Prélèvements « à coeur arrêté » et acceptation sociétale
L’arrêt cardiaque ne signifie plus simplement la mort de l’individu. La loi du 21 avril 2005 établit la procédure des prélèvements d’organes « à cœur arrêté » - procédure qui permet qu’une situation d’arrêt cardiaque devienne une source de greffons. Un patient dont les fonctions cardiaques et respiratoires sont en arrêt persistant peut désormais devenir donneur d’organes. Quelle acceptation sociétale rencontrent les prélèvements « à coeur arrêté », dont la presse se fait si peu l’écho ?
"Les premiers prélèvements sur donneurs à cœur arrêté ont été réalisés en 2006. Afin d’augmenter le nombre d’organes disponibles pour les greffes, le prélèvement d’organes sur des sujets ’à cœur arrêté’, c’est-à-dire décédés d’un arrêt cardio-circulatoire et non par mort encéphalique, est possible depuis le décret du 2 août 2005, qui autorise en particulier les équipes médicales à mettre en place des moyens de préservation des organes en attendant l’entretien avec les proches. Fin 2005, le protocole concernant le prélèvement de reins sur patients décédés à cœur arrêté a été validé et 9 sites hospitaliers volontaires en testent la faisabilité (La Pitié, Bicêtre, Saint-Louis, Lyon, Nancy, Strasbourg, Marseille, Nantes et Bordeaux). En décembre 2006, un premier prélèvement à cœur arrêté s’est déroulé avec succès aux Hospices civils de Lyon. Plusieurs autres ont suivi à Lyon, Paris et Angers. En 2007, le prélèvement de foie devrait également démarrer, après élaboration d’un protocole médical." (source : Agence de la biomédecine, rapport annuel 2006).
Trois étapes conduisent au prélèvement d’organes sur patient "décédé en état d’arrêt cardio-respiratoire persistant", ce prélèvement mettant en œuvre la technique dite "à cœur arrêté". Un bref rappel de ces trois étapes :
1.-) La réanimation cardio-pulmonaire constitue la première étape. Elle doit être d’une durée d’au moins 30 minutes. Cette réanimation a pour but de sauver la vie du patient. Entre l’arrêt cardio-pulmonaire et le début de la réanimation cardio-pulmonaire, il ne faut pas que plus de 30 minutes s’écoulent.
2.-) Pendant cinq minutes, les tentatives de réanimation cardio-pulmonaire infructueuses, qui ont eu lieu durant 30 minutes, sont arrêtées. Ce court laps de temps, ces cinq minutes, permettent de constater le décès. "Ces cinq minutes sans réanimation cardio-pulmonaire (RCP) sont nécessaires, afin de vérifier que sans réanimation, il n’y a pas de retour à une respiration spontanée. L’électrocardiogramme doit être plat ou agonique. Ce tracé agonique peut durer plusieurs heures. C’est au cours de ces cinq minutes que le certificat de décès va être signé. Pourquoi cette période de cinq minutes ? Lorsqu’il y a eu une période d’arrêt cardiaque sans RCP, puis une RCP jugée inutile au bout de 30 mn, si de nouveau la RCP est arrêtée pendant cinq minutes, les neurones n’auront pas pu survivre. Le diagnostic de mort sur le plan neuronal est certain." (Professeur B. Riou, chef du service des urgences, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris : "Arrêt cardiaque réfractaire : prélèvement d’organes ?"). Ce diagnostic n’atteste cependant pas la destruction du cerveau, qui n’est pas requise pour les prélèvements "à cœur arrêté".
3.-) Suite au constat de décès, une autre réanimation va être entreprise, cette fois-ci dans le but d’assurer la conservation des organes du patient "candidat" au prélèvement d’organes. Cette seconde réanimation est invasive. Elle consiste à réanimer le patient "décédé", tandis qu’il est transporté en toute hâte à l’hôpital s’il ne s’y trouvait pas déjà. Suivent alors des manœuvres techniques invasives : il s’agit soit de remplacer le sang de la personne par un liquide glacé pour permettre un refroidissement aux vertus conservatrices, soit de mettre en place un système d’assistance circulatoire (circulation extra-corporelle) qui permet de maintenir une circulation de sang oxygéné dans les organes. Cet appareil de CEC (circulation extra-corporelle) est aussi utilisé en chirurgie cardiaque, pour les opérations à cœur ouvert. Il nécessite que soit pratiquée une thoracotomie, ou ouverture du thorax. L’appareil de CEC servira alors à assurer la déviation de la circulation du sang. Il s’agit d’une machine, qui relaie les fonctions du cœur et des poumons, pour assurer la perfusion des organes.
