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Accueil du site > Actualités > Santé > Les réformes hospitalières

Les réformes hospitalières

Nicolas Sarkozy vient de prononcer un discours qui, sur la base du rapport de M. Larcher, annonce une étape de plus dans le démantèlement de notre système de soins hospitalier. En tant que cadre en hôpital, je souhaite apporter un éclairage « de l’intérieur » sur les conséquences de ces nouvelles réformes.

Le discours est ici (entre autres).

Comme cela devient une habitude, on utilise un fait divers (l’« affaire » d’Epinal), pour légitimer un train de mesures dont on ne présente bien entendu que les supposés avantages. Loin de moi l’idée de minimiser l’accident d’Epinal, mais les « pépins » sont-ils réservés aux « petits » hôpitaux ?

Sous prétexte que ces derniers n’auraient pas les moyens ni les compétences pour assurer toutes les formes de prise en charge, on les invite à « mutualiser » leurs moyens, c’est-à-dire à réduire individuellement leur champ d’intervention.

Que je sache, il y a bien longtemps que lorsque vous souffrez d’une pathologie nécessitant des soins de haute technicité, vous êtes orientés le plus rapidement possible sur un service spécialisé (cancers, greffes, grands brûlés, chirurgie de la main, etc.). On n’a pas attendu que M. Larcher ait cette idée lumineuse. Mais vous bénéficiez dans l’urgence d’un premier niveau de prise en charge par un hôpital local qui tente au moins de vous éviter ce qu’on appelle dans le jargon médico-juridique une « perte de chances », voire qui vous sauve la vie.

Alors prenons le cas des AVC, puisque c’est celui qui a été choisi, et il est justement parfaitement représentatif. Tout le monde sait que le principal facteur de pronostic (survie, séquelles) dans ce type d’accident, c’est le facteur temps. Donc quand la prise en charge sera centralisée sur les CHU, et peut-être une petite structure de cambrousse qui ne fera que ça et sera la seule à le faire dans un rayon de 500 km, je ne saurais trop vous conseiller de déménager vers les métropoles, si vous voulez un « égal accès à des soins de qualité ».

Sur la méthode maintenant : les communautés hospitalières de territoire « doivent se faire sur la base du volontariat ».

Comme c’est joliment dit !

Et en réalité, cela signifie quoi ?

Il y a déjà un certain nombre d’années que l’évolution des budgets de la santé ne couvre plus la réalité des dépenses. Jusqu’à aujourd’hui, les établissements en difficulté étaient donc priés de signer un contrat de « retour à l’équilibre ». Ce qui se traduisait par des serrages plus ou moins douloureux de ceinture, accompagnés dans un certain nombre de cas par des aides publiques.

En 2008, tout change. D’abord, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, le mode de financement des hôpitaux est en train d’évoluer depuis plusieurs années, pour aller vers un financement à l’activité, c’est-à-dire sur la base de « tarifs » en fonction des actes (exemple : un accouchement par voie basse sans complications = X €). Bien que la transition se soit faite progressivement, nous avons déjà perdu dans la bataille, ne l’oublions pas, nombre de petites structures qui ne généraient pas assez de « volume d’activité » pour couvrir leurs frais fixes.

Je vous laisse le soin de le vérifier sur votre moteur préféré, avec les mots clés : "hôpital fermeture".

2008 est la première année où les tarifs s’appliquent à 100 %, sans être pondérés par une part de budget fixe.

Or, au 1er janvier 2008, l’ensemble de ces tarifs a subi une réduction de 3 %. Une partie (une partie seulement) des fonds ainsi économisés est destinée à financer les « bons élèves », ceux qui s’inscrivent dans des « démarches de mutualisation », délivrée sous forme de subventions aux projets labellisés « politiquement dans le sens du vent » (plan Hôpital 2012 en particulier).

On s’attend donc de façon tout à fait officielle à voir un grand nombre d’hôpitaux présenter des budgets déficitaires (ou encore plus déficitaires que d’habitude). Ce n’est pas grave, c’est prévu : tout établissement qui présentera un budget en déficit se verra automatiquement appliquer un « plan de redressement ». La différence avec le « contrat de retour à l’équilibre », c’est que le « plan de redressement » doit prévoir un retour à l’équilibre, sans aucune aide publique, à échéance 2012 (tiens, 2012, ça ne vous rappelle rien ? Relisez mieux : « Ces mesures doivent permettre aux hôpitaux d’être tous à l’équilibre d’exploitation d’ici 2012, comme j’en avais fixé l’objectif dans mon discours de Bordeaux »).

Est-ce à dire que l’ensemble des hôpitaux jette l’argent du contribuable par brouettes entières par les fenêtres et qu’il suffira de les fermer (les fenêtres) pour atteindre le fameux équilibre ? Je ne pense pas que qui que ce soit, y compris les administrations, croie encore à ce Père Noël là aujourd’hui, après des années d’austérité et de « contrats de retour à l’équilibre » successifs.

