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Accueil du site > Actualités > Santé > Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre

Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre

« Sur un sujet comme celui de la fin de vie, il n’y a pas de vérité absolue. Nul ne détient la vérité, nul ne peut prétendre imposer sa vérité aux autres, mais chacun doit pouvoir exprimer sa conviction profonde. » (Marisol Touraine, le 5 octobre 2015 dans l’hémicycle du Palais-Bourbon).

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C’est l’ancienne ministre Michèle Delaunay qui, en ouverture aux débats, pour illustrer la « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès » qu’instaure le texte, a cité une partie de cette prière de Moïse rédigée par Vigny en 1822 :

« Il disait au Seigneur : Ne finirai-je pas ?
Où voulez-vous encor que je porte mes pas ?
Je vivrai donc toujours puissant et solitaire ?
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. »

Après deux journées de discussion en séance publique à l’Assemblée Nationale, la proposition de loi Claeys-Leonetti a été adoptée en deuxième lecture par les députés ce mardi 6 octobre 2015 à 18 heures 20.

Comme prévu, le texte voté le 17 mars 2015 n’a quasiment pas été retouché. Aucun des amendements discutés lors des deux premières séances du 5 octobre 2015 n’a été adopté et seulement quelques-uns, de très rares, et sur des détails, ont pu être adoptés lors de la troisième et dernière séance du 6 octobre 2015. La différence, peut-être, était l’absence de la Ministre des Affaires sociales Marisol Touraine qui était représentée par la Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Ségolène Neuville (notez pour le sourire qu’il y a deux Ségolène dans ce gouvernement, un vrai alignement des planètes aussi rare qu’une éclipse de super-lune).

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Le texte a donc été quasiment conservé comme le voulaient initialement à la fois les deux rapporteurs, Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (LR) et le gouvernement pour un retour en deuxième lecture au Sénat et une probable négociation, ensuite en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs pour finaliser un texte final qui puisse préserver le fragile équilibre d’une large majorité parlementaire.

Cela n’a pas empêché le retour des inévitables amendements pour légaliser soit l’euthanasie active soit le suicide médicalement assisté, avec à la clef, sur demande des groupes écologistes et radicaux de gauche (régulièrement demandeurs d’euthanasie depuis une vingtaine d’années) un vote public pour trois de leurs amendements.

Les modifications mineures qui ont été adoptées parfois contre l’avis du gouvernement et de la commission des affaires sociales, sont les suivantes.


Modèle pour les directives anticipées (article 8)

Dans la version d’origine (de la deuxième lecture), les directives anticipées devaient se rédiger exclusivement sur un modèle (fourni par le Conseil d’État) : « Elles sont rédigées selon un modèle unique dont le contenu (…) ».

La modification par l’amendement n°213 (présenté par Gérard Sebaoun qui trouvait le texte trop restrictif) donne désormais : « Elles sont rédigées conformément à un modèle dont le contenu (…) ».


Désignation de la personne de confiance (article 9)

Les amendements n°378 et n°388 (présentés par Marie-Yvonne Le Dain et Jean-Louis Touraine) ont été adoptés contre l’avis du gouvernement et de la commission et proposent la nomination d’une seconde personne de confiance, suppléante et qui ne devrait pas être en opposition avec la personne de confiance titulaire puisqu’elle n’agirait qu’en cas d’empêchement de la première : « Une personne de confiance suppléante peut être désignée. Son témoignage est entendu uniquement si la personne de confiance titulaire se trouve dans l’incapacité d’exprimer la volonté du patient qui l’a désignée. ».

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En revanche, l’adoption des amendements n°409 et n°414 (présentés par Xavier Breton et Gilles Lurton) a été faite avec l’accord du gouvernement et de la commission. Elle oblige l’accord écrit de la personne de confiance désignée : « Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. ».