La deuxième étape, celle d’une durée de cinq minutes, fait office de frontière entre deux réanimations poursuivant des buts opposés : la première réanimation sert à sauver le patient ; la seconde sert à sauver les organes de ce patient, mais constituerait un "acharnement thérapeutique déraisonnable" si le seul but poursuivi était de sauver ce patient, et non de conserver des organes en bon état à des fins de transplantation. Ces cinq minutes revêtent donc une importance cruciale sur le plan de l’éthique et de la législation.
==> Pour une présentation plus détaillée des prélèvements "à cœur arrêté", voir mon article wikipédia sur ce sujet.
Quatre questions se posent quant à cette technique des prélèvements "à cœur arrêté", l’enjeu de ces questions étant l’acceptation sociétale d’une telle pratique :
1.-) En pratique, quand informe-t-on les proches de la personne de son décès ? Comment réfléchir l’accompagnement et l’information de ces personnes ? Doit-on veiller à recueillir leur témoignage avant ou après la mise en place des moyens de conservation déployés sur le corps de la personne ?
Il faut moins de 120 mn entre le début de l’arrêt cardio-circulatoire et l’institution d’une technique de perfusion des organes - cette technique étant invasive. Il ne doit pas s’écouler plus d’une heure trente entre la mise en place de cette technique de perfusion des organes et le prélèvement en tant que tel. On comprend donc que le prélèvement des organes "à cœur arrêté" constitue une véritable course contre la montre. Dans ces conditions, recueillir le témoignage des proches, le consentement de la famille du patient, constitue un véritable défi. De quel délai de réflexion et de quelle information les proches et familles confrontés au don d’organes pourront-ils disposer, dans de telles conditions ? Il est difficile d’imaginer que ces proches et familles pourront être prévenus de la situation avant que ne démarre la troisième étape : les gestes techniques invasifs en vue de la conservation des organes. Ce qu’il faut savoir, c’est que "le décret du 2 août 2005 autorise en particulier les équipes médicales à mettre en place des moyens de préservation des organes en attendant l’entretien avec les proches" (source : Agence de la biomédecine). Le témoignage des familles sera donc recueilli après la mise en place des moyens de conservation déployés sur le corps. Ces moyens de conservation, ce sont des gestes techniques invasifs qui vont à l’encontre de l’intérêt du patient, tout en servant celui des patients en attente de greffe, car ces manœuvres visent à conserver les organes en vue de leur transplantation. Ce décret a été mis en place afin de fournir une justification légale à cette seconde réanimation et à ses suites, qui ne sont plus dans l’intérêt du patient et qui seraient par ailleurs interdites par la "loi Léonetti" d’avril 2005 (loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie), visant à protéger les patients en fin de vie de tout "acharnement thérapeutique déraisonnable" (les notions de "décision collégiale" et la "proportionnalité des soins" sont au centre de cette loi). Certes, aucune loi ne peut remplacer la compassion et l’éthique pour ce qui est de la prise en charge des malades en fin de vie. Dans le cadre des prélèvements "à coeur arrêté", le décret du 2 août 2005 autorise néanmoins cet "acharnement thérapeutique déraisonnable", en vue de poursuivre un bien commun, jugé supérieur : celui de la transplantation d’organes afin d’aider les patients en attente de greffe. En quelque sorte, le décret d’août 2005 permet de court-circuiter la loi Léonetti d’avril 2005, mais uniquement dans un cas bien spécifique : celui des potentiels donneurs d’organes dont le décès (par arrêt cardio-respiratoire persistant) a été décrété. Les acteurs des transplantations ont pu affirmer que ce décret recueille l’acceptation sociétale, mais on peut se demander comment une telle affirmation est possible, dans la mesure où une large partie des usagers de la santé ignore l’existence de ce décret... Il importe donc de retenir que la loi autorise le corps médical à recueillir le témoignage des proches quant au don d’organes après la mise en place des mesures invasives ayant pour "seul" but la conservation des organes du patient en vue d’une transplantation. Quant à la question de savoir si le médecin a le droit de s’immiscer dans l’éthique de son patient, voilà qui constituerait une autre piste de réflexion. L’existence de ce décret tendrait néanmoins à faire penser qu’un pas a été franchi dans cette direction, sans que l’usager de la santé ait été consulté au préalable...