Alors ? Alors, « les plans de redressement n’excluent pas des abandons d’activités ». Ne cherchez pas dans le discours de NS, ça n’y est pas. Si je l’ai mis entre guillemets c’est parce que c’est tiré d’un autre discours, celui que les autorités réservent aux professionnels hospitaliers.

Comme l’a dit un représentant d’établissement assistant à la réunion régionale pendant laquelle j’ai entendu la phrase précédemment citée : « Nous sommes des professionnels. Il arrive un moment où on ne sait plus faire... nous vous laisserons donc décider ».

Voilà ce que signifie « volontariat ».

Mais puisque « les Français veulent »...


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6 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 23 avril 2008 13:22

    Merci de cet éclairage.

    En voici un autre :

     

    Le plan hôpital de Sarkozy basé sur le rapport Larcher a pour but non dit de miner l’hôpital public. :
    "..La vérité est que les hôpitaux publics, dont le budget total dépasse 54 milliards d’euros, présentent à eux tous un déficit de 200 millions, soit 0,4 % du budget. Et pour l’essentiel, il s’agit de régularisations de comptes antérieurs, que le nouveau système de financement à l’acte les a contraints à effectuer d’un coup Au demeurant, qu’est-ce que le déficit d’un hôpital public ? Montre-t-on du doigt le déficit des routes ou celui de l’armée de l’air ? Et parle-t-on de déficit à propos des médicaments, dont le coût annuel, qui dépasse maintenant 32 milliards d’euros, s’accroît beaucoup plus vite que la dépense hospitalière ? Mais le mot est lâché, et il porte. Dénoncez les déficits des uns, et tous les regards se tournent naturellement vers l’excédent des autres....Les autres ? Quels autres ? Mais les cliniques privées, bien sûr. Chez elles, il n’y a guère que des excédents, qu’on appelle « profits » et que se partagent leurs actionnaires. Gérons l’hôpital public comme les cliniques privées et les excédents apparaîtront par surcroît. Y a qu’à ! Comme le disait Nicolas Sarkozy à Bordeaux, « un hôpital performant est un hôpital qui apporte sa contribution au rééquilibrage de l’assurance maladie »..."


    L’hôpital public tué à petit feu par la privatisation :
    (Auteurs : André Grimaldi : Chef du service de diabétologie-métabolisme du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière (Paris) ; Thomas PAPO : Chef du service de médecine interne, coordinateur du pôle médecine de l’hôpital Bichat (Paris) ; Jean-Paul VERNANT : Chef de service d’hématologie, coordinateur du pôle d’onco-hématologie (Pitié-Salpêtrière).

    "..C’est sur ce fond de pénurie, au moins relative, qu’a lieu le débat récurrent sur le « trou de la Sécu ». Pour une part, il s’agit d’un faux débat car les comptes de la Sécurité sociale dépendent non seulement des sorties, mais aussi des rentrées financières. Or le déficit de la branche maladie – 6 milliards d’euros cette année – s’explique largement par le manque de recettes, le chômage entraînant une diminution de celles qui proviennent des cotisations sociales. Ce fait conduit à réfléchir à de nouvelles options moins aléatoires et moins inégalitaires. En effet, à chiffre d’affaires identique, les entreprises employant beaucoup de personnel sont pénalisées par rapport à celles qui en emploient peu. De plus, le gouvernement pratique largement les exonérations de cotisations patronales, sans rembourser intégralement à la Sécurité sociale les dettes induites.
    Enfin, de nombreux revenus échappent aux cotisations. Président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin a calculé que, si les stock-options étaient normalement assujetties aux cotisations sociales, elles fourniraient 3 milliards d’euros, soit la moitié du déficit de la branche maladie de la Sécurité sociale en 2007 [3]. En effet, le budget de cette dernière n’obéit pas aux lois du marché. Le déficit dépendant des dépenses mais aussi des rentrées, c’est-à-dire des moyens alloués par l’Etat, le budget résulte finalement d’une décision politique [4].

    La France dépense 11 % de son PIB pour la santé – un taux voisin de celui de l’Allemagne, du Canada et de la Suisse ; moins important que celui des Etats-Unis (16 %) ; plus que celui du Royaume-Uni (9 %). Il paraît réaliste de penser que la part de la production de richesse nationale consacrée à la santé devrait continuer à augmenter pour atteindre, en France, 15 % en 2025.

    Il s’agit là d’un choix de société. Les partisans du libéralisme n’ont d’ailleurs pas d’objection à cette augmentation de la part du PIB consacrée à ce secteur. Ce qu’ils contestent, c’est que ces sommes considérables échappent à la loi du profit. Il est de ce point de vue très frappant que les économistes et les politiques qui fustigent les gaspillages engendrés par les prescriptions inutiles ou les arrêts de travail abusifs n’aient rien à redire concernant trois secteurs de dépense importante.

    D’abord, le gaspillage de l’industrie pharmaceutique, qui consacre environ 25 % de son chiffre d’affaires au marketing, alors que le marché de la santé n’est pas un marché comme les autres : il est en grande partie socialisé, puisque largement financé par la Sécurité sociale..."

    Ethique et valeurs médicales dans un monde marchandisé

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    Desinformation_medicale


    • melanie 23 avril 2008 15:29

      @zen

       

      En tant qu’ancienne déléguée médicale, j’ajouterais que le montant de la promotion auprès des médecins- FMC= Fomation médicale Continue assurée et financée par les laboratoires pharmaceutiques, repas, séminaires, visite médicale, publi-information dans Impact’Medecin, le Quotidien duMédecin et les parutions spécialisées,parfois petits voyages - en Psychiatrie et Cardiologie spécialités qui génèrent beaucoup de profits - - , bref que tout cet argent dépensé pour faire prescrire est le double de celui dépensé pour la recherche..

      Que les anciennes molécules performantes mais ne générant pas assez de profits sont éliminées du marché au profit de molécules beaucoup plus chères et intégralement remboursées par la Sécurité sociale car le discours de la prévention de récidives en cardiologie - ex d’une boite de statine à 92€ pour une semaine- est un sujet sensible très instrumentalisé.

      Encore une chose, les tarifs de remboursement par la sécurité sociale sont négociés entre l’état et les Laboratoires commercialisant ces molécules.Les études étant bien entendues réalisées - comme pour les OGM- par les entreprises mêmes qui les commertcialiseront sans contre-étude contradictoire.

      Pour avoir étudié certaines de ces études - en tiré à part à remettre au médecin pour cautionner la valeur scientifique de l’efficacité de la molécule - , les cas litigieux ou atypiques sont retirés des études pour "lisser" les résultats.

      Le scandale du Vioxx, dont les prescriptions ont été rembourseé rubis sur l’ongle par notre sécurité sociale, n’a pas conduit Merck à rembourser les sommes indues ...

      Pour l’hôpital, hélas, la messe est dite et le libéralisme anglo-saxon du tout profit nous ménera à ruiner ce qui reste du meilleur système de santé d’Europe ..


    • impots-utiles.com 23 avril 2008 17:24

      les réformes proposées par Président semblent bien insuffisantes pour le moment...

      comment concilier économies budgétaires et constance dans la qualité des soins et services ... ??

      http://www.impots-utiles.com/h-pitaux-publics-des-propositions-insuffisantes.php


      • MJO MJO 24 avril 2008 00:12

        Les petits hopitaux publics vont redevenir les hospices d’antan, disparition des services de cardiologie, chirurgie. On leur attribue tout ce qui n’est pas "rentable" en demandant un équilibre et toujours plus de charges administratives.Les collaborations public-privé entamées sont au bénéfice de qui... à votre avis.... Il y aurait trop à dire.... Merci pour cet article.

        http://www.monde-diplomatique.fr/2008/02/GRIMALDI/15627

         

         


        • cathr 24 avril 2008 21:45

          @ Zen

          Merci beaucoup pour ces références d’articles, qui amènent un éclairage beaucoup plus complet que le mien.

          Une petite précision concernant les "déficits" qui sont une "régularisation de comptes antérieurs" : jusqu’à la "tarification à l’activité", les hôpitaux publics n’étaient jamais en déficit. Ils avaient des "reports de charges". Ce qui signifie que si, mettons à fin septembre, le budget annuel était consommé, les dépenses d’octobre à décembre étaient simplement comptablement reportées à l’année suivante.

          Jamais de déficit donc, mais parfois les budgets de plusieurs années consommés par anticipation.

          J’ai longtemps travaillé dans le privé, et lorsque sur un exercice les charges sont supérieures aux produits, c’est sans nul doute un déficit. Qu’il y ait eu "régularisation" à ce niveau là ne me choque donc pas : il faut appeler un chat un chat, et un déficit (ou une insuffisance de financement) du nom qu’il mérite. Tout le problème est justement l’appellation qu’on lui donne, et les conséquences qui s’en suivent : "déficit" cumulé révélant soudainement une gestion calamiteuse, ou "insuffisance de financement" masquée depuis de nombreuses années ?

          Apparemment le choix politique est clair...


          • appoline appoline 9 juin 2008 20:16

            La première erreur a été de confier la gestion du service hospitalier à de pseudo cadres de santé aucunement formés à gérer une entreprise car c’est de gestion dont nous parlons, là, ce n’est plus une lacune mais un gouffre. Par ailleurs, vous allez croire que j’ai une dent contre les cadres de santé et bien oui et pas des moindres surtout quand on sait que les formations sont payées par l’hopital alors vous ne serez pas surprise de savoir qu’il faut que tout le monde soit reçu et cela du bas en haut de l’échelle avec des copies décachetées avant correction.

            Le système hospitalier est malade et tant que le ménage ne sera pas fait, ce mal persistera ; il faut un grand coup de balai et surtout le courage de le faire car le système va soit exploser, soit imploser, tout dépend d’où viendra la pression mais il est clair qu’il ne peut perdurer ainsi et là, vous avez une sacrée responsabilité.

            Allez, je vous laisse continuer à vous occuper de vos RTT, car même le management les cadres sont loin d’être à la hauteur, on leur a trop seriné les oreilles avec l’égo, elles ont tout pris pour argent comptant.

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