Prérogatives de la personne de confiance (article 9)

Enfin, l’amendement n°212 (présenté par Gérard Sebaoun) adopté avec l’accord de Jean Leonetti ("à titre personnel") et du gouvernement retire à la personne de confiance la possibilité de consulter le dossier médical du patient pour qui elle témoigne, considérant qu’elle n’a pas la compétence pour en analyser les informations : « La notion de vérification implique de contrôler l’exactitude des informations fournies, voire de se documenter davantage encore. Or la personne de confiance n’a pas pour rôle d’analyser une situation médicale car elle n’en a a priori pas les compétences : celles-ci restent du domaine des praticiens. Par ailleurs, si l’interprétation de la personne qui vérifie les informations est différente de celle de l’équipe médicale, on s’acheminerait vers un risque de contentieux. » (Gérard Sebaoun).


La balle est au Sénat

La deuxième lecture a été quasiment inutile puisque le texte adopté est pratiquement le même que celui voté en première lecture (aux modifications près que je viens d’expliquer).

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Pourtant, le texte laisse encore beaucoup à désirer notamment sur trois sujets importants.

D’une part la tournure de la phrase « prolonger inutilement la vie » qui ne doit pas être comprise dans le sens de l’utilité d’une vie mais plutôt de l’inutilité d’une agonie. Aucune formulation n’a retenu l’intérêt des deux rapporteurs qui comptent sur la commission mixte paritaire pour régler ce problème sémantique.

D’autre part, le troisième cas pour la sédation profonde et continue concernant les personnes qui ne sont pas capables d’exprimer leur volonté (alinéa 5 de l’article 3) ne protège pas suffisamment ces personnes qui pourraient se retrouver en situation de sédation profonde jusqu’à la mort sans avoir exprimé leur volonté et surtout, sans être en fin de vie (beaucoup de députés ont pensé à la situation douloureuse de Vincent Lambert).

Enfin, et c’est un sujet beaucoup plus technique, il est question aussi de préciser le cas où le patient est un adulte sous tutelle ("majeur protégé") pour rendre les procédures en harmonie également avec le cadre médico-social : « Le texte de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement doit également adapter cette mesure, dans un cadre médico-social et non pas sanitaire, comme dans le présent texte. Je vous propose donc de rédiger une disposition commune aux deux textes afin d’éviter toute discordance entre le médico-social et le sanitaire. » (Ségolène Neuville).

Le texte fera donc l’objet d’une discussion en séance publique pour la deuxième lecture au Sénat fixée au jeudi 29 octobre 2015.

Je reviendrai sur la discussion publique des 5 et 6 octobre 2015 à l’Assemblée Nationale en y présentant les principales interventions.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 octobre 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Adoption en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.
La fin de vie en seconde lecture.
Acharnement judiciaire.
Directives anticipées et personne de confiance.
Chaque vie humaine compte.
Sursis surprise.


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18 réactions à cet article    


  • Daniel Roux Daniel Roux 9 octobre 2015 10:31

    Retenons le concept : Le terme inutile ne qualifie pas la vie d’une personne mais l’acharnement thérapeutique.

    Et allons plus loin : notre corps, notre esprit et notre vie nous appartiennent quoique prétendent les religieux, les moralistes et le pouvoir politique.

    Et un peu plus loin : La survie coûte que coûte, jusqu’à la déchéance, l’indignité de la dépendance totale, est-elle si souhaitable pour nous même ?

    Ne devrions-nous pas accepter de mourir lorsque le corps cède au temps. S’il est naturel de lutter contre les maladies exogènes, est-il naturel de lutter contre la fin de vie endogène et inéluctable ?

    La mort viendra, nous le savons, c’est notre force et notre faiblesse à la fois. Nous vivons, notre esprit existe puis, la seconde suivante, nous sommes morts, nous ne sommes plus. Il ne reste qu’un corps. Pourquoi retarder à tout prix ce moment inévitable ? Pour quelle satisfaction ? Dans quel état psychique et physique ? Pourquoi prolonger notre agonie et notre angoisse ?

    Vivons comme si nous de devions jamais mourir, comme des hommes dignes et responsables plutôt que de survivre, encore un peu, misérablement dans l’attente de l’inéluctable.

    Ma dignité et ma liberté, c’est de choisir de mourir quand je jugerai le temps venu tant que je le peux encore. Dans ce domaine, personne n’a (ou ne devrait avoir) le pouvoir de s’opposer à ma volonté clairement exprimée.


