Médecins dopés à la chimio
Sur les forums de médecins l’on se gausse de la possibilité qu’ont obtenu les pharmaciens de proposer des ‘consultations’ payantes - et remboursées par une mutuelle - pour conseiller les clients de chimiothérapies. Notre médecine est devenue dépendante de la pharmacie et de sa puissance financière : il ne lui sera pas aisé de se sortir du piège.
Un groupe d’assureurs privés affiliés au Crédit Mutuel vient de prendre une décision surprenante. En effet ils proposent à leurs adhérents une consultation gratuite de prévention réalisée par un pharmacien et rémunérée sur la base de 22 euros.
Cette initiative est bien évidemment assortie de certaines conditions, le client devra obligatoirement payer sa consultation à l’aide d’une carte bancaire ’’avance santé’’ à débit différé et émise par l’assureur.
Ceci n’est pas une blague ! A l’origine de cette initiative : les syndicats d’officinaux, la mutuelle Mtrl et les Assurances du Crédit Mutuel (ACM). L’Unpf et l’Uspo ont déjà signé et la Fspf a indiquer qu’elle ferait de même.
Source : le blog Pratis La visite médicale interactive
Crime de lèse-majesté qu’un docteur en pharmacie, dont la raison d’être est de faire du profit en commercialisant des médicaments, se substitue au médecin, seul habilité à diagnostiquer et à prescrire ? Ce que cette récente évolution révèle, c’est que la frontière entre médecine et pharmacie devient chaque jour plus ténue.
Dans le passé le médecin prescrivait et le pharmacien préparait les traitements. Aujourd’hui l’emprise des laboratoires, via un marketing effréné, a inversé le contrôle.
Les médecins, à qui il n’est pas rare que l’on dissimule la vérité (cf. le fameux scandale du Vioxx), ne sont plus en mesure de ne penser qu’à l’intérêt du seul patient en toute connaissance de cause. Ainsi d’anciennes médications tombées dans le domaine public - peu rentables mais aux effets secondaires bien connus - sont chaque jour remplacées par des nouvelles molécules protégées par des brevets, sans que le service rendu soit amélioré. Ces comportements sont guidés non par l’intérêt du patient ou de l’assurance maladie mais par les cours de Wall Street. La liberté prise par les pharmaciens - dont nous n’avons l’intention de contester le rôle et l’honnêteté - est une preuve de cette inversion de la prééminence.
Si la médecine veut retrouver sa crédibilité entamée par divers scandales sanitaires, il lui revient de prendre l’initiative de retrouver son indépendance. Le mouvement Formindep pour une formation indépendante agit efficacement dans ce sens : à trop dépendre de l’argent généreusement distribué par les laboratoires, la médecine est comme ces cyclistes professionnels : dopée à l’insu de son plein gré.
Car il est évident que tout le système médical, les revues professionnelles, la formation continue, l’évaluation des pratiques professionnelles, les colloques savants, congrès et autres symposiums ne peuvent exister que grâce à des "partenariats" avec une industrie pharmaceutique intéressée. Comment peut-on imaginer un sponsor accepter que ses produits soient mis en cause dans une réunion de médecins ? Cela mettrait ses promoteurs en porte-à-faux ! L’autocensure règne en maîtresse des égarements potentiels.
L’argent public étant en quantité forcément insuffisante, la recherche médicale et les travaux des experts médicaux sont encore plus dépendants de ces financements, Il s’ensuit que les chercheurs du système hospitalo-universitaire sont peu regardants sur l’origine des fonds leur permettant de chercher, d’enseigner et de publier. Là aussi la censure est à l’œuvre, les projets financés en priorité étant ceux porteurs de développements industriels futurs. Plus le temps passe et plus la médecine clinique est instrumentée par les industriels, qui finissent par faire et défaire les carrières.
Ainsi je prendrai l’exemple du Pr Robert Molimard, fondateur il y a vingt ans de la Société de Tabacologie, qu’il a présidée pendant 20 ans avant d’être écarté au profit d’un pharmacologue beaucoup plus proche du réseau des laboratoires pharmaceutiques commercialisant des traitements médicamenteux que ne l’était R. Molimard. D’une façon générale toutes les associations dites ‘savantes’ de médecins, susceptibles de répandre la bonne parole sont influencées voire contrôlées par les industriels qui les subventionnent. Et il peut arriver que les associations de patients le soient aussi ! C’est le cas, toujours dans le domaine du tabagisme, de l’association Droits des non-fumeurs, dont le logo trône au beau milieu d’une page du site Entreprise sans tabac de Pfizer.
On disait dans le temps que l’hôpital se moquait de la charité. Il n’est plus lieu pour les médecins de se moquer des pharmaciens dont ils sont devenus en quelque sorte les ‘obligés’.
Un médecin généraliste estimait récemment qu’il était destinataire de 100 kg de prospectus professionnels par an. La médecine est dopée à la pharmacie et, dans le peloton, honte à celui qui révélera le pot au roses ou cessera les attitudes complaisantes. En médecine de ville, le praticien qui refuse les ordonnances à rallonge se met à dos une partie de sa clientèle. Le Conseil de l’ordre veille à ce que la solidarité professionnelle et confraternelle ne soit pas entamée. Etc. Comment sortir de cette impasse où les gagnants sont ceux qui acceptent les plus grandes compromissions ? Cela ne sera pas plus facile que d’éliminer les dérives reconnues dans le cyclisme et ailleurs.
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