La face cachée du Chikungunya
On pensait que les autorités gouvernementales et sanitaires françaises avaient retenu la leçon de la piteuse manipulation de l’information qui avait prévalu lors de la catastrophe de Tchernobyl, le fameux nuage radioactif qui avait eu la gentillesse de contourner nos frontières.
La gestion de l’épidémie de Chicungunya (la maladie de l’homme courbé) met fin à cet optimisme présomptueux. Sur place, c’est défense d’informer, défense de photographier.

Depuis le début, la désinformation prévaut. Sur la nature de la maladie tout d’abord : une simple forte fièvre alliée à des douleurs articulaires. Oui mais... Les symptômes particulièrement invalidants sont récurrents, et peuvent se manifester pendant 9 mois. En outre, les fièvres peuvent provoquer une hyperthermie importante, susceptible de causer de graves lésions au cerveau et donc d’entraîner des séquelles neurologiques. Pas du tout le genre "petits maux de tête qui passent après 3 aspirines"...
Les chiffres du nombre de malades sont volontairement sous-estimés. 4500 annoncés selon la DRASS au départ, 10 000 quelque temps après selon la préfecture (soit quatre fois moins que les chiffres de l’Ordre des médecins), et désormais 100 000 évoqués pour cette fin de semaine. Les spécialistes, eux, estiment que l’épidémie pourrait toucher 80% de la population, soit plus de 500 000 personnes.
Pourtant ce virus n’est pas un inconnu des autorités sanitaires locales. Il est répertorié depuis les années 1950, et si aucun médicament efficace n’existe, les moyens de lutte préventifs avaient jusque-là donné satisfaction. Ils consistent en une démoustication annuelle pendant la saison sèche.
Seulement voilà, l’année 2005 a été marquée par la rigueur budgétaire, et l’Etat ne souhaitait pas assurer la prise en charge du traitement, espérant que les collectivités locales prendraient le relais. Parallèlement, la DRASS a supprimé 120 postes au sein du service de prophylaxie entre 1985 et 2005. Un service qui désormais ne compte plus que 40 agents, un nombre très insuffisant pour lutter contre le moustique vecteur du Chicungunya.
Le problème c’est que la lutte contre le moustique est totalement différente lorsqu’elle a lieu en saison humide. Elle nécessite le recours à des agents chimiques particulièrement toxiques, qui provoquent d’importants dégâts collatéraux sur la faune et la flore.
La catastrophe sanitaire se double d’une catastrophe écologique sur un territoire sinistré économiquement, dans lequel le secteur touristique est primordial.
600 000 euros ont été débloqués en toute hâte fin janvier par l’Etat. Le préfet de la Réunion qui, jusqu’à présent, avait joué les absents, semble désormais décidé à prendre les choses en main, et parle de guerre moderne en s’appuyant sur 3600 hommes de terrain. Mais n’est-il pas trop tard ?
Du pain sur la planche en perspective, pour la Commission d’enquête parlementaire qui vient d’être créée sur le sujet.
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON