Maintenir le capital/santé des personnes âgées lors du confinement !
Les personnes âgées (PA), en particulier après 70 ans, constituent la population la plus vulnérable face au coronavirus (Cov19) et leur préservation est la priorité majeure de cette crise. Cette protection obéit à un double défi, : ne pas être contaminées et garder au maximum leur capacité physique, grâce à une bonne hygiène de vie, pour affronter non seulement éventuellement cette maladie mais aussi éviter un affaiblissement durable et/ou périlleux de leur santé. Un double défi plus difficile à relever au Maroc comme dans tous les pays intermédiaires ou pauvres qu'en Europe !
Compte tenu de l’affaiblissement progressif des facultés propres au vieillissement, la personne âgée (et/ou son entourage) doit en effet tout à la fois veiller à ne pas diminuer sa consommation alimentaire habituelle, en incluant une bonne ration de protéines, bien boire (1,7 litre par jour en moyenne), se soigner, exercer des activités physiques et dominer ses angoisses !
UNE PRIORITE : LA VIGILANCE SUR L'HYGIENE DE VIE DES SENIORS
Le confinement strict qui s’impose aux PA présente en effet des risques liés à l'inactivité physique, la sédentarité et le stress. Ceux-ci peuvent conduire à un désengagement dans leurs besoins quotidiens et à des troubles s’enchainant dans un cycle catastrophique : sous-alimentation, diminution de la masse musculaire et des capacités cardio-respiratoires, aggravations de leurs pathologies, dépression, perte d’autonomie…
Pour répondre à ces difficultés, et compte tenu de l’évolution de leurs paramètres physiologiques, il est nécessaire d’assurer plus que jamais chez nos seniors :
- Une alimentation suffisante
Les PA ont trop souvent tendance à diminuer leurs apports en aliments et en boissons, le seuil de la perception de la faim et de la soif s’émoussant avec l’âge, sans que leurs besoins énergétiques ne soient réduits. Leurs besoins énergétiques sont en fait peu inférieurs à ceux de l’adulte jeune : 2000 kilocalories par jour pour l’homme et 1800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2800 et 2200 à 30 ans.
Pour éviter la fonte musculaire, l’apport nutritionnel en protéines animales surtout (viandes, poissons) et aussi végétales (lentilles, pois chiches, pois cassés, dattes et figues séchées, céréales…), doit même être supérieur à celui de l’adulte jeune pour représenter 12 à 15 % des nutriments. Les besoins en eau de boisson sont aussi toujours plus élevés chez la PA que l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5l/j) à cause d’une élimination urinaire plus forte.
- Une activité physique dynamique
Une pratique physique, même dans un espace restreint, est indispensable car la force des muscles des PA baisse rapidement en l’absence de mobilité. Il s’agit notamment de réaliser plusieurs fois par jour de petits exercices de gymnastique mobilisant en particulier les bras et les jambes (30 mn par jour si possible) et de se lever au minimum toutes les 1 heures pour marcher.
- Une maîtrise de l’angoisse
La situation actuelle anxiogène provoque évidemment un sentiment d'angoisse chez beaucoup de PA, faisant courir des risques d'hypertension, de hausse de la glycémie, de troubles psychosomatiques divers, de dépression… Faire baisser ce stress est un enjeu primordial pour éviter qu’à la contagion par le virus se surajoute une contagion de la peur. Il faut donc que l’entourage garde des liens étroits avec les PA, même à distance, et se mobilise pour entretenir leur moral par tous les moyens possibles de distraction. Il faut enfin, autant que possible, essayer de conserver une heure de coucher et de lever régulière pour éviter les troubles du sommeil.
- Une poursuite des traitements en cours
La défense de l’organisme, le système immunitaire, s’affaiblit avec l’âge et est amoindrie lors de certaines pathologies notamment pour ceux qui :
- souffrent de problèmes respiratoires, rénaux, cardiaques et d’hypertension, de diabète, d’obésité…
- reçoivent des traitements immunodépresseurs (chimiothérapie, médicaments immunosuppresseurs, cortisone…) pour des maladies auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde, Gougerot-Sjögren…), des cancers…
Les personnes âgées (PA) doivent continuer leurs traitements existants (et même ceux qui diminuent leur système immunitaire) en demandant conseils à leurs médecins pour leurs adaptations éventuelles.
Un arrêt brutal d’une thérapeutique peut se révéler catastrophique. Ainsi la suspension des corticoïdes (cortisone) dans un traitement au long cours doit impérativement être progressive. La prise de corticoïdes de synthèse utilisés lors des traitements bloque en effet la sécrétion des corticoïdes naturels produits par les glandes surrénales. Il faut donc s’assurer que ces glandes ont bien pris le relais avant l’arrêt définitif des corticoïdes de synthèse. Sinon, cet arrêt est susceptible de provoquer une insuffisance surrénalienne aigue, mortelle si elle n’est pas prise en charge immédiatement.
L’automédication, trop fréquente malheureusement au Maroc, ou la surconsommation est à prohiber en cette période !
Vous trouverez en annexe des précisions sur les points développés ci-dessus
Il faut néanmoins être lucide : ces recommandations d’hygiène de vie auront du mal à être pleinement respectées dans le contexte de la crise économique et sociale que va connaître les pays du Maghreb (que ce soit en Algérie, en Tunisie ou au Maroc) et d’Afrique Noire. La majorité des gens y sont maintenant déjà au chômage sans mécanisme d’indemnisation, d’autant plus que beaucoup déjà travaillaient « au noir ».
Pour faire face à ce risque de paupérisation absolue, le gouvernement au Maroc met d’ailleurs actuellement en place en urgence un processus d’allocations prévoyant une aide de subsistance mensuelle de 2 000 dirhams (200 euros environ) pour les salariés déclarés et de 800 à 1 200 dirhams, suivant la taille de la famille, pour les ménages opérant dans l’informel.
Casablanca, le 28 mars 2020
Dr MOUSSAYER KHADIJA الدكتورة خديجة موسيار
اختصاصية في الطب الباطني و أمراض الشيخوخة Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie
Annexes :
SOMMAIRE :
1/ Un manque d’appétit fréquent chez la personne âgée
2/ Une grande vigilance à l’égard de l’hydratation
3/ Attention à la diminution du capital musculaire
4/ Une qualité du sommeil à préserver
5/ Les règles d’un bon confinement pour les personnes âgées
Bibliographie
1/ Un manque d’appétit fréquent chez la personne âgée :
Les personnes âgées ont souvent tendance à diminuer leur apport alimentaire sans que leurs besoins énergétiques ne soient réduits. Ce manque d’appétit est en partie dû notamment à l’altération des perceptions des odeurs et du goût d’où une difficulté à identifier et apprécier les aliments. Le seuil de détection des 4 saveurs de base est ainsi augmenté en moyenne de 11,6 fois pour le salé, 7 pour l’amer, 4,3 pour l’acide et 2,7 pour le sucré par rapport à un individu jeune !
Contrairement aux idées reçues, les besoins énergétiques de la PA sont presque identiques à ceux de l’adulte jeune : 2000 kcal/j pour l’homme et 1800 kcal/j pour la femme contre respectivement 2800 et 2200 à 30 ans.
2/ Une grande vigilance à l’égard de l’hydratation
La PA a tendance naturellement à baisser ses apports en eau, le seuil de perception de la soif s’émoussant aussi avec l’âge. Les pertes en eau de la PA sont aussi plus importantes à cause de la plus forte résistance du rein à l’action d’une substance qui limite les pertes en urine (l’hormone antidiurétique). De plus, les mécanismes de régulation sont moins bien assurés, et l’élimination des surplus de sucre ou de sodium s’accompagne d’une plus grande perte en eau. L’équilibre hydrique est également menacé par certains médicaments (diurétiques, neuroleptiques…). Pour toutes ces raisons, les besoins en eau de boisson sont toujours plus élevés chez la PA que l’adulte jeune (1,7 l/j contre 1,5l/j)
3/ Attention à la diminution du capital musculaire
Le capital musculaire diminue chez la PA, ce qui aggrave l’état nutritionnel et l’hydratation. Les réserves en eau (73% de l’eau totale du corps sont stockés dans les muscles) baissent en effet corrélativement à la diminution de la masse musculaire (17% du poids du corps à 70 ans contre 30% à 30 ans). Ce phénomène, la sarcopénie, a des répercussions considérables par les faiblesses qu’il provoque : risques infectieux par baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires, chutes et fractures éventuelles compromettant l’autonomie de la PA…
Pour éviter l’aggravation de la fonte musculaire, l’apport nutritionnel conseillé en protéines animales (viandes, poissons …) et/ou végétales (amande, pistache, noix de cajou, haricots rouges, lentilles, pois chiches, pois cassés, champignons, dattes et figues séchées, céréales…), doit être supérieur à celui de l’adulte jeune : 1 à 1,2 contre 0,8 à 1g/kg/j, soit 12 à 15 % des nutriments.
4/ Une qualité du sommeil à préserver
Le sommeil se modifie avec l’âge tant par sa structure que par sa qualité. Son temps total diminue et il devient moins efficace car plus fragmenté par des réveils nocturnes fréquents. Il faut donc, autant que possible, essayer de conserver une heure de coucher et de lever régulière et s’exposer à lumière naturelle durant la journée. Les boissons contenant des excitants (café, thé) ainsi que le tabac sont à éviter ou à consommer de façon minime.
5/ Les règles d’un bon confinement pour les personnes âgées
Le coronavirus nous atteint à la suite de son passage par les yeux, le nez ou la bouche. Il ne passe pas directement à travers la peau. Néanmoins, nos mains peuvent avoir à leur surface des virus après des contacts avec d’autres personnes ou des surfaces et objets contaminés et nous risquons ensuite alors de nous transmettre la maladie en portant nos mains au visage.
Les personnes âgées et toute autre personne à risque (ainsi que le reste de la population) doivent donc observer, de façon encore plus stricte que les autres, les gestes « barrières » de protection et en particulier une distance d’au moins d’un mètre des autres personnes, des longs lavages complets et réguliers de toutes les parties des mains (doigts, pouce, paume, dos de la main, poignet) à l’eau savonneuse après tout contact à l’extérieur.
Si ces personnes âgées vivent seules ou en couple et sont valides, le mieux est qu’elles restent strictement confinées à l’écart de leur entourage qui peut leur apporter tous les moyens de subsistance en les livrant de préférence sur le pas de la porte de leur habitation.
Si les personnes âgées vivent en famille, c’est aux autres membres d’observer scrupuleusement le confinement, en déléguant si possible à une seule et même personne le soin de faire toutes les courses nécessaires durant cette période, cette dernière acceptant alors de se mettre le plus possible en semi-confinement à l’égard du reste de la famille.
Bibliographie utile : article médicaux de l’auteur sur les personnes âgées :
- Nutrition et personnes âgées
- Troubles du sommeil des personnes âgées
- Gériatrie et personnes âgées au Maroc
Mots clés : coronavirus, cov19, personne âgée, nutrition, hydratation, exercices physiques, capital musculaire, sarcopénie, angoisse, stress, sommeil, dépression, médicaments, cortisone, Maroc, Maghreb.
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