Le cache-cache des antennes relais
Sapins, rochers ou cactus, à l’instar de véritables caméléons, les antennes-relais font désormais peau neuve en se fondant dans le paysage ! Finis ces larges pylônes de téléphonie mobile qui défiguraient complètement l’horizon ! Les voilà donc désuets ! Mais ce regain d’esthétisme pour les antennes-relais de la part des opérateurs ne masquerait-il pas des risques sanitaires liés aux ondes électromagnétiques ?
Octobre 2009. Le rapport de l’Affset sur les radiofréquences reconnaît l’absence « d’effets sanitaires dans la majorité des études, à l’exception de quelques malformations morphologiques mineures chez l’animal ». Un constat un brin nuancé, puisque l’Affset recommande par ailleurs de « cibler en priorité les études épidémiologiques, ainsi que les études sur la reproduction, le développement de l’enfant et de répliquer les études qui montrent des effets biologiques ». Une surprise tout de même, puisqu’il contredit le rapport Bioinitiative d’août 2007, validé par l’Agence européenne de l’environnement, qui soulignait les effets des radiofréquences sur le stress cellulaire, la génotoxicité et les risques de tumeurs au cerveau et de leucémies. Alors que faut-il en penser ?
Face à la controverse publique et aux incertitudes des scientifiques, les citoyens se montrent parfois réticents devant l’installation d’une nouvelle antenne-relais. Pour faire face à ces réactions, les opérateurs de téléphonie mobile ont pris les devants ! Plus question pour eux, d’ériger d’horribles pylônes, susceptibles d’attiser les craintes de la population et de générer de nouveaux conflits. Place à présent à la nouvelle génération d’antennes-relais, dont le design est en harmonie parfaite avec Dame Nature ! Désormais, à l’intérieur de chaque sapin, palmier, cactus ou rocher, peut se nicher…une antenne-relais ! « Un véritable effort d’intégration paysagère » selon Eric De Branche, directeur de la communication de l’AFOM, l’Association française des opérateurs mobiles. S’appuyant sur une charte signée en 1999 avec les architectes des bâtiments de France, les opérateurs tels que Bouygues Telecom considèrent en effet « faire acte de développement durable » avec ces nouvelles antennes ! Vous avez dit développement durable ? En tous cas, « un engagement certain dans la lutte contre les nuisances visuelles et autres éléments agressifs venant entacher le paysage » déclare le directeur de l’AFOM.
Camoufler pour oublier
Marc Cendrier, porte-parole de l’association des Robins des Toits, tient un tout autre discours. Masquer une antenne, pour lui, c’est comme « mettre un emplâtre sur une jambe de bois » ! En contact quotidien avec des personnes souffrant d’électrohypersensibilité (EHS), il dénonce une gageure de la part des services de téléphonie mobile : « Les opérateurs sont eux-mêmes victimes de leur propre intoxication. Ils reculent devant la réalité d’un fait : la toxicité des ondes électromagnétiques. C’est une fiction de croire que les gens peuvent tout oublier en leur masquant le danger ». Mais la fiction n’est pas prête de s’arrêter car dorénavant, il est possible d’intégrer des antennes-relais dans du « mobilier urbain ». Ce que confirme le service marketing de la société de design ITAS, spécialisée dans les antennes-relais. « Outre les motifs de toiture, les antennes peuvent à présent se fondre dans une façade, dans un mur, sous couvert d’une peinture trompe-l’œil, mais aussi dans un pylône publicitaire, dans un point d’éclairage ou même dans un abris-bus »…
Un masque pour la démocratie ?
Près de Concarneau, c’est une fausse cheminée qui sert de camouflage pour l’implantation d’une antenne-relais sur le toit de l’hôpital Le Porzou. Depuis, les riverains ne décolèrent pas. Ils se sont regroupés en une association pour dénoncer « cette imposture », qui émet des rayonnements de 2170MHz, juste au-dessus de leurs têtes ! « C’est un scandale sanitaire de camoufler sous couvert d’esthétisme, un élément industriel qui peut avoir des conséquences gravissimes sur la santé humaine ». Et Marc Cendrier d’ajouter : « les opérateurs agissent sournoisement, en clandestinité. C’est l’inverse d’une démocratie ». Quant aux maires qui représentent les citoyens, ils adoptent souvent une position mitigée. A l’image de Monsieur Michon, le 1er adjoint au maire à Vezelay dans l’Yonne. Au sujet de l’antenne-relais intégrée dans le clocher de l’église Saint Pierre, il déclare « elle est cachée ou mal placée ? Je n’en sais rien. Ici, les ¾ de la population ne captent pas le réseau portable chez eux. Il y a des demandes quotidiennes sur ce point ». Indécis ? Il faut dire que, pour les maires, l’arrivée d’une nouvelle antenne-relais est souvent une aubaine en termes financiers, et son camouflage une façon d’éviter des réactions hostiles de la part de leurs administrés. Pourtant, si masquer les antennes revient à éviter un débat démocratique, n’est-ce pas un abus de pouvoir de la part des maires et des opérateurs ? Que dire d’une église dans laquelle le prêtre va jusqu’à ignorer la présence d’une antenne-relais dans son clocher ? A l’heure où les risques des radiofréquences sont encore mal perçus, la nécessité d’un vrai débat citoyen s’impose. Pour que chacun puisse agir librement et décider de manière éclairée de ce qui prévaut pour sa santé.
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