La santé est-elle un bien marchand ?
Le blog citoyen a souvent parlé de la santé et de l’hôpital sous l’angle du service public. Il est temps de rectifier un manque d’information au sujet du monde de la santé privé qui connaît actuellement tout autant sinon plus de changements que le secteur public, et ce non pas dans un silence absolu, mais sous l’œil attentif des différents acteurs de ce secteur d’activité dont il convient de rappeler qu’il demeure une activité professionnelle spécifique. Au vu des éléments d’informations ci-après, on peut légitimement se demander si la problématique consistant à savoir si la santé est un bien marchand n’est pas totalement obsolète ? A vous de vous faire une idée ...
Bien que la répartition entre ces trois systèmes (public, privé à but non lucratif, privé à but lucratif) soit différentes selon les pays, tous les systèmes de santé des pays développés ont actuellement à définir de nouvelles approches pour faire face au double défi du vieillissement de la population et de l’arrivée de nouvelles technologies médicales coûteuses et évolutives.
Je vous parlerai pour l’instant de perspectives de regroupement dans le milieu des cliniques, concernant plus particulièrement le groupe Vitalia, « deuxième groupe » de cliniques en France selon ses dires. (On peut préciser que le paysage des cliniques privées quel que soit leur statut est caractérisé par son éclatement. Ainsi le n° 1 français incontesté, avec plus de 150 cliniques et un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros ne représente que 15 % du secteur privé en médecine chirurgie obstétrique)
Le groupe est né, comme le précise la présentation sur leur site, de la rencontre de Christian Le Dorze (ancien n° 2 de
Aujourd’hui, le groupe Vitalia compte un peu moins de 50 cliniques, mais son avenir est en jeu puisque le fonds d’investissement Blackstone envisage sérieusement de vendre ce groupe au bout de deux ans, alors qu’a priori son engagement était prévu au minimum pour deux ans. La décision devrait être prise très prochainement.[3]
Christian Le Dorze n’explique pas cette démarche du groupe Blackstone par des problèmes financiers liés à la crise financière des « subprimes », mais par des opportunités qui se seraient présentées[4]. Ainsi, selon lui, Blackstone aurait reçu 18 marques d’intérêt pour Vitalia émanant de grands groupes financiers, dont un ou deux Français. En mars 2008, il a précisé que si le fonds actionnaire Blackstone souhaitait se désengager, mais ne trouve pas preneur, il ne vendra pas. L’acquéreur devra s’engager à mener à bien le plan de restructurations et de modernisation des cliniques de Vitalia et de leur plateau technique, avec les investissements prévus. Il devra également promettre qu’il finalisera le rachat en cours d’une vingtaine de cliniques supplémentaires afin d’achever la croissance externe du groupe entamée dans plusieurs régions françaises (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Bretagne, Grand Est, Grand Centre, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur) et devra aussi répondre au souhait du management de Vitalia, travaillant au siège à Paris ou à la tête des directions régionales, d’entrer dans l’actionnariat du groupe. Il faut dire que le groupe Vitalia mène une politique de ressources humaines active surtout à destination des professions médicales[5].
Toute la question est de savoir qui peut et qui a intérêt à racheter ce groupe aujourd’hui dans une période où les inquiétudes dans les régions et au niveau local sur les risques de concentrations sont reliés à différents niveaux des pouvoirs publics. Sur ce point Christian Le Dorze précisait que le groupe Vitalia n’achetait pas pour vendre.
Parmi les prétendants, on trouve ainsi un groupe de BTP, Eiffage, et dont François Massé, directeur général adjoint a déclaré[6] récemment que le groupe Eiffage était « déjà dans la santé, avec la construction notamment de quatre hôpitaux en partenariat public-privé, il s’agissait de prolonger en aval vers la gestion » ajoutant que cette démarche s’inscrivait dans une stratégie de long terme puisque si Eiffage n’est pas choisi par Blackstone, « il y aura de toute façon d’autres opportunités pour la constitution d’une branche santé chez Eiffage ». Il est vrai que la santé est un secteur sensible, et la vente ne se fera que sous conditions. L’acheteur devra répondre à un cahier des charges, s’engager à poursuivre la rénovation des cliniques rachetées et à finaliser les 25 rachats en cours. Il n’en demeure pas moins que le secteur de la santé constitue manifestement un enjeu financier laissant présager qu’il promet des sources de bénéfices aux investisseurs. Ainsi, Vitalia qui devrait réaliser environ 650 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008, dégage des bénéfices, selon Jean-Baptiste Mortier.
Mais peut-être que le groupe Vitalia tombera dans l’escarcelle de
Nous devrions y voir clair sous peu ...
[1] En décembre 2006, « Le groupe a ainsi acheté, juste après sa création, la clinique Carlier à Auch, premier établissement privé médico-chirurgical du Gers, avec une cinquantaine de praticiens, 111 lits et 117 salariés. La clinique réalise un chiffre d’affaires annuel de 8,5 millions d’euros » (source), « Le groupe Vitalia, contrôlé par le fonds d’investissement Blackstone, a racheté pour un montant non communiqué 100 % des parts de
[2] En juin 2007, en rachetant les deux cliniques rémoises Les Bleuets et Saint-André, la holding régionale a doublé de taille et a barré (provisoirement ?) la route aux ambitions du groupe Vitalia dans cette région. (source)
[3] « Après avoir injecté 900 M€ pour financer ces 46 rachats, Blackstone envisage aujourd’hui la vente de Vitalia, qui doit se faire rapidement avant le 30 juin ou pas du tout, annonce Jean-Baptiste Mortier, responsable de Blackstone France et directeur général de Vitalia. » (source)
[4] Sur ce point, on notera que « le groupe de capital-investissement Blackstone a réalisé une perte de 66,5 millions de dollars au premier trimestre, en raison de la quasi-disparition des rachats d’entreprises à crédit (leveraged buy-out ou LBO) et du déclin de la valeur des entreprises présentes dans son portefeuille d’acquisitions. » (source et suite)
[5] On peut noter à cet égard l’ouverture d’un site internet consacré à l’installation des médecins, fournissant des conseils et indications pratiques, donnant aussi des informations sur les rémunérations des praticiens à l’hôpital et en clinique et sur la démographie médicale, à partir de sources officielles. Ses promoteurs espèrent qu’il soit rapidement reconnu comme une référence pour les actuels et futurs praticiens. Si vous êtes intéressé, vous pouvez toujours aller voir : http://www.professionmedecin.fr/
[7] En août 2006, le fonds d’investissement basé aux îles Caïman, Amber Master Fund, a acquis 20 % du capital du groupe français de cliniques. Début mars, le financier italien Antonino Ligresti, soutenu par Mediobanca, augmentait son capital de 25 à 60 % et annonçait une OPA sur l’ensemble du capital. Parmi les actionnaires de
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