2.-) "Quelles sont les conditions de respect du corps de la personne juste après son décès lorsque l’on pratique sur lui des gestes techniques de nature invasive ? Comment les réanimateurs vivent-ils la dualité de leur mission lorsqu’ils assurent par tous les moyens une circulation sanguine d’abord sur une personne à qui ils espèrent redonner vie, puis sur le corps de la même personne au moment même où ils renoncent à cet espoir ? Doit-on craindre la survenue de conflits d’intérêt à cet égard ?" (Dr Marc Guerrier, adjoint au directeur de l’Espace éthique / AP-HP, Département de recherche en éthique Paris-Sud 11 : "Les Prélèvements ’à coeur arrêté’ : enjeux éthiques", 15 novembre 2006).
On comprend que la déontologie médicale qui préside au prélèvement d’organes sur donneurs "décédés" est particulière. Elle est d’ailleurs controversée dans le milieu médical lui-même, puisque tout médecin est censé poursuivre le bien du seul patient qu’il a en charge, et non pas sacrifier l’intérêt dudit patient à celui de la communauté (des patients en attente de greffe). Le médecin ou chirurgien acteur des transplantations se trouve donc pris dans un dilemme, opposant service à l’individu et service à la collectivité. Voici le témoignage d’un médecin urgentiste, chef du service des urgences à l’hôpital Antoine-Béclère, Clamart : le docteur Marc Andronikof (propos recueillis en juin 2007) :
"Il est évident, et ce n’est nié par personne, que les soins au ’donneur’ sont
profondément modifiés lors de l’optique d’un prélèvement. C’est tout à fait
incompatible, à mon avis, (et ce devrait être l’avis de tout philosophe et de
tout médecin honnête) avec une prise en charge médicale ’éthique’. Le ’donneur’ perd sa qualité d’être humain, de malade, il est réduit à l’état de ’moyen’, de pourvoyeur d’organes. La qualité de relation médecin/malade est par là totalement pervertie puisque le médecin ne poursuit plus le bien de celui qu’il a en charge. Au mieux, on est au pire de l’acharnement thérapeutique. Je ne comprends toujours pas que nos philosophes et chantres de l’éthique à tout crin n’aient jamais exposé ’ex cathedra’ ces considérations simples. Ce silence est lui aussi scandaleux."
A l’appui de ce témoignage, il semblerait que la survenue d’un conflit soit possible. D’un côté, on retient, du généticien et philosophe Axel Kahn, l’un des principes qui fonde l’action. Ce principe est dérivé de Kant, mais il est aussi présent dans d’autres philosophies. Il s’agit de l’ "identité entre Moi et les Autres", en d’autres termes : je ne peux pas faire aux autres ce que je ne souhaite pas que l’on me fasse. Ce principe peut paraître important, en particulier dans le domaine du don d’organes. Il permet de dépasser l’"approche médicale" de fin de vie, puisque la médecine n’a pas encore été capable de définir le passage du vivant au mort. Par conséquent il touche le problème essentiel qui fonde le don d’organes, et peut aussi être à la base de l’éthique des individus. De l’autre côté, le prélèvement d’organes est considéré comme servant un bien supérieur : consentir à un don d’organes à sa mort, c’est aider d’autres patients. C’est la perspective du professeur Louis Puybasset, unité de neuro-anesthésie-réanimation, Département d’anesthésie-réanimation, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. Je cite ses propos (recueillis en septembre 2005), concernant le problème de la réanimation des patients en vue du prélèvement de leurs organes :
"(...) cette réanimation est limitée dans le temps et (...) elle est douloureuse
pour les soignants. Si nous faisons cela, ce n’est pas pour faire souffrir une
famille mais pour sauver d’autres vies. (...) Des receveurs d’organes (...) doivent leur vie au dévouement de ces médecins, de ces infirmières et des familles de donneurs (...). Madame, vous-même ou un de vos proches sera peut-être un jour receveur. Je ne doute pas que cela changera alors votre vision de cette médecine qui est une des plus belle qui soit car elle donne véritablement la vie et exprime ce qu’est la solidarité humaine contre l’égoïsme et le repli sur soi." (Source)
3.-) Est-on, collectivement, aujourd’hui bien au clair sur la définition même de la mort ? Quels sont les fondements d’une telle définition ? Sont-ils connus et admis de tous ?
En France, seule la situation d’échec de réanimation a été retenue pour le prélèvement des organes "à coeur arrêté". Suite à cet échec, le décès du patient est constaté. C’est ce constat qui permet de pratiquer ensuite des gestes techniques invasifs, pour assurer la conservation des organes, sur ce qu’il faut bien appeler un "mort réanimé", donc une personne dépourvue de ses droits de patient en fin de vie, désormais considérée comme un simple pourvoyeur d’organes. Le rôle de ces cinq minutes est donc crucial, puisque ce laps de temps est censé prévenir les conflits d’intérêt en général, et, en particulier, éviter toute confusion entre une décision d’arrêt de soins et l’intention d’un prélèvement d’organes. Ce mort réanimé est-il mort pour autant ? L’acceptation sociétale devrait être garantie par l’existence de ce délai de cinq minutes, qui permet de déclarer le décès du patient. Mais c’est un délai bien mince... Dans de telles conditions, comment rassurer les proches effrayés par cette intrusion dans le processus de mort, cette "technicisation de l’agonie" (Dr. Andronikof) au "seul" bénéfice du prélèvement d’organes ?
Quand on sait qu’il ne doit pas s’écouler plus d’une heure trente entre la mise en place de la troisième étape et le prélèvement en tant que tel, on mesure à quel point le temps de réflexion laissé aux familles est court... Cette frontière de cinq minutes, dite "garde-fou", est censée permettre de recueillir l’acceptation sociétale des prélèvements "à coeur arrêté", suite à l’échec de la réanimation. Peut-on dire pour autant que ce mort, réanimé le temps que ses organes soient prélevés, est mort ? Y a-t-il consensus sur ce point ? Ce court laps de temps de cinq minutes permet-il vraiment d’éviter le conflit d’intérêt ?
Examinons la situation aux USA : les donneurs prélevés "à coeur arrêté" ne le sont pas suite à une situation d’échec de la réanimation. Pour ces patients américains en fin de vie, il y a eu décision de l’arrêt des soins, puis extubation, et anesthésie de ces patients afin de prélever leurs organes. De tels patients ne sont pas présentés comme morts par le corps médical, là encore, contrairement à ce qui est pratiqué en France, où l’on parle de patients "décédés en état d’arrêt cardio-respiratoire persistant". Cette situation d’arrêt des soins n’a pas été retenue en France, car elle poserait des problèmes d’éthique, avec le risque d’un conflit d’intérêt, à savoir la confusion entre une décision d’arrêt de soins et une intention de prélèvement d’organes.
Dans la situation d’arrêt des soins, qui prévaut largement aux USA pour les prélèvements "à coeur arrêté", les médecins disent aux familles qu’on ne peut plus rien pour leur proche en fin de vie, mais que ses organes pourraient aider d’autres patients. On ne dit pas que ce proche en fin de vie est mort. Est-ce là un discours plus honnête, ou bien la différence fondamentale qui existe entre les deux situations (prélèvements "à coeur arrêté" suite à échec des tentatives de réanimation en France, et suite à une situation d’arrêt des soins aux USA) exige-t-elle qu’on parle d’un mort dans le premier cas, et d’un patient en fin de vie dans le second cas, sans qu’il y ait hypocrisie d’un côté ou de l’autre ? Il n’en reste pas moins que ces dissensions et disparités des pratiques d’un pays à l’autre sont troublantes pour l’usager de la santé.
Le diagnostic de la mort chez les patients en état d’arrêt cardiaque et circulatoire persistant :
"Au bout d’un certain nombre de minutes (30 environ), on considère que la
réanimation est devenue vaine (’futile’ en anglais, c’est-à-dire inutile), qu’il
n’y a plus de chance de survie pour le malade. On arrête, on est donc dans un processus d’arrêt de la réanimation cardio-pulmonaire, et on va attendre 5 mn sans RCP (réanimation cardio-pulmonaire), afin de vérifier que sans réanimation il n’y a pas de retour à une respiration spontanée. L’ECG (électrocardiogramme) doit être plat ou agonique. Ce tracé agonique peut durer plusieurs heures. C’est au cours de ces cinq minutes que le certificat de décès va être signé, puis la RCP est reprise, mais chez un patient qui a été déclaré décédé. Pourquoi cette période de 5 mn ? Lorsqu’il y a eu une période d’arrêt cardiaque sans RCP, puis une RCP jugée inutile au bout de 30 mn, si de nouveau la RCP est arrêtée pendant 5 mn, les neurones n’auront pas pu survivre. Le diagnostic de mort sur le plan neuronal est certain." (Professeur Riou, chef du service des urgences à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
Ce diagnostic n’atteste cependant pas la destruction du cerveau, qui n’est pas requise pour les prélèvements "à cœur arrêté" : dans cette situation, on ne peut savoir avec certitude à quel moment un tel patient se trouve en état de mort encéphalique. D’un côté, sur le plan légal, la mort équivaut à la mort encéphalique. De l’autre, dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté", le diagnostic de la mort de la personne "repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et (...) aucun examen complémentaire n’est requis" (Dr. Marc Guerrier, cité plus haut).
Le fait qu’en France, la définition légale de la mort repose sur la mort du cerveau (loi de bioéthique de 1996, révisée en 2004 et toujours en vigueur), et qu’en même temps, on puisse décréter mort un patient sans que l’état de mort encéphalique de ce patient soit confirmé, peut sembler paradoxal. Examinons ce paradoxe de plus près :
Le rapport de l’Académie nationale de médecine du 14/03/2007, intitulé "Prélèvements d’organes à cœur arrêté", stipule :
"Depuis 1968 et jusqu’à présent, le prélèvement a été limité aux donneurs à cœur battant en état de mort cérébrale. Dans le sillage des expériences étrangères, la loi française a ouvert depuis août 2005 une voie nouvelle, celle des ’décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant’ autorisant le prélèvement des reins et du foie."
Ce même rapport précise : "Il n’y a qu’une seule forme de mort : la mort encéphalique, qu’elle soit primitive ou secondaire à l’arrêt cardiaque."
D’un côté, sur le plan légal, la mort équivaut à la mort encéphalique. De l’autre, dans le cas des prélèvements "à coeur arrêté", le diagnostic de la mort de la personne "repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et (...) aucun examen complémentaire n’est requis" (Dr. Marc Guerrier). La mort encéphalique n’est donc pas requise. Le patient "en arrêt cardiaque et respiratoire persistant" devrait donc être déclaré mort lors du prélèvement de ses organes, et non avant, alors que la mort du cerveau n’est pas requise ni vérifiée. La mort neuronale n’équivaut pas à la mort cérébrale.
Le diagnostic de mort dans le cas d’un patient candidat aux prélèvements "à cœur arrêté" fait donc l’objet de dissensions au sein de la communauté médicale et scientifique, tant en France qu’à l’échelle internationale. Les importantes disparités entre les pays reflètent les difficultés à déterminer le moment précis de la mort d’un point de vue scientifique. On pourrait dire que les tentatives visant à justifier les prélèvements d’organes sur donneurs "décédés" en tentant de fournir des critères scientifiques en vue d’une définition légale de la mort n’ont pas abouti, puisque la définition n’est pas exempte de contradictions.
En ce qui concerne les prélèvements "à coeur arrêté", nous avons vu que le constat de décès est basé sur l’arrêt des fonctions du coeur et des poumons, sans que soit vérifiée la destruction du cerveau (mort encéphalique). Dans le cas de la mort encéphalique, le cerveau est détruit, mais le coeur bat encore. Rappelons que la mort, dans son acception traditionnelle, se définit par la cessation irréversible des fonctions du coeur, des poumons et du cerveau.
4.-) "Comment envisager une pédagogie spécifique du grand public concernant le prélèvement à cœur arrêté, dès lors que la notion de consentement présumé (option retenue en France pour le don d’organe) suppose le préalable d’une information largement disponible et diffusée ?" (Dr. Marc Guerrier)
Pour le moment, le discours public affirme simplement que les prélèvements "à coeur arrêté" recueillent l’acceptation sociétale, du fait que le coeur de ces patients ne bat plus, ce qui n’est pas le cas pour la mort encéphalique, où le cerveau est détruit, mais le coeur bat encore, ce qui poserait plus de problèmes : imaginer qu’une personne dont le coeur bat encore est morte n’est pas aisé... Rappelons néanmoins le paradoxe rencontré plus haut : en France, la définition légale de la mort repose sur la mort du cerveau. Or dans le cas d’un patient "décédé en état d’arrêt cardio-respiratoire persistant", la mort encéphalique n’est pas requise : "le diagnostic de la mort de la personne repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et (...) aucun examen complémentaire n’est requis" (Dr. Marc Guerrier). Ces controverses, paradoxes et disparités d’un pays à l’autre ne sont pas faits pour renforcer l’adhésion de l’usager de la santé. Faut-il parler, non pas de donneurs d’organes "décédés", mais de forme de mort équivoque, afin d’évoquer sans tabou la difficulté à déterminer d’un point de vue scientifique le moment exact de la mort ? A l’heure actuelle, de tels patients sont présentés comme morts, puisque c’est ce que veut la loi en France. Mais, pour ce qui est des patients "candidats" au prélèvement d’organes "à coeur arrêté", leurs cinq dernières minutes nous laissent songeurs...
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