OUI ! OUI
        Excellente idée. C’est un domaine où les profits sur le dos de patients captifs sont énormes.

        Les fabricants sont passés maîtres en matière d’embrouille pour dissimuler des profits énormes sous le prétexte justifié (mais pas toujours) de recherches couteuses.
         
        Ce serait intéressant de savoir ce qu’en pensent nos têtes pensantes du PS.


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 4 mai 2009 20:02

          D’abord, identifier les têtes pensantes... le reste nous sera donné par surcroit


          PJCA


        • worf worf 4 mai 2009 18:34

          si on y ajoute la biopiraterie qui consiste pour des riches entreprises de s’emparer de connaissances et de faculté soignante de certaines plantes via un brevet déposé comme pour le cas en Inde avec le Neem, tout va devenir dans ce monde une marchandise !


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 4 mai 2009 20:13

            @ Worf : C’est déjà la situation. Ce qu’on doit chercher à faire, en santé, c’est d’en exclure ce qui est l’essentiel, à la mesure de ce que la population par solidarité accepte de définir comme tel.



            PJCA

          • Michel DROUET Michel DROUET 4 mai 2009 19:50

            Si les critères pour nationnaliser une activité (appelons un chat un chat au lieu de parler de « prise en charge par l’Etat ») sont « l’intérêt public », un « trop grand pouvoir » ainsi que la « tentation de l’abus de la situation » (disons alors quasi monopole et entente entre laboratoires), l’industrie pharmaceutique ne doit pas être la seule concernée.
            Ajoutons par conséquent l’énergie (électricité, gaz, carburants) ainsi que la distribution et le traitement de l’eau, activités vitales pour le citoyen et trop stratégiques pour être confiées au secteur privé.


            • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 4 mai 2009 20:22

              @ Michel Drouet : vous remarquerez que je cible l’industrie pharmaceutique comme intervetion exceptionnelle de l’État au SECTEUR SECONDAIRE. Les autres activités que vous mentionnez sont traitées autrement, parce qu’une Nouvelle Société les relie à l’exploitation des ressources naturelles dans le cadre d’un secteur primaire redéfini. Voyez le lien.



              PJCA

            • Michel DROUET Michel DROUET 5 mai 2009 10:31

              Monsieur ALLARD,
              Il ne m’avait pas échappé que seule cette activité de transformation du secteur secondaire était le sujet de votre article. C’est l’extrême prudence dont vous faites preuve en parlant de « prise en charge par l’Etat », qui m’interpelle même si je comprends que vous souhaitez sortir des clivages habituels et faire de la pédagogie.
              Par ailleurs, la « prise en charge par l’Etat » (ou la « nationalisation ») des activités que je cite, répondant également aux critères appliqués pour justifier la prise en charge par l’Etat de l’industrie pharmaceutique (intérêt public, trop grand pouvoir,...), me semble tout aussi nécessaire.
              Vous l’aurez certainement compris, je ne me situe pas dans le cadre d’une classification des activités mais dans une optique juridique plus large destinée à répondre aux enjeux globaux de notre société. 
              C’est sur ce point de vue que j’aurais aimé vous lire dans le cadre de cet échange sur Agoravox avant d’aller sur le lien que vous mentionnez.


              • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 5 mai 2009 15:21

                @ MD : Le mot nationalisation ne m’effraie pas ; cet article est publié sur un site québécois sous le titre « nationaliser l’industrie pharmaceutique ». J’évite ici ce mot pour deux raisons. 


                a) pour ne pas, dans le contexte européen où la subsidiarité est une préoccupation constante, engager la discussion sur le palier de collectivisation, ce qui est un autre débat. Ici, je ne parle que du choix public vs privé.

                b) « Nationaliser » a une connotation politique « gauche, vs droite » qui ne décrit pas adéquatement la structure de gestion que je propose et dans laquelle la notion de concurrence entre les acteurs est non seulement maintenue, mais RENFORCÉE. 

                Concernant les « enjeux globaux de la société », c’est la perception d’une polarité entrepreneuriat - capitalisme qui est au coeur de la solution que propose Nouvelle Société. La gestion de l’industrie pharmaceutique en est une application sui generis.


                PJCA




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