L’Ordre infirmier pose question !
Après son adoption, l’Ordre infirmier ne fait pas l’unanimité chez les infirmières du secteur public.
Après que trois propositions de loi l’UDF ont été rejetées en 1998, 2003 et en janvier 2006, l’Ordre infirmier a été voté définitivement le 14 décembre 2006. Il est le fruit de la demande de quarante-trois associations d’infirmières ou de professions paramédicales, de cadres, dites du groupe Saint-Anne. La plupart de ces associations, dont la représentativité est contestée, sont issues du secteur libéral qui compte environ 50 000 infirmières, qui ont des fonctionnements et des problèmes spécifiques. Une grande partie de la loi leur est destinée.
Il est en revanche difficile de comprendre les raisons pour lesquelles les 400 000 infirmières du service public sont incluses dans la foulée sans aucune concertation. Elles n’ont rien demandé, jamais entendu parler de ces quarante-trois associations (du libéral), ni de cet Ordre, avant le vote de la loi. Elles n’ont donc pas les moyens d’en mesurer les répercussions dans leur quotidien professionnel, d’où le peu de réactions que cela suscite (les quelques réactions sur les forums de la profession, même sur les plus engagés, pour un Ordre font souvent état de ce manque d’information). Il faut le dire, les syndicats n’ont pas fait grand-chose pour véhiculer cette information à peine présente dans quelques revues professionnelles. L’autre explication, la plus importante, est que dans les services hospitaliers, les préoccupations sont d’une autre nature : les infirmières ont à faire face, avec un sous-effectif permanent, à des conditions de travail difficiles, et n’ont guère le temps de s’occuper d’un ordre qui n’était pas un sujet de discussion. Elles attendraient avec impatience une infirmière de plus et ne comprennent pas ce que les demandes du libéral viennent faire dans leur vie car :
- du côté de la représentation : les infirmières hospitalières, ne l’oublions pas, sont des salariées, fonctionnaires pour la plupart, qui disposent déjà d’instances représentatives et disciplinaires. Chaque syndicat a son propre pôle santé, avec son lot d’infirmières. Bien sûr, on peut épiloguer sur la représentativité des infirmières au sein des syndicats. Mais elle n’est pas pire que la représentativité de ces quarante-trois associations .
- Du côté de la discipline : les infirmières sont entourées de médecins, de cadres, d’une hiérarchie et d’une administration qui a toute une batterie de sanctions : avertissements, blâmes, suspension ! Autrement dit, comme l’Ordre a un rôle disciplinaire (article 6 de la loi), les infirmières n’auront qu’à bien se tenir. L’ordre fait double emploi avec ce qui existe déjà.
- Pour les principes « d’éthique, de moralité, de probité » : les hôpitaux veillent à ces principes. C’est même mentionné dans le contrat d’embauche.
L’ordre est censé permettre aux infirmières d’être mieux reconnues... Une affirmation
qui est certes très louable, mais que, à ce jour, rien ne permet d’étayer. Ce
n’est pas un ordre qui n’apportera une solution aux problèmes récurrents du sous-effectif et des conditions de travail.
Il a été passé sous silence que dans le secteur public, les infirmières travaillent dans l’équilibre subtil d’équipes pluridisciplinaires. Une sorte de
caste professionnelle particulière, à part, risque de voir le jour, qui sera plus ou moins
bien vécue par l’environnement où elle se trouve (syndicats, administration,
autres personnels), ce qui est susceptible de rompre l’unité professionnelle qui existe dans les hôpitaux,
où tous sont soumis au même statut, excepté les médecins.
- Les pouvoirs publics
(qui sont l’employeur des infirmières hospitalières)
espèrent avoir un interlocuteur unique pour mieux gérer la profession ?
Il se retrouve en fait avec un interlocuteur de plus à côté des syndicats. Voilà qui va être bien compliqué, lors de certaines discussions.
L’Ordre infirmier devra gérer le chiffre énorme de 450 000 personnes aux cultures et pratiques très différentes. Il y mêlera des situations et des intérêts souvent antagonistes : les infirmières du libéral, les infirmières du public, les infirmiers de secteur psychiatrique, et toutes les infirmières de souche qui ont un rôle très différent, monitrices des IFSI (Institution de soin infirmiers, cadres, etc.). Certains voient dans un ordre un moyen d’unifier la profession, de panser certaines plaies du passé. Ce sont des chantiers titanesques hors de la réalité. Les risques de guerres d’influence, de pouvoirs, sont inévitables, et vont dépenser une énergie considérable. Déjà les syndicats, devant l’arrivée de ce qui sera un nouveau concurrent en termes de représentativité, ont publié un communiqué commun contre l’Ordre, les infirmiers en psychiatrie (qui ont eu des problèmes avec la reconnaissance de leur statut en raison de l’opposition de ces mêmes associations en 1998) ont marqué leur refus en lançant une pétition. On le voit, si cette opposition prend forme, l’ordre accouchera dans la douleur, et créera la division dans tout le corps infirmier et dans les hôpitaux .
Les infirmières pourront aussi se demander pourquoi il faut payer pour travailler, avec cette cotisation obligatoire dont le montant sera déterminant dans les réactions. Aucune enquête n’a été faite pour mesurer les conséquences positives ou négatives de l’implication d’un ordre infirmier dans les hôpitaux publics. Il n’a été pris en compte que la demande d’une partie de la profession. L’autre partie, la plus nombreuse, ne comprend pas cet ordre et forcément, le vivra comme un diktat. C’est pourquoi l’Ordre infirmier pose problème.
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