    • foufouille foufouille 9 octobre 2015 11:43

      @Daniel Roux
      "Et un peu plus loin : La survie coûte que coûte, jusqu’à la déchéance, l’indignité de la dépendance totale, est-elle si souhaitable pour nous même ?"
      dans ce cas tu peut achever pas mal de malades dans les hôpitaux.
      c’est à combien de pourcentage de survie qu’il faudra euthanazier ?
      par ce que à mon époque, il aurait fallu m’achever vu que j’avais 1% de chance de survie.


    • Daniel Roux Daniel Roux 9 octobre 2015 12:29

      @foufouille

      Je ne permets à personne de décider à ma place et bien entendu, je ne me permets pas de décider à la place d’un autre en ce domaine.

      Je ne t’aurais donc pas euthanasié parce que, je le ré-écris, notre corps et notre esprit nous appartiennent et nul n’a le droit d’en disposer que nous-même.

      Mourir n’est pas le pire d’autant que c’est inévitable. C’est pour cela que je suis contre la peine de mort pour les criminels mais pour leur condamnations à vie. Je considère que l’exécution capitale est un punition trop douce, trop rapide et finalement, trop facile. La vraie punition, c’est de pourrir corps et âme enfermé entre 4 murs.


    • Sozenz 9 octobre 2015 14:01

      @Daniel Roux
      Je considère que l’exécution capitale est un punition trop douce, trop rapide et finalement, trop facile. La vraie punition, c’est de pourrir corps et âme enfermé entre 4 murs.

      ne vaudrait il pas mieux que cette non punition capitale soit au contraire , donner à la personne la capacité de prendre conscience de ses actes et de se transformer .
      la mort trop douce ? que savez vous du après la mort du corps ? êtes vous certains qu ’après la mort il n existe plus rien ? et si notre corps nous etait donné pour pouvoir transformer , pour expérimenter et transformer notre âme , au lieu de la laisser dans la souffrance et les tourments dans lesquels peut être nous l avons laissé dans une autre vie .
      j ai peut être raison , j ai peut être tord, mais au final peut importe , l essentiel est d de trouver le bonheur... un bonheur indestructible, et être en paix dans la vie comme dans la mort .


    • foufouille foufouille 9 octobre 2015 14:24

      @Daniel Roux
      ok mais tous les euthanasistes ne sont pas comme toi et considère que l’euthanasie sera sans aucun écrit.
      je vois bien certains héritiers en profiter.
      ou les assurances.


    • Fergus Fergus 9 octobre 2015 18:37

      Bonjour, foufouille

      Je comprends tes craintes. mais dans les pays où l’euthanasie existe - dans des conditions rigoureuses d’encadrement -, il n’y a pas de dévires du genre de celles que tu évoques.


    • Sozenz 9 octobre 2015 18:37

      @Daniel Roux

      Vivons comme si nous de devions jamais mourir, comme des hommes dignes et responsables plutôt que de survivre, encore un peu, misérablement dans l’attente de l’inéluctable.

      Si vous ne deviez jamais mourir ( le corps). , seriez digne et responsable ? à l heure d aujourd’hui hui j’en doute fort. avec ce corps immortel. ne seriez vous pas enclin a tous les abus , à toutes les déviances peut etre . comme celui qui joue avec le feu en sachant qu il ne sera jamais brulé. et donc ne retourneriez vous pas la valeur ou la raison d’être du feu en quelques jeu ridicule sans en voir l essence ?

      La possibilité de la mort du corps n est elle pas un moyen de comprendre ou de chercher ce qu il y a vivre dans la vie terrestre ?


    • Fergus Fergus 9 octobre 2015 18:39

      Et puis soyons sérieux : l’euthanasie existe déjà - l’une de mes grand-mères est morte ainsi, sur proposition d’un médecin - et elle est pratiquée de manière non encadrée. Cela ouvre bien plus la porte à des abus qu’une légalisation dans un cadre d’application strict.


    • Sozenz 9 octobre 2015 18:46

      @Daniel Roux
      Ma dignité et ma liberté, c’est de choisir de mourir quand je jugerai le temps venu tant que je le peux encore. Dans ce domaine, personne n’a (ou ne devrait avoir) le pouvoir de s’opposer à ma volonté clairement exprimée.
      La vraie punition, c’est de pourrir corps et âme enfermé entre 4 murs.

      en reliant ces deux phrases . vous estimez donc que le criminel n’ a plus aucun droit à la dignité . na même plus le droit de se racheter (laisser pourrir l âme)... quelle vision horrible . laisser pourrir l’ âme n’est pas le plus horrible des crimes ? ( même si l âme d’ une personne ne vous appartient as . et quelle appartient à la personne dont elle fait partie. la vision de l idée de vouloir le pourrissement de l’âme est monstrueuse.
      réfléchissez profondément à vos paroles , révisez les . Et voyez l impact qu’ elles portent en elles .


    • Sozenz 9 octobre 2015 18:53

      @Sozenz
      je ne vous en veux pas ... nous avons tous cet esprit « assassin » . il est par contre bon de le débusquer pour devenir libre . savoir se regarder et voir nos fonctionnements cachés, c est notre porte . non pour nous culpabiliser , mais pour nous affranchir .


    • foufouille foufouille 9 octobre 2015 18:54

      @Fergus
      et ta connerie ?
      tu as reconnu toi même que les écrits ne seront pas respecté.
      les dérives existent, 10000 morts minimum en GB dans les hostos.
      on m’a proposé ta piquoze en 92, j’ai refusé car elle était suspecte.
      en plus le marché des organes manque de « donneurs » avec consentement supposé en 2016.


    • Fergus Fergus 9 octobre 2015 23:56

      @ foufouille

      « tu as reconnu toi même que les écrits ne seront pas respecté. »

      Désolé, je n’ai jamais écrit cela. Tu confonds avec un autre « con ».


    • foufouille foufouille 10 octobre 2015 08:36

      @Fergus
      sissi relis toi.


    • Fergus Fergus 10 octobre 2015 09:10

      @ foufouille

      Je confirme n’avoir jamais écrit cela. Jamais !


    • Daniel Roux Daniel Roux 10 octobre 2015 11:15

      @Sozenz

      Je refuse de compatir sur le sort que la société réserve aux criminels dont la culpabilité ne fait aucun doute.

      Que reste t-il de la dignité d’un criminel face à ses actes et à leurs conséquences pour les familles des victimes ?

      L’important est la protection des êtres constituant la société humaine. Appartenir à une société, c’est profiter d’avantages mais aussi subir des inconvénients. La principale contrainte et la plus difficile est, à mon avis, de contrôler nos pulsions destructrices.

      L’enfermement à vie d’un criminel avéré à deux buts, servir d’exemple à ceux qui hésiteraient à passer à l’acte et sanctionner les souffrances imposées. Le criminel peut se repentir plus ou moins sincèrement mais ce qui est certain est qu’il ne pourra jamais réparé le mal qu’il a fait et qu’il est du devoir de la société de faire en sorte que jamais plus, il ne sera un danger pour les autres.


    • Sozenz 10 octobre 2015 11:57

      @Daniel Roux
      Le criminel peut se repentir plus ou moins sincèrement

      il appartient à la personnede faire ce chemin de la sincérité et de la conscience . c est un chemin personnel ou personne ne peut faire le chemin pour l autre .
      mais nous ne pouvons souhaiter à personne que son âme pourrisse...c est une insulte à la Vie et au sens de la Vie .
      Comment pourrions nous demander le pardon si nous le refusons aux autres .
      Empêcher qu’ une personne puisse recommencer est juste ( à mon avis) et normal , Mais refuser la guérison ou vouloir la mort de son âme est une chose terrible , comprenez vous ?


    • Daniel Roux Daniel Roux 10 octobre 2015 13:07

      @Sozenz

      Mes commentaires ne sont pas des dissertations rigoureuses mais des réactions rapides à des articles.

      « Corps et âme » est une expression courante. En l’occurrence, « âme » n’est pas à lire au sens religieux mais au sens athée du terme c’est à dire, « esprit ».


    • foufouille foufouille 10 octobre 2015 18:04

      @Fergus
      mais si sur un autre article du même sujet